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[ 4 octobre 2024 ] Imprimer

Droit pénal spécial

Déontologie de l’avocat : quand une accusation de mensonge constitue une diffamation

Accuser un avocat d’avoir menti quant à sa désignation par une personne gardée à vue, dont il n’est pas l’avocat, est diffamatoire dès lors que le mensonge constitue un manquement aux règles déontologiques de sa profession.

Civ. 1re, 4 sept. 2024, n° 23-14.951

Par voie de presse, un avocat avait été accusé de s’être faussement présenté comme l'avocat d'une personne placée en garde à vue dont il n'aurait jamais été, contrairement à ses dires, le défenseur. Estimant ces propos diffamatoires à son égard, l’avocat a assigné le directeur de la publication et la société éditrice aux fins d’obtenir la réparation de son préjudice et la publication d’un communiqué judiciaire.

La cour d'appel rejeta sa demande au motif que les propos selon lesquels il avait menti en prétendant être l'avocat d'une personne gardée à vue, alors qu'il ne l'était pas, ne sont pas diffamatoires, un « simple mensonge » ne pouvant s'analyser en propos diffamatoire.

La première chambre civile de la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel au visa de l'article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881. Elle rappelle que selon ce texte, constitue une diffamation toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé, même si elle est présentée sous forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation. 

Dès lors, pour les juges du droit, le fait pour un avocat de mentir quant à sa désignation par une personne gardée à vue étant contraire aux règles déontologiques de sa profession, l'imputation de tels propos portait atteinte à son honneur et à sa considération. Elle doit en conséquence s’analyser en propos diffamatoires.

Retenue par la Cour de cassation, la qualification de diffamation est explicitement mise en relation avec les obligations inhérentes à la profession d’avocat. Le raisonnement des magistrats est le suivant : c’est parce que le mensonge est contraire aux règles déontologiques de la profession d’avocat que le fait d’accuser un avocat d’avoir menti peut être considéré comme diffamatoire. Cette articulation est logique. Les obligations déontologiques de loyauté et de probité qui s’imposent à l’avocat lui interdisent tout manquement au devoir général de sincérité qui lui incombe. L’avocat doit être sincère dans l’exercice de son ministère, et cette exigence, qui transparaît déjà dans le serment qu’il prête au début de sa carrière, l’oblige à la fois dans ses rapports avec ses clients, ses confrères, les magistrats ainsi qu’avec le public. Ce devoir de sincérité signifie qu’en toutes circonstances, l’avocat doit éviter tout comportement ou propos susceptibles d’affaiblir le respect qu’il doit lui-même inspirer et qu’en particulier, il doit s’abstenir de mentir. Incompatible avec son obligation de sincérité, le mensonge prétendument commis ici constituerait un manquement déontologique. Partant, il ne pouvait, comme l’avait à tort retenu la cour d’appel, constituer un « simple mensonge ». Comme la thèse du pourvoi le soutenait, il devait s’analyser comme un fait diffamatoire puisqu’il se révélait attentatoire à l’honneur et à la considération du demandeur, en sa qualité d’avocat. Au-delà du rappel du devoir de sincérité de l’avocat, cet arrêt inédit a l’intérêt de mettre en évidence l’influence de la nature (déontologique) de la règle sur la qualification du délit.

 

Auteur :Merryl Hervieu

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