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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Détention provisoire et délai raisonnable : appréciation in concreto
Mots-clefs : Européen, Pénal, Droit à la liberté, Détention provisoire, Délai raisonnable
La Cour européenne des droits de l’homme réitère les dispositions prévues à l’article 5, § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme selon lesquelles « Toute personne arrêtée et détenue a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable » et confirme l’absence de violation de celui-ci lorsque une importante période de détention provisoire est justifiée et nécessaire en fonction des circonstances de l’affaire.
Dans le cadre de ce litige, un ressortissant français soupçonné d’avoir commis un viol sur un jeune garçon de seize ans en lui donnant rendez-vous par internet est placé en détention provisoire par les autorités françaises afin de mener à bien l’enquête judiciaire.
Durant son incarcération, l’accusé introduit vingt-sept demandes de mise en liberté au motif que la durée de sa détention provisoire est excessive et déraisonnable. Toutes ses demandes sont rejetées par les autorités compétentes en raison de la nécessité des investigations à mener et la protection de la victime.
De ce fait, et afin de faire prévaloir sa demande de détention excessive rejetée par les juridictions internes, la Cour européenne des droits de l’homme est saisie d’une requête sur le fondement de l’article 5, § 3.
En se prononçant sur le fond de l’affaire, la Cour rappelle tout d’abord que la période à prendre en considération pour déterminer la durée d’une détention provisoire doit débuter au jour de l’incarcération de l’individu et prendre fin à la fixation du chef d’accusation. Ainsi, elle juge que l’incarcération litigeuse du requérant s’est étendue sur une durée de trois ans, trois mois et vingt-six jours.
Par la suite et selon la jurisprudence de la Cour, les juges apprécient, in concreto, le caractère raisonnable d’une détention provisoire suivant les faits et les circonstances du litige.
En l’espèce, les différents motifs exposés par les autorités judiciaires françaises pour la justification du maintien de la détention du requérant (investigations, risque de fuite et récidive, comportement de l’individu et des autorités, trouble porté à l’ordre public) sont « pertinents » et «suffisants » selon la Cour. Par ailleurs, elle estime que le requérant n’a pas été victime d’une « diligence particulière » soulignant « qu’a aucun moment les autorités judiciaires n’ont pas procédé aux recherches ou à des actes d’instruction comme l’atteste l’inventaire des investigations» (§49).
Par conséquent, les caractéristiques propres à l’affaire et sa complexité par sa nature (viol) et son mode opératoire (internet) l’ont amené à juger que « la détention provisoire du requérant n’a pas contrevenu aux exigences de l’article 5, § 3 » (§50).
Ainsi que le relève l’arrêt, l’appréciation du délai raisonnable de la détention provisoire s’opère de manière autonome, au cas par cas, suivants les enjeux du litige, la gravité des faits et le comportement des parties afin de déterminer si celle-ci se justifie.
La France a par ailleurs, déjà été condamnée à plusieurs reprises pour une durée de détention excessive et mal fondée, notamment dans l’affaire : Paradysz c/ France (CEDH, 29 oct. 2009, n° 17020/05) où les juges se sont intéressés à la notion de « diligences particulières » caractérisée par l’inactivité des autorités judiciaires dans la conduite de la procédure ne pouvant justifier le maintien de la détention provisoire de l’individu, et plus récemment dans l’affaire : Vosgien c/ France (CEDH, 3 oct. 2013, n° 12430/11).
Article 5 ConvEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté »
§3 : « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience ».
CEDH, 30 juill. 2015, Loisel c/ France, n°50104/11
Références
§ Convention européenne des droits de l’homme
Article 5
« Droit à la liberté et à la sûreté 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
a) s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;
b) s’il a fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi ;
c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;
d) s’il s’agit de la détention régulière d’un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l’autorité compétente ;
e) s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ;
f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.
2. Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.
3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience.
4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
5. Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »
§ CEDH, 29 oct. 2009, Paradysz c/ France, n° 17020/05, Dalloz actualité, 12 nov. 2009, obs. M. Léna.
§ CEDH, 3 oct. 2013, Vosgien c/ France, n° 12430/11; Dalloz actualité, 15 oct. 2013, obs. M. Bombled.
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