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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Dette partiellement garantie par un gage et imputation des paiements
Mots-clefs : Dette (multiple, unique), Garantie partielle, Paiement (imputation)
Lorsqu'un gage garantit partiellement une dette, le versement résultant de sa réalisation s'impute sur le montant pour lequel la sûreté a été consentie.
L'Assemblée plénière indique, dans un arrêt du 6 novembre 2009, qu'en présence d'une dette unique mais partiellement garantie par un gage, le paiement consécutif à la réalisation du gage s'impute sur le montant pour lequel la sûreté a été consentie, de sorte que le gage devient sans objet en cas de remboursement total du montant garanti.
En l'espèce, la cliente d'une banque avait confié à un commissaire-priseur, aux fins de mise en vente publique, divers biens mobiliers affectés à la garantie des sommes dues par elle au titre d'une autorisation de découvert de 250 000 francs, stipulée utilisable dans la limite de ce montant, sauf acceptation exceptionnelle par la banque d'un dépassement. Une adjudication des biens donnés en gage fut réalisée et le montant du produit de la vente (305 148,20 F) versé à la banque (deux consoles restées invendues furent restituées à leur propriétaire). Problème : le solde débiteur du compte bancaire avait, entre-temps, augmenté et dépassé le découvert autorisé. Le versement effectué s'avéra insuffisant pour le combler intégralement. La banque assigna alors le commissaire-priseur en paiement des sommes restant dues par l'emprunteuse, sur le fondement de sa responsabilité en qualité de tiers détenteur (art. 2337 C. civ.) : selon elle, le commissaire-priseur aurait dû conserver les biens gagés jusqu'au paiement intégral de la dette. Cette démonstration aurait pu définitivement l'emporter si la cour de renvoi ne s'était pas opposée à la Cour de cassation (v. Civ. 1re, 25 mai 2005, qui, dans cette même affaire, avait estimé que le versement devait d'abord s'imputer sur la portion non garantie de la dette née de l'autorisation de découvert, de sorte que le gage n'était pas éteint).
L'Assemblée plénière fait, à l'inverse, pencher la balance en faveur du débiteur, et donc du commissaire-priseur dont la responsabilité était recherchée pour avoir restitué une partie des biens gagés à son propriétaire. Pour résoudre le problème de l'imputation du paiement partiel, elle fait fi de la distinction classique, en matière de cautionnement, entre dettes multiples et dettes uniques. On rappellera que, s'agissant des premières, la jurisprudence déduit de l'article 1256 du Code civil qu'en l'absence d'imputation préalablement convenue, le paiement doit être imputé sur celle des dettes pareillement échues que le débiteur a le plus d'intérêt d'acquitter, ce qui est le cas de la dette grevée d'une sûreté (Com. 4 nov. 1986 ; Com. 13 déc. 1988 ; Civ. 1re, 29 oct. 1963 ; Civ. 1er, 19 janv. 1994). Pour les secondes, elle considère au contraire que les paiements partiels faits par le débiteur principal s'imputent d'abord, sauf convention contraire, sur la portion de la dette non cautionnée (Civ. 1re, 12 juill. 1961 ; Com. 5 nov. 1968 ; Com. 1er mars 2005 ; Com. 7 juin 2005). En l'espèce, l'extension de cette jurisprudence à la dette unique partiellement garantie par un gage conduisait à retenir la solution de la première chambre civile.
Ici, l'Assemblée plénière semble rechercher les principes d'imputation dans les règles concernant la dette elle-même dans son originalité. Ainsi, l'indivisibilité du gage, qui n'est cependant pas d'ordre public, empêche normalement sa disparition tant que l'obligation principale n'est pas entièrement exécutée. En l'espèce, le gage était conventionnellement limité à une partie du solde débiteur (250 000 F) et le dépassement de découvert n'était pas garanti. Les versements effectués avaient nécessairement éteint la dette garantie et le gage, par la même occasion, qui n'en était que l'accessoire.
Ass. plén. 6 nov. 2009
Références
■ Adjudication
« Attribution d’un bien meuble ou immeuble mis aux enchères, à la personne offrant le prix le plus élevé. En matière de saisie immobilière, le jugement d’adjudication constitue un titre d’expulsion à l’encontre du saisi. »
■ Gage
« Convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence aux autres créanciers sur un bien mobilier corporel ou un ensemble de bien mobiliers corporels, présents ou futurs. Le gage n’est plus un contrat réel, se formant par la remise de la chose; la seule rédaction d’un écrit suffit à le constituer valablement.
Le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite; il l’est également par la dépossession entre les mains du créancier ou d’un tiers convenu du bien qui en fait l’objet. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Code civil
Article 1256
« Lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues ; sinon, sur la dette échue, quoique moins onéreuse que celles qui ne le sont point.
Si les dettes sont d'égale nature, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement. »
Article 2337
« Le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite.
Il l'est également par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu du bien qui en fait l'objet.
Lorsque le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à titre particulier du constituant ne peuvent se prévaloir de l'article 2276. »
■ Civ. 1re, 25 mai 2005, n° 03-17.022, Dalloz jurisprudence.
■ Com. 4 nov. 1986, n° 85-10.575, Bull. civ. IV, n° 201.
■ Civ. 1re, 29 oct. 1963, Bull. civ. I, n° 462 ; D. 1964. 39.
■ Civ. 1re, 19 janv. 1994, n° 92-12.585, Bull. civ. I, n° 28.
■ Com. 13 déc. 1988, n° 86-18.901, Bull. civ. IV, n° 342 ; Gaz. Pal. 1989. 2. 960.
■ Civ. 1re, 12 juill. 1961, Bull. civ. I, n° 397.
■ Com. 5 nov. 1968, Bull. civ. IV, n° 306 ; D. 1969. 314.
■ Com. 1er mars 2005, n° 03-19.798, Dalloz jurisprudence.
■ Com. 7 juin 2005, n° 04-16.027, Dalloz jurisprudence.
■ J. Vallansan, « L'application des règles d'imputation des paiements », Defrénois 1989, art. 34466.
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