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Différence entre utilisation d’une marque et usage à titre de marque
Mots-clefs : Usage de marque, Contrefaçon, Concurrence déloyale, Parasitisme, Identification d’un lieu connu, Identification des produits, Référence à l’activité commerciale
Sans emprunt de la fonction distinctive de la marque, l’usage de la dénomination d’une marque n’est pas constitutif d’un acte de contrefaçon ; sans immixtion dans le sillage du licencié et la volonté de profiter de sa notoriété, le parasitisme n’est pas davantage constitué ; et sans risque de confusion entre les activités exercées, la concurrence déloyale ne peut être dénoncée.
Une société est titulaire de la marque verbale française « Moulin rouge », déposée le 3 mai 1973, puis renouvelée le 26 novembre 2002, pour protéger, notamment en classes 16 et 21, la papeterie, les articles de bureau et la verrerie, produits pour la commercialisation desquels la société – qui exploite à Paris le cabaret du même nom (le licencié) – bénéficie d'une licence exclusive. Ayant constaté qu'une autre société commercialisait une trousse d'écolier, des tapis de souris et des dessous de verre sur lesquels était reproduite la marque « Moulin rouge » accompagnée d'un dessin d'un moulin de couleur rouge ou d'une photographie de la façade du célèbre Moulin rouge, le titulaire de la marque et le licencié l'ont assignée en contrefaçon de marque, concurrence déloyale et parasitisme.
La cour d'appel rejeta leurs demandes au motif principal que l’usage des termes « Moulin rouge » servait uniquement à désigner le bâtiment dont la façade était reproduite ou auquel renvoyait une affiche. Ils n’étaient pas utilisés à titre de marque mais dans un but d’identification d’un bâtiment caractéristique du patrimoine touristique français. Ainsi, si l’éditeur reproduisait l’établissement et utilisait sa dénomination, il ne faisait aucunement référence à son activité commerciale en sorte qu’aucun risque de confusion entre leurs activités respectives ne pouvait être ainsi créé.
La Cour, saisie d’un pourvoi, le rejette.
Elle approuve tout d’abord les juges du fond de ne pas avoir retenu la contrefaçon de marque, définie comme l’imitation frauduleuse ou la fabrication d’une chose au préjudice de celui qui avait seul le droit de la fabriquer ou de la reproduire. Ainsi relève-t-elle que l'utilisation de la dénomination « Moulin rouge », marque verbale déposée, n'était employée par la société d’édition qu'à des fins descriptives d'un site touristique, au même titre que d'autres monuments emblématiques de la capitale, sans affecter la garantie d'origine des produits sur lesquels elle est apposée. Bien que cet usage intervienne dans la vie des affaires, il ne constitue pas un usage à titre de marque, faute de remplir la fonction distinctive conférée à cette dernière. L'usage de la dénomination « Moulin rouge » n'était donc pas constitutif d'un acte de contrefaçon.
Elle confirme, ensuite, leur analyse concernant l’absence de concurrence déloyale. Celle-ci résulte de l’usage excessif, par un concurrent, de la libre concurrence, par emploi de tout procédé malhonnête dans la recherche de la clientèle et, plus largement, dans la compétition économique, le plus souvent par la confusion voulue et entretenue entre deux marques (notamment, au moyen de la publicité et de l’imitation des produits d’un concurrent), cette confusion étant accrue lorsque les marques appartiennent à des secteurs d'activités similaires.
Or en l’espèce, il ne pouvait exister de confusion entre les activités respectivement exercées par les parties, la cour d'appel ayant relevé que la défenderesse reproduit sur ses produits les principaux monuments et lieux touristiques de Paris, en les désignant par leurs noms, et, en ce qui concerne le Moulin rouge, sans faire référence à l'activité commerciale, distincte de la sienne, de cet établissement. Ainsi avait-il déjà été relevé qu’il n’y a rien de commun entre une agence immobilière baptisée « Moulin rouge » et le célèbre établissement (T. civ. Seine, 29 juin 1954).
Enfin, l’argument du parasitisme, également avancé par les auteurs du pourvoi, n’a pas davantage prospéré. Consistant dans le fait de tenter de profiter de la renommée d'une autre entreprise et de vivre « en parasite dans son sillage », le parasitisme repose sur l'utilisation de la marque ou du simple nom commercial d'autrui, en dehors même d'une situation concurrentielle ou d'une possible confusion entre les entreprises ou les produits. Cela étant, la recherche d’une certaine forme de confusion demeure, en pratique, prise en compte dans la mesure où, souvent, l'auteur concevra un rattachement fallacieux à une firme ou une marque de forte renommée, tentant ainsi d'accréditer l'idée que l'on est en présence de produits ou services connexes, annexes ou dérivés, ou d'activités filiales, suggérant l'amalgame de ses activités avec celles d'une entreprise dont l'image publique est « porteuse ».
Ce dernier moyen est rejeté en raison, une fois encore, de la différence d’activités des sociétés en cause, la défenderesse au pourvoi n’ayant donc pas pu s’immiscer dans le sillage du licencié, exploitant le cabaret éponyme, et ni cherché à profiter de sa notoriété.
Com. 31 mars 2015, n°13-21.300
Référence
■ T. civ. Seine, 29 juin 1954, D. 1954. 599
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