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Droit de la concurrence
Dénigrement : une pratique constitutive d’un abus de position dominante
Mots-clefs : Abus de position dominante, Dénigrement, Santé publique, Secteur pharmaceutique, Sanction
Le fait pour une entreprise en état de position dominante sur un marché d’entraver l'entrée de ses concurrents sur ce marché en dénigrant leurs produits auprès des professionnels constitue un dénigrement relevant d’un abus de position dominante.
La stratégie commerciale d'une société pharmaceutique commercialisant un médicament ainsi que son générique, consistant à mettre en œuvre pendant plusieurs mois une méthode de communication à destination des professionnels de santé par des argumentaires, en partie mensongers, distribués aux visiteurs médicaux et délégués pharmaceutiques de la société, dont le seul objectif était de les influencer afin d'enrayer le mécanisme de la libre concurrence sur le marché des génériques, stratégie ayant effectivement eu pour effet de limiter l'entrée de ses concurrents sur ce marché, constitue une pratique de dénigrement en même temps qu’un abus de position dominante. Tel est l’enseignement de la décision rapportée. Rappelons que les dispositions de droit interne et communautaire prohibant l’abus de position dominante sont rédigées en termes généraux en sorte que toute pratique, telle que le dénigrement de concurrents actuels ou potentiels, est susceptible de constituer un abus prohibé par ces textes dès lors qu'elle a pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la libre concurrence ou qu'elle est susceptible d'affecter le commerce entre États membres de l'Union européenne.
Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d'un acteur économique qui cherche à bénéficier d'un avantage concurrentiel en pénalisant son compétiteur. Saisie en premier dans cette affaire, l'autorité de régulation compétente (l’ADLC) appréhende de plus en plus souvent le dénigrement sous l'angle de l'abus de position dominante et c'est essentiellement dans le domaine des médicaments génériques qu’un tel type de comportement est sanctionné par cette autorité. En l’espèce, elle avait infligé en 2013 à la société ici condamnée une amende de 40 millions d'euros pour avoir entravé l'entrée sur le marché des génériques en dénigrant les produits de ses concurrents auprès des professionnels de santé (Autorité de la concurrence, 14 mai 2013, n° 13-D-11 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur pharmaceutique). Aussi avait-elle également, la même année, condamné des pratiques de dénigrement commis par le laboratoire Schering Plough pour avoir pareillement entravé le développement de génériques (Autorité de la concurrence, 18 déc. 2013, n° 13-D-21). Dans l’affaire rapportée, après avoir identifié le marché pertinent sur lequel la société mise en cause détenait une position dominante, l’ADLC avait estimé que celle-ci avait abusé de sa situation de domination en se livrant (entre les mois de mai 2009 et janvier 2010) à une pratique de dénigrement des médicaments génériques concurrents du sien auprès d’une pluralité de médecins et de pharmaciens (décision n° 13-D-11 préc.).
La cour d'appel rejeta le recours en annulation formé par la société pharmaceutique en estimant qu’étant en position dominante sur le marché en cause, elle avait pu mettre en œuvre sur celui-ci une pratique de dénigrement abusive, et que la sanction infligée par l'ADLC était justifiée (Paris, 18 déc. 2014, n° 13/12370). Cette solution est confirmée en tous points par la chambre commerciale.
Com. 18 oct. 2016, n°15-10.384
Références
■ Autorité de la concurrence, 14 mai 2013, n° 13-D-11
■ Autorité de la concurrence, 18 déc. 2013, n° 13-D-21
■ Paris, 18 déc. 2014, n° 13/12370, AJCA. 2015.131 obs. O. Ancelin, et F. de Bakker
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