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[ 21 juin 2013 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Détenus : pas de fouilles intégrales corporelles systématiques pour tous !

Mots-clefs : Ordonnance, Référé, Maison d’arrêt, Note de service, Fouille intégrale corporelle systématique, Parloirs, Atteinte aux libertés fondamentales, Principe constitutionnel, Respect de la dignité humaine, Respect de la vie privée, Convention européenne des droits de l’homme, Principe de proportionnalité, Détenu

Le régime des fouilles intégrales corporelles en maison d’arrêt, constitue, en raison de son caractère systématique, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.

Le juge des référés du Conseil d’État était saisi, en appel, par la section française de l’Observatoire international des prisons d’une demande de suspension de l’exécution de la note de service du directeur de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en date du 28 mars 2013 instituant pour une période de trois mois (du 1er avr. au 30 juin 2013) un régime de fouilles corporelles intégrales systématiques à l’égard de toute personne sortant des parloirs de l’établissement. Le 17 mai 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles avait rejeté cette demande pour défaut d’urgence.

Dans cette affaire, le juge des référés du Conseil d’État constate que sur une période d’un mois et demi (17 avr. -31 mai 2013), environ 10 000 parloirs ont eu lieu à la maison d’arrêt des hommes. Ainsi, la fréquence et le caractère répété des fouilles intégrales créent une situation d’urgence (CJA, art. L. 521-2). Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 57 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire que les fouilles ne peuvent être systématiques, qu’elles doivent être justifiées par l’un des motifs qu’elles prévoient et que le principe est celui des fouilles par palpation ou de l’utilisation de moyens de détection électronique et non les fouilles intégrales.

Dans cette ordonnance, le Conseil d’État ne remet pas en cause la légitimation de l’application d’un régime de fouilles corporelles intégrales des détenus rendue nécessaire par l’ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire. Notamment dans le cas d’espèce, en raison de l’absence de portiques de détection métalliques au niveau des parloirs. Toutefois le juge des référés du Conseil d’État insiste sur l’exigence de proportionnalité. Les fouilles doivent être strictement adaptées aux objectifs poursuivis mais aussi à la personnalité de chaque détenu. Ainsi il convient que le chef d’établissement tienne compte, dans la mesure du possible, du comportement de chaque personne privée de liberté (agissements antérieurs, contacts…).

La note de service litigieuse, en organisant un régime de fouilles corporelles intégrales systématiques, a un caractère général et absolu. Elle ne permet pas d’exonérer certains détenus au regard de leurs comportements. En conséquence, ce régime constitue, en raison de son caractère systématique, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales consacrées par les principes constitutionnels de respect de la dignité humaine et de respect de la vie privée et par les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction de la torture et droit au respect de la vie privée et familiale) dans la mesure où ce régime ne prévoit aucune modulation dans son application en fonction de la personnalité et du comportement des détenus, ainsi que de la fréquence de leur usage des parloirs.

Ainsi, le Conseil d’État ne demande pas la suspension de la note litigieuse mais il enjoint au chef d’établissement de la maison d’arrêt de modifier les conditions d’application du régime des fouilles intégrales afin d’en permettre des modulations.

CE, réf., 6 juin 2013, Section française de l’observatoire international des prisons, n° 368816

 

Références

■ Article L. 521-2 du Code de justice administrative

« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

■ Article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire

« Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues.
Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes.

Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire. »

■ Convention européenne des droits de l’homme

Article 3 - Interdiction de la torture

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

 

Auteur :C. G.


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