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Droit de la famille
Divorce : application stricte du principe de prohibition de l’audition des descendants
Mots-clefs : Divorce, Procédure, Preuve, Témoignage, Descendants, Prohibition
La prohibition testimoniale des descendants énoncée à l’article 259 in fine du Code civil s’applique aussi aux déclarations recueillies en dehors de l’instance en divorce.
La déclaration d’un enfant recueillie en dehors de l’instance en divorce de ses parents et relatant l’existence des relations adultères de sa mère peut-elle être retenue comme élément de preuve à verser au débat ? Telle est la question soulevée par cet arrêt de la première chambre civile en date du 4 mai 2011.
Dans cette affaire, pour prononcer le divorce aux torts partagés des époux, les juges du fond se fondaient notamment sur une main courante déposée par le fils de l’ex-épouse pour établir la preuve des relations adultères que cette dernière avait entretenues au cours de son mariage.
La Haute cour fit droit au pourvoi formé par l’ex-épouse aux visas des articles 259 du Code civil et 205 du Code de procédure civile. En effet, si « Les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l'aveu » (…), « les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux ». La Cour précise alors que « cette prohibition s’applique aussi aux déclarations recueillies en dehors de l’instance en divorce » (déjà dans le cadre d’une procédure pénale l’audition d’un enfant par un service de police : Civ. 2e, 22 juin 1994).
Rappelons que cette restriction au principe de la liberté de la preuve prévue à l’article 205 du Code de procédure civile a été renforcée par la loi du 26 mai 2004 qui est venue ajouter cette mention à l’article 259 in fine du Code civil. Cette prohibition s’explique aisément : la décence, l’intérêt des enfants et, plus globalement, la protection des intérêts moraux d’une famille déjà confrontée à une crise. Aussi la Cour a-t-elle étendu notamment cette prohibition :
– au niveau de la forme du témoignage : à l’attestation rédigée par la mère d’une épouse relatant les propos de ses petits-enfants (Civ.1re, 3 nov. 2004) ; à une lettre d’un parent remise par un descendant (Civ. 2e, 5 juill. 2001) ;
– au niveau des personnes visées : au conjoint du descendant même divorcé (Civ. 1re, 14 févr. 2006) ou à son concubin (Civ. 2e, 10 mai 2001).
Ainsi, la Cour confirme par cet arrêt l’application stricte d’un principe légal et moral. Les époux disposent encore d’autres moyens pour verser aux débats des éléments de preuve, à condition toutefois de les avoir obtenus ni par la violence, ni par la fraude (art. 259-1 C. civ.).
Civ. 1re, 4 mai 2011, n° 10-30.706, F-P+B+I
Références
■ P.-J. Claux, S. David, Droit et pratiques du divorce 2010/2011, 1re éd., Dalloz, coll. « Dalloz Référence », 2010, n° 122.204 s.
Article 259
« Les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l'aveu. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux. »
Article 259-1
« Un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu'il aurait obtenu par violence ou fraude. »
■ Article 205 du Code de procédure civile
« Chacun peut être entendu comme témoin, à l'exception des personnes qui sont frappées d'une incapacité de témoigner en justice.
Les personnes qui ne peuvent témoigner peuvent cependant être entendues dans les mêmes conditions, mais sans prestation de serment. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce ou en séparation de corps. »
■ Civ. 2e, 22 juin 1994, Bull. civ. II, n° 168 ; RTD civ. 1994. 838, obs. Hauser.
■ Civ.1re, 3 nov. 2004, Bull. civ. I, n° 239 ; RTD civ. 2005. 108, obs. Hauser.
■ Civ. 2e, 5 juill. 2001, Bull. civ. II, n° 129 ; RTD civ. 2001. 861, obs. Hauser.
■ Civ. 1re, 14 févr. 2006, Bull. civ. I, n° 71 ; RTD civ. 2006. 288, obs. Hauser.
■ Civ. 2e, 10 mai 2001, Bull. civ. II, n° 94 ; RTD civ. 2001. 861, obs. Hauser.
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