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Droit de la famille
Des effets patrimoniaux du divorce
Mots-clefs : Divorce, Effets patrimoniaux, Cohabitation, Collaboration, Report, Date, Prestation compensatoire, Forme, Montant
En cas de divorce, la date de report de ses effets patrimoniaux dépend de celle à laquelle les époux ont effectivement cessé toute collaboration et l’attribution d’une prestation compensatoire sous la forme de l’attribution d’un bien commun est possible à condition de respecter la part légale de chacun des époux.
En janvier 2010, un couple divorce pour altération définitive du lien conjugal. Le juge prononçant le divorce décide de reporter la date des effets patrimoniaux de celui-ci au 25 juin 2007 et condamne l’époux au versement d’une prestation compensatoire. Ce dernier interjette appel du jugement : d’une part, le report des effets de son divorce aurait dû, selon lui, être avancé à la date de la séparation effective du couple, en 1994 ; d’autre part, il fait valoir son impossibilité d’assumer la prestation compensatoire fixée par le juge, consistant à la fois dans le versement d’une somme de 70 000 euros et dans l’attribution d’un bien commun en pleine propriété évalué à 355 000 euros. La cour d’appel confirme pourtant le jugement. L’époux se pourvoit donc en cassation. Au soutien de sa thèse, il fait grief aux juges, tout d’abord, de refuser de tenir compte de la date de cessation de la cohabitation du couple pour retenir uniquement la date de cessation de leur collaboration. Il reproche ensuite à la cour d’appel d’avoir attribué une prestation compensatoire sous la forme d’une attribution en pleine propriété sans préciser la valeur et la quotité des droits respectifs des époux sur ce bien, laissant ainsi indéterminé le montant de la prestation allouée.
La Haute cour rejette son pourvoi. Pourtant, le premier moyen invoqué était convaincant. En effet, on aurait pu imaginer que la cour retînt, pour fixer la date de report des effets du divorce, dépendante de celle à laquelle les époux ont effectivement cessé de cohabiter et de collaborer (C. civ., art. 262-1), la date de la séparation de fait des époux, tant il semble désormais acquis que « la cessation de la cohabitation [fait] présumer la cessation de la collaboration » (V. notam. Civ. 1re, 31 mars 2010). Si pour que cette présomption puisse jouer, la vie commune doit avoir effectivement pris fin, telle était bien l’hypothèse, les juges ayant constaté que les époux résidaient séparément depuis 1994. Mais cette présomption étant simple, elle peut, comme dans l’espèce rapportée, être renversée par le conjoint qui s’y oppose, par toute preuve contraire de la poursuite de la collaboration après la séparation du couple. Ainsi peut-on expliquer que la Cour de cassation ait ici fixé la date du report en 2007, les époux ayant après leur séparation en 1994, achetés trois biens immobiliers et contracté des emprunts au-delà de cette période. Les juges du fond ont donc pu déduire de ces faits la volonté des époux de poursuivre leur collaboration après la cessation de leur cohabitation (V. déjà : Civ. 1re, 17 nov. 2010). Il va de soi que l’épouse avait intérêt à renverser la présomption : en effet, lorsque les époux sont communs en biens, la date de report des effets du divorce a son importance car d’elle dépend celle de la dissolution du régime matrimonial des époux, à compter de laquelle les revenus ultérieurement perçus par chacun d’eux redeviennent propres. Autrement dit, il aurait ici été défavorable à l’épouse de faire reculer cette date car cela aurait conduit à diminuer la masse des biens communs à partager.
Quant au second moyen, il semblait, contrairement au précédent, peu pertinent. En effet, les juges du fond avaient bien précisé, dans le dispositif de leur décision, la valeur de l’immeuble commun attribué à titre de prestation compensatoire. Concernant la forme de cette prestation, l’arrêt rapporté offre l’occasion de rappeler que la prestation compensatoire est, en principe, versée en capital (C. civ., art. 270, al. 2), celui-ci consistant soit dans l’allocation d’une somme d’argent (C. civ., art. 274, 1°), soit dans l’ « attribution de biens en propriété (…), le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier » (C. civ., art. 274, 2°), l’un n’excluant pas l’autre, comme en témoigne l’espèce commentée. Le Conseil constitutionnel a par ailleurs récemment affirmé que la cession forcée d’un bien ne doit être envisagée que s’il existe des raisons de craindre un défaut de paiement en cas d’octroi d’une somme d’argent. En l’espèce, les récentes difficultés financières de l’époux, ayant perdu son client principal, permettent certainement d’expliquer qu’une telle cession, forcée, ait été ordonnée.
Civ. 1re, 24 oct. 2012, n°11-30.522
Références
■ Code civil
« Le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :
– lorsqu'il est prononcé par consentement mutuel, à la date de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n'en dispose autrement ;
– lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l'ordonnance de non-conciliation.
À la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge. »
« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. »
« Le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :
1° Versement d'une somme d'argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l'article 277 ;
2° Attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation. »
■ Civ. 1re, 31 mars 2010, n°08-20.729, RTD civ. 2010. 313, obs. Hauser.
■ Civ. 1re, 17 nov. 2010, n° 09-68.292, D. 2011. Jur. 351, note V. Bonnet ; AJ fam. 2011. 55, obs. Hilt ; Dr. fam. 2011, comm. 6, obs. Larribau-Terneyre.
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