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[ 29 janvier 2010 ] Imprimer

Procédure pénale

Détenu handicapé : motivation du refus d'aménagement de peine

Mots-clefs : Aménagement de peine (refus, motivation, état de santé, recours effectif), Placement sous surveillance électronique, Handicap, Traitement inhumain ou dégradant

Les magistrats appelés à prononcer sur un aménagement de peine doivent rechercher concrètement si un détenu malade ou souffrant d'un handicap est susceptible d'être soumis à une détresse ou à une épreuve qui excéderait le niveau inévitable de souffrance inhérent à une détention. 

Quelques semaines seulement après l'adoption de la loi pénitentiaire, l'arrêt du 25 novembre 2009 tire les leçons de l'arrêt Mouisel (CEDH, 14 nov. 2002) en consacrant le droit d'un détenu malade à un recours effectif et réel.

En l'espèce, un individu, condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et à cinq ans de suivi socio-judiciaire, avait demandé à bénéficier d'un aménagement de peine (placement sous surveillance électronique) en raison de son handicap (une amputation des deux avant-bras le rendant incapable d'accomplir seul certains actes de la vie courante). Le juge de l'application des peines, puis la chambre de l'application des peines (CHAP), le lui refusèrent au motif qu'étant détenu à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes, il pourrait bénéficier de soins adéquats.

La décision de la CHAP est censurée au visa de l'article 593 du code de procédure pénale et, surtout, de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants). Relevant que « l'arrêt se borne à reproduire les termes et les conclusions de l'expertise médicale et de l'expertise psychiatrique ordonnées par le juge de l'application des peines », la chambre criminelle reprend, dans une démarche circonstanciée, proche de celle de la Cour européenne des droits de l'homme, les éléments avancés par les juges au soutien de leur refus. La haute cour juge ces motifs inopérants (concernant les dénégations de l'intéressé) et contradictoires (prescrire son incarcération à Fresnes tout en constatant que le condamné ne souffrait d'aucune pathologie physique ou psychique nécessitant un traitement), estimant que la CHAP aurait du « rechercher si, compte tenu de son handicap, [l'intéressé] ne serait pas exposé, en raison des conditions effectives de détention dans un autre établissement pénitentiaire, à une détresse ou à une épreuve qui excèderait le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention » (V. CEDH, 26 oct. 2000, Kudla c. Pologne).

 

 

Références

Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950
■ Article 3
Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Code de procédure pénale
■ Article 593
Les arrêts de la chambre de l'instruction ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif.
  Il en est de même lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public.

■ M. Herzog-Evans, Loi pénitentiaire : changement de paradigme pénologique et toute puissance administrative, D. 2010. 31.

■ CEDH, 26 oct. 2000, Kudla c. Pologne, n° 30210/96, Rec. 2000-XI.

■ CEDH, 14 nov. 2002, Mouisel c. France, Rec. 2002-IX, RTDH 2003. 999, obs. Céré. 

■ Rép. pén. Dalloz,  Prison, par J.-P. Céré et M. Herzog-Evans, spéc. n°s 428 s.

 


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