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Droit pénal européen et international
Détention provisoire : nouvelle condamnation de la France
Mots-clefs : Instruction, Détention provisoire (durée excessive, diligences des autorités), Entraves, Extractions, Traitement inhumain ou dégradant (Non), Cour européenne des droits de l'homme, Épuisement des voies de recours
Une période de latence de vingt-quatre mois (sur un total d'un peu plus de quatre ans de détention provisoire) imputable aux autorités françaises caractérise une absence de « diligences particulières » dans la conduite de la procédure et constitue une violation de l'article 5 § 3 de la Convention.
Après les affaires Maloum et Naudo, l'arrêt Paradysz est la troisième censure infligée en un mois par la Cour européenne des droits de l'homme aux autorités françaises dans des affaires liées à la durée d'une détention provisoire. Une fois encore, dans l'arrêt Paradysz du 29 octobre 2009, ce n'est pas le bien-fondé de la mesure qui est remis en cause mais les « diligences particulières » apportées par les autorités nationales à la conduite de la procédure qui sont stigmatisées.
Ainsi la Cour relève-t-elle, s'agissant d'une détention provisoire à raison de faits de viol en récidive sous la menace d'une arme ayant duré du 13 février 2002 (jour de l'arrestation du requérant) au 1er juin 2006 (jour où il fut statué pour la première fois sur le bien-fondé de l'accusation, soit celui du verdict prononcé par la cour d'assises), que sur un total de quatre années, deux périodes d'une année chacune ont été marquées par l'inactivité des autorités judiciaires (la première liée à la remise tardive d'un rapport d'expertise psychiatrique, la seconde au délai d'audiencement de l'affaire devant la juridiction criminelle). Elle note que « si le requérant a fait preuve d'un comportement à certains moments obstructif, multipliant les voies de recours, les autorités judiciaires n'ont pas agi avec toute la promptitude nécessaire » (§ 74). Elle en conclut que, dans les circonstances particulières de la cause, la détention du requérant a enfreint, par sa durée excessive, l'article 5 § 3 de la Convention (§ 75).
Le requérant invoquait également une violation de l'article 3 de la Convention qui prohibe la torture et les traitements inhumains et dégradants, résultant du caractère humiliant de son arrivée à l'hôpital les pieds entravés, lors de plusieurs extractions médicales. Sur ce point, la Cour relève que le requérant n'a pas soutenu que le port d'entraves l'ait affecté physiquement et que son état de santé n'était pas tel qu'il puisse constituer un obstacle obligé au moyen de contrainte utilisé. Elle note que, « compte tenu de la peine encourue, du profil pénal du requérant et de ses antécédents de violence […] la mesure d'entrave, limitée à trois opérations de transfert à l'hôpital, était proportionnée au regard des nécessités de la sécurité » (§ 95). Ainsi, son usage, lié à la détention et à la personnalité de l'intéressé, « n'a pas atteint le minimum de gravité requis pour tomber sous le coup de l'article 3 ». Partant, il n'y a pas eu violation de cette disposition. Au passage, on notera que la Cour rejette l'exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le gouvernement, tenant à l'absence de saisine, par le requérant, de l'administration pénitentiaire. Pour la Cour, le recours en responsabilité contre l'État en raison des actes des services pénitentiaires (issu de l'arrêt Chabba du Conseil d'État du 23 mai 2003) « n'a pas acquis un degré suffisant de certitude pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l'article 35 § 1 de la Convention dans les circonstances de l'espèce » (§ 80).
Pour conclure, on rappellera que la nouvelle loi pénitentiaire (actuellement soumise à l'examen du Conseil constitutionnel) prévoit, pour limiter les détentions avant jugement, de développer l'assignation à résidence sous surveillance électronique pendant l'instruction (art. 142-5 à 142-13 nouv. C. pr. pén.).
CEDH 29 oct. 2009, Paradysz c. France, n° 17020/05
Références
■ Détention provisoire
« Mesure d’incarcération d’un mis en examen pendant l’information judiciaire, ou d’un prévenu dans le cadre de la comparution immédiate. De caractère exceptionnel, elle ne peut être prise que dans des cas déterminés et par un magistrat du siège après un débat contradictoire au cours duquel il entend les réquisitions du ministère public, puis les observations du mis en examen et le cas échéant celles de son conseil. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à la liberté et à la sûreté
« 3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. »
■ CEDH 26 juin 1991, Letellier c. France, série A, n° 207.
■ CEDH 17 mars 1997, Muller c. France, Rec. 1997-II.
■ CEDH 10 juill. 2008, Garriguenc c. France, n° 21148/02.
■ CEDH 8 oct. 2009 [2 arrêts], Maloum et Naudo c. France, n°s 35471/06 et 35469/06.
■ CEDH 27 nov. 2003, Hénaf c. France, D. 2004, chron. 1095, obs. Péchillon ; AJ pénal 2004. 78, obs. Céré ; RSC 2004. 441, obs. F. Massias ; JCP 2004. I. 107, n° 2, obs. Sudre ; JCP 2004. II. 10093, note di Raimondo.
■ CE 23 mai 2003, Chabba ; Lebon 240 ; AJDA 2004. 157, note Albert ; JCP A 2003. 175, note Moreau.
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