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Droit des obligations
Déterminabilité du prix : indifférence aux modalités de paiement
Le prix fixé par les parties dont seules les modalités de paiement sont susceptibles de varier demeure déterminé.
Par acte sous seing privé en date du 31 juillet 2007, la propriétaire de deux terrains avait conclu avec une société civile immobilière une promesse synallagmatique de vente au prix de 1 200 000 euros, prix converti en l’obligation, à la charge de l’acquéreur, de la revente d’une parcelle de 3 000 mètres carrés et de la construction sur cette parcelle d’une maison ainsi que de la rénovation d’une maison déjà existante à rénover selon un projet architectural prévu dans l’acte. Alors que cette promesse devait être réitérée par acte notarié au 30 avril 2009, les héritiers de la propriétaire, entre-temps décédée, s’étaient opposés à la finalisation de la vente. La société immobilière les avait alors assignés en réitération forcée de la vente initiale, au prix stipulé de 1 200 000 euros, ainsi qu’en perfection de la revente de la parcelle contenant, depuis lors, comme cela avait été prévu, une maison d’habitation, au prix de 290 568, 78 euros. La cour d’appel rejeta sa demande au motif que la promesse conclue le 31 juillet 2007 ne valait pas vente parfaite dans la mesure où si le prix de la vente principale était bien déterminé (1 200 000 euros), celui de la revente de la parcelle, ainsi que son objet, étaient restés imprécis, tant dans son principe que dans son montant, de sorte que globalement considérée, la vente ne comportait pas de prix déterminable. Rappelant au visa des articles 1583 et 1591 du Code civil la règle bien connue selon laquelle le prix de vente doit être déterminé et désigné par les parties, la troisième chambre civile de la Cour de cassation casse cette décision, rendue en violation des textes précités dès lors que les juges du fond avaient par eux-mêmes constaté que les parties avaient précisé que le prix de la parcelle serait égal à la différence entre le prix global de vente de 1 200 000 euros et le montant cumulé des travaux de rénovation de la maison existante et de celle à construire, et rappelé que dans tous les cas, le prix du terrain litigieux ne pourrait excéder le prix stipulé dans la promesse, ce dont il résultait que le prix de vente était déterminé dès le 31 juillet 2007 sans pouvoir être affecté par les modalités de son paiement.
Par principe, l’accord sur la chose et sur le prix suffit à former le contrat de vente promis. Ainsi que l’affirme l’article 1583 du Code civil, la vente est parfaite lorsque les parties sont convenues de la chose et du prix. Ainsi l’entente sur ces deux éléments essentiels justifie-t-elle que la promesse synallagmatique de vente soit naturellement convertie en un contrat de vente définitif lequel implique seulement, pour être formellement finalisé, la signature d’un engagement notarié. Sauf à ce que les parties les érigent en conditions essentielles et déterminantes de leur consentement et donc de leur engagement (Civ. 3e, 12 oct. 1994, n° 92-18.156; Civ. 3e, 14 sept. 2017, n° 16-20.904), les éléments autres que la chose et le prix sont considérés comme étant secondaires. Accessoires, ces éléments n’ont donc pas à être déterminés dans la promesse (Civ. 1re, 16 janv. 1952). C’est le cas ici rappelé des modalités de paiement. Leur absence de détermination n’entrave donc pas la perfection de la vente.
La vente devra d’autant plus facilement être considérée comme parfaite que son prix, s’il n’est pas déterminé lors de la conclusion de l’acte, c’est-à-dire exactement chiffré dans son montant, peut être seulement déterminable. La jurisprudence l’admet depuis longtemps (Req., 7 janv. 1925) : si le prix d’une vente doit être déterminé et désigné par les parties, il n’est pas nécessaire que le montant en soit fixé, dans le principe, d’une manière absolue, pourvu que le prix puisse être déterminé, en vertu des clauses du contrat, par voie de relation avec des éléments appuyés sur des références suffisamment précises et indépendantes de la volonté de l’une ou de l’autre des parties. En l’espèce, les éléments de détermination du prix étaient suffisamment détaillés et précis, l’acte ayant prévu un prix chiffré concernant la vente principale, ce prix ayant par ailleurs été érigé par les parties en plafond que le prix des parcelles à rénover, qui devait être fixé en fonction de la différence entre ce prix plancher et le coût des travaux, ne pourrait excéder. Ainsi le prix de vente, appuyé sur des éléments indépendants de la volonté unilatérale de l’une des parties et dont le montant était soit chiffré soit chiffrable, devait être jugé suffisamment déterminable pour parfaire la vente. C’est la raison pour laquelle la décision des juges du fond, motivée par l’indétermination non du prix mais des modalités de son règlement, encourait la cassation.
Sa censure était également prévisible sur le terrain de l’objet du contrat, étant depuis longtemps admis qu’en cas de vente d’un terrain à acquérir au sein d’une parcelle plus vaste, l’immeuble vendu doit être considéré comme déterminable dans son objet au jour de la convention dès lors que, comme dans l’espèce rapportée, la superficie du terrain était précisée dans l’acte (Civ. 3e, 15 févr. 1984).
A condition d’y mettre le prix, la perfection n’est donc pas si difficile à atteindre !
Civ. 3e, 3 mai 2018, n° 17-15.258
Références
■ Civ. 3e, 12 oct. 1994, n° 92-18.156.
■ Civ. 3e, 14 sept. 2017, n° 16-20.904 P: D. 2018. 371, obs. M. Mekki ; AJDI 2017. 787.
■ Civ. 1re, 16 janv. 1952, Bull. civ., I, n° 26.
■ Req., 7 janv. 1925 ; DH 1925, p. 57.
■ Civ. 3e, 15 févr. 1984, n° 82-15.465 P.
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