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[ 27 avril 2018 ] Imprimer

Procédure civile

Dénonciation d’une saisie conservatoire : nullité conditionnée à un grief que le juge apprécie souverainement

La dénonciation d’une saisie conservatoire est régie par les articles R. 523-3 du Code des procédures civiles d’exécution et 495 du Code de procédure civile. L’omission de la dénonciation d’une partie de la requête est un vice de forme entraînant la nullité de la dénonciation à condition de démontrer un grief que le juge apprécie souverainement.

Un débiteur saisi conteste la saisie conservatoire effectuée entre les mains d’un tiers. Il reproche au créancier de ne pas avoir respecté les formalités énoncées à l’article 495 Code de procédure civile exigeant que copie de la requête et de l’ordonnance ayant autorisé la saisie conservatoire soit communiquée au débiteur saisi. En effet, l’huissier n’avait pas communiqué l’intégralité des pages de la requête lors de la dénonciation au débiteur saisi. Ce dernier entendait obtenir la nullité de cette dénonciation et la caducité de la procédure.

Tant le juge de l’exécution que la cour d’appel déboutent le débiteur saisi de cette demande ; la cour d’appel estimant que cette omission n’avait causé aucun grief au débiteur saisi.

Ce dernier forme un pourvoi en cassation, reprochant à la Cour d’appel d’avoir violé les articles R. 523-3 du Code des procédures civiles d’exécution, 495 et 16 du Code de procédure civile.

La Cour de cassation devait déterminer si le défaut de dénonciation de l’intégralité de la requête à la personne à laquelle elle est opposée constituait un vice de forme cause d’une nullité subordonnée à la caractérisation souveraine par les juges du fond de l’existence d’un grief.

La Cour de cassation répond par l’affirmative. Elle rejette le pourvoi, estimant que le défaut de dénonciation de l’intégralité de la requête constitue un vice de forme de l’acte de dénonciation qui ne peut entraîner la nullité qu’à la condition de démontrer un grief dont le juge est le souverain appréciateur. 

La Cour de cassation approuve alors le raisonnement des juges du fond qui, ayant souverainement estimé que la dénonciation incomplète de la requête n’avait causé aucun grief au tiers saisi, n’ont prononcé ni la nullité de cette dénonciation ni la caducité de la procédure.

■ La confirmation de ce que l’article R. 523-3 du Code des procédures civiles d’exécution n’exclut pas l’application de l’article 495 du Code de procédure civile. En matière de saisie conservatoire de créance, l’article R. 523-3 du Code des procédures civiles d’exécution exige du créancier qu’il notifie l’ordonnance autorisant la saisie lors de la dénonciation de la mesure. La Cour de cassation confirme dans l’arrêt commenté que cette exigence n’exclut pas celle contenue à l’article 495 du Code de procédure civile qui prévoit que la requête à l’origine de l’ordonnance soit également laissée à la personne à laquelle elle est opposée (Civ 2e, 6 déc. 2001, n° 99-19.894).

■ La sanction : nullité pour vice de forme – exigence d’un grief. L’irrégularité de l’acte de dénonciation constitue un vice de forme pouvant entraîner la nullité de l’acte à condition de démontrer que cette omission a causé un grief. Cette irrégularité est par ailleurs soumise au régime des vices de fond de l’article 112 du Code de procédure civile et doit ainsi être soulevée in limine litis.

■ L’appréciation du grief relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Si la démonstration de l’existence d’un grief incombe au demandeur à la nullité pour vice de forme, le juge est souverain pour apprécier cette existence. Quel juge ? Si l’arrêt ici commenté réserve cette tâche au juge du fond, la Cour de cassation a toutefois pu opérer un contrôle sur la caractérisation du grief (Civ. 2e, 20 oct. 2011, n° 10-24.109).

Le grief n’est pas immédiatement tiré du vice, aussi grave soit-il, mais de la démonstration d’un préjudice subi par le demandeur à la nullité, tout spécialement quant à ses droits de la défense (C. Chainais, F. Ferrand, S. Guinchad, Procédure civile, 2016, Précis Dalloz, 33e éd., n° 991). 

Civ. 2e, 22 mars 2018, n° 16-23.601 P

Références

■ Civ. 2e, 6 déc. 2001, n° 99-19.894 P: D. 2002. 258, et les obs. ; RTD civ. 2002. 362, obs. R. Perrot.

■ Civ. 2e, 20 oct. 2011, n° 10-24.109 P: D. 2012. 1509, obs. A. Leborgne.

 

Auteur :Paul Giraud


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