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[ 11 juin 2024 ] Imprimer

Droit constitutionnel

Dissolution de l’Assemblée nationale

Au moment où les Français s’y attendaient peut-être le moins, la dissolution de l’Assemblée nationale a été décidée par le Président de la République le soir des résultats de l’élection des députés au Parlement européen (9 juin 2024). Prévue à l’article 12 de la Constitution, cette dissolution est la sixième de l’histoire de la Cinquième République. DAE vous propose un point sur cette « arme constitutionnelle » détenue par le seul Président de la République.

■ Dates des 5 dernières dissolutions sous la Cinquième République

- Le 9 octobre 1962, le Général de Gaulle dissout l’Assemblée nationale à la suite de l'adoption par les députés d'une motion de censure renversant le Gouvernement Pompidou I.

- Le 30 mai 1968, le Général de Gaulle dissout l’Assemblée nationale afin de régler une crise sociale et ses troubles, les «événements de mai 68».

- Le 22 mai 1981 le 14 mai 1988, François Mitterrand, nouvellement élu (81) ou réélu (88), ne disposant pas d'une majorité parlementaire en sa faveur prononce la dissolution. Si en 1981, cette majorité est largement obtenue, celle-ci est moindre en 1988. 

Le 21 avril 1997, Jacques Chirac, tentant de prévenir une défaite aux élections législatives normalement programmées l'année suivante, prononce la dissolution qui débouche sur la troisième cohabitation (1997-2002 avec Lionel Jospin comme Premier ministre).

■ La dissolution de l’Assemblée nationale : un pouvoir discrétionnaire du Président de la République

La dissolution est un pouvoir discrétionnaire du Président de la République, non soumis au contreseing ministériel. Il doit simplement, avant de prendre sa décision, consulter le Premier ministre et les Présidents des deux assemblées. Les avis de ces personnalités sont consultatifs. 

La dissolution prend effet à la date de publication du décret de dissolution au Journal officiel

Ce décret ne peut pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État. En effet, celui-ci n'est pas compétent pour se prononcer sur la légalité des actes relatifs aux rapports entre le Président de la République et l'Assemblée nationale et donc sur un décret portant dissolution de celle-ci qui est un acte de Gouvernement (CE 20 févr. 1989, n° 98538).

■ Les limites au droit de dissolution 

Première limite : la Constitution prévoit le délai dans lequel doivent être organisées les élections législatives : vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.

Deuxième limite : la Constitution prévoit les cas dans lesquels la dissolution est interdite. Ainsi, le Président de la République ne peut prononcer de nouvelle dissolution pendant l'année qui suit des élections législatives anticipées. Deux dissolutions ne peuvent donc se suivre. L'Assemblée nationale élue à la suite d'une dissolution est assurée au moins de rester en place un an. Par ailleurs l’usage de la dissolution est interdit pendant la mise en oeuvre des pouvoirs exceptionnels de l'article 16 de la Constitution ainsi que durant l'intérim présidentiel.

Enfin, l'Assemblée nationale élue après une dissolution se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette date ne se situe pas durant la session ordinaire (Const. 58, art. 28 : début le 1er jour ouvrable d'octobre et fin le dernier jour ouvrable de juin), une session du Parlement s'ouvre pour au moins quinze jours. 

■ Quid des textes en cours de discussion à l’Assemblée nationale ?

Dès la publication du décret de dissolution au Journal officiel tout est gelé. Le mandat des députés prend fin et tous les projets et propositions de loi, les commissions d'enquête, sont suspendus. Leur possible reprise dépendra du résultat des prochaines législatives (ainsi pour le moment, adieu : Fin de vie, Dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, Réforme de l'assurance-chômage…) qui se tiendront les 30 juin (1er tour) et 7 juillet 2024 (2nd tour).

■ Le Sénat peut-il continuer à siéger ?

Le Sénat ne peut être dissous, les sénateurs conservent leur mandat. La coutume républicaine veut qu'il cesse de siéger, à partir de la dissolution et jusqu'à l'installation de la nouvelle Assemblée nationale (dissolution de 1997). 

La conférence des présidents a décidé, le 10 juin 2024, de suspendre ses travaux en séance publique jusqu'à l'installation de la nouvelle Assemblée nationale. Il n’y aura pas non plus de séances de questions d’actualité au Gouvernement pendant cette période. Toutefois, les commissions, les délégations et les instances temporaires peuvent continuer à exercer l’ensemble de leurs missions. Enfin, le Sénat a rappelé qu'il assurait constitutionnellement la permanence de la représentation nationale : il est donc à même de se réunir à tout moment. Si les circonstances l'exigeaient, le Sénat serait convoqué sans délai (V. Site du Sénat)

■ L’avenir du Gouvernement Attal

Le Gouvernement Attal reste pour le moment en place. Au soir du 7 juillet 2024, deux scenari se profilent :

-        soit l’Assemblée nationale garde la couleur de la majorité présidentielle et même si aucune règle de droit ne l’impose, la coutume prévoit la démission du Gouvernement (même si dans l’absolu aucun texte n’empêche le Président de la République de garder le Gouvernement actuel) et la nomination d’un Premier ministre par le Président de la République, et ensuite la nomination des membres du - Gouvernement par le Président de la République sur proposition du Premier ministre (Const. 58, art. 8) ;

-        soit l’Assemblée nationale change de couleur politique, le Président de la République n’est alors plus libre de choisir le Premier ministre et doit nommer la personnalité que la majorité parlementaire lui indique (pour les 3 dernières cohabitations : 1986-1988: Mitterrand/Chirac; 1993-1995: Mitterrand/Balladur; 1997-2002: Chirac/Jospin) et ensuite nommer les membres du Gouvernement que le Premier ministre lui aura proposé. Toutefois, le Président de la République a la possibilité de refuser certaines personnes proposées par le Premier ministre comme ce fut le cas de François Mitterrand qui avait en 1986 refusé la nomination de François Léotard à la Défense et celle de Jean Lecanuet au Quai d'Orsay. 

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

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