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[ 2 juin 2014 ] Imprimer

Droit pénal général

Dénonciation calomnieuse : contours de la présomption de la fausseté

Mots-clefs : Dénonciation calomnieuse, Fausseté, Présomption

Aux termes de l’article 226-10, alinéa 2, du Code pénal, la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n’a pas été commis ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée.

L’infraction de dénonciation calomnieuse repose sur la fausseté des faits dénoncés, laquelle peut être la dénonciation d'un fait « totalement ou partiellement inexact ».

S’agissant de la question de la charge de la preuve de la fausseté du fait dénoncé, l'article 226-10 du Code pénal opère une distinction entre deux situations : la preuve par appréciation du juge et la preuve par présomption.

Dans cette seconde hypothèse, l'article 226-10, alinéa 2, du Code pénal dispose que la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.

L'étendue de cette présomption a été restreinte par la loi no 2010-769 du 9 juill. 2010, les dispositions antérieures ayant été jugées contraires à l'article 6, paragraphes 1er et 2, de la Conv. EDH par la Cour européenne (CEDH 30 juin 2011, Klouvi c/ France). Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, soulevant une contrariété au principe de présomption d'innocence, la chambre criminelle a décidé de ne pas la renvoyer devant le Conseil constitutionnel. Selon les juges, cet article ne crée pas de « présomption de culpabilité ». En effet, « même lorsque la fausseté d'un fait dénoncé résulte nécessairement d'une décision définitive de relaxe, d'acquittement ou de non-lieu déclarant que le fait n'a pas été commis ou qu'il n'est pas imputable à la personne dénoncée, le délit n'est constitué que si la dénonciation a été faite par un prévenu qui savait que le fait qu'il dénonçait était totalement ou partiellement inexact » (Crim., QPC, 8 avr. 2014).

Cette preuve par présomption est l'objet de l'arrêt rendu le 6 mai 2014 par la chambre criminelle.

En l’espèce, un ex-époux avait été déclaré coupable, en première instance, de violences aggravées sur son épouse, d’avec laquelle il était en instance de divorce, avant d’être relaxé par la cour d’appel dans un arrêt du 14 octobre 2009. L’ex-époux avait alors fait citer son ancienne compagne du chef de dénonciation calomnieuse.

Déclarée coupable par le tribunal correctionnel jugement du 2 décembre 2011, celle-ci avait interjeté appel. Pour confirmer le jugement et déclarer l’ex-épouse coupable de dénonciation calomnieuse, les juges d’appel retenaient notamment que « la fausseté des faits dénoncés résulte de ce que, dans sa décision du 14 octobre 2009, la cour d’appel a retenu qu’au vu des constatations des enquêteurs et de l’imprécision d’un certificat médical produit huit jours après lesdits faits, la réalité des violences n’était pas démontrée et qu’aucun autre élément objectif ne venait corroborer les déclarations de la victime ».

La chambre criminelle casse l'arrêt d'appel au visa de l’article 226-10, alinéa 2, du Code pénal et rappelle les contours de la présomption. Celle-ci ne s’applique que si la décision de relaxe déclare que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée. Or, telle n’était pas le cas en l’espèce, comme le relèvent les juges du quai de l’Horloge, puisque « l’arrêt du 14 octobre 2009 ne relevait pas que les faits de violences n’avaient pas été commis ». En effet, la cour d’appel avait bien rendu une décision de relaxe, mais celle-ci était fondée sur l’insuffisance de charges. Elle n'établissait donc pas que les faits n'avaient pas été commis. La décision est conforme à la lettre et à l’esprit du texte qui poursuit l’objectif de rendre les décisions prises au bénéfice du doute ou pour insuffisance de charges insusceptibles d'engendrer la présomption de fausseté du fait dénoncé.

Crim. 6 mai 2014, n°13-84.376

Références 

■ CEDH 30 juin 2011, n° 30754/03, Klouvi c/ FranceD. 2011. 1902, obs. O. Bachelet RSC 2011. 607, obs. Y. Mayaud ibid. 714, obs. D. Roets.

■ Crim., QPC, 8 avr. 2014, n° 14-90.006.

 Article 226-10  du Code pénal

« La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.

La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement,  de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.

En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci. »

■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 

3. Tout accusé a droit notamment à : 

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; 

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; 

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; 

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

 

 

 

Auteur :C. L.


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