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Droit de la famille
Divorce des époux : attribution du droit au bail et extinction de la cotitularité
Mots-clefs : Famille, Divorce, Bail d’habitation, Époux bénéficiaire, Cotitularité, Date d’extinction, Jugement de divorce
La transcription du jugement de divorce attribuant le droit au bail à un époux met fin à la cotitularité légale et conventionnelle du bail.
Alors que la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi Macron, a modifié l'article 8-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs afin d'exclure du régime spécifique de la colocation les baux conclus par des époux ou des partenaires liés par un PACS, la troisième chambre civile de la Cour de cassation apporte une précision importante quant à la date d'extinction de la cotitularité d'un bail conclu par des preneurs mariés (V. Christelle Coutant-Lapalus JCP 2015, n° 45, n° 1200).
En l’espèce, une SCI donne à bail en 1991 à des époux un appartement à usage d'habitation. Le jugement de divorce, en date du 2 septembre 1997, attribue le droit au bail à l'épouse. Celle-ci est ensuite placée en liquidation judiciaire, et décède le 11 septembre 2010. La SCI assigne l'ancien époux ainsi que la mandataire à la liquidation judiciaire de l'ex-épouse, en paiement des loyers impayés. La cour d'appel de Paris rejette la demande en paiement du bailleur au motif que la cotitularité du bail prévue par la loi entre deux époux cesse à compter de la transcription du jugement de divorce. Le bailleur forme un pourvoi en cassation par lequel il soutient que si la transcription du jugement de divorce éteint la cotitularité légale de l'article 1751 du Code civil, elle ne met pas fin à la colocation conventionnelle résultant de la clause de solidarité, laquelle persiste malgré le divorce de ses anciens colocataires en sorte que l’ex-mari, ne l’ayant pas informé de son congé, reste tenu de payer les loyers restant dus. La Cour de cassation rejette cette analyse en affirmant que « la transcription du jugement de divorce ayant attribué le droit au bail à l'un des époux met fin à la cotitularité du bail, tant légale que conventionnelle. Or la cour d'appel a relevé que le jugement de divorce des époux ayant attribué le droit au bail de l'appartement à l'épouse avait été transcrit sur les registres de l'état civil le 7 janvier 1998, ce dont il résultait que l'époux n'était plus titulaire du bail depuis cette date ».
La jurisprudence considère depuis longtemps que la solidarité des époux, preneurs à bail, relative au paiement des loyers et des charges, cesse au jour de la transcription du jugement de divorce sur les registres de l'état civil, celle-ci ayant pour effet de rendre le divorce opposable aux tiers (Civ. 3e, 3 oct. 1990, n° 88-18.453 : « Le conjoint cotitulaire du bail reste tenu solidairement du paiement des loyers jusqu’au jour de la transcription du jugement de divorce, peu important qu’il ait quitté les lieux avant cette date »). Dans le prolongement de cette règle, la Cour affirme que celle-ci s’étend à la cotitularité du bail, qu’elle soit légale (C. civ., art. 1751 al. 1er : « Le droit au bail du local (…), qui sert effectivement à l’habitation de deux époux (…) est réputé appartenir à l’un et à l’autre des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité ») ou conventionnelle. Elle en précise les conditions, en l’espèce remplies.
Il faut, d’une part, que le jugement de divorce désigne le conjoint bénéficiaire du droit au bail, cette désignation étant généralement opérée en fonction des intérêts sociaux et familiaux en cause (C. civ., art. 1751). Le bail est donc le plus souvent attribué à celui chez qui les enfants vont résider, et le bailleur ne peut d’ailleurs pas s’opposer à une telle attribution, ni mettre fin au bail au motif qu’il perd un débiteur (V. Droit de la famille, Mémento pratique, Francis Lefebvre, n° 10210). Et, d’autre part, il convient que le jugement de divorce soit transcrit sur les registres d’état civil (V. déjà Civ. 1re, 7 juin 1989, n° 87-19.049). L’époux qui n’est pas attributaire du bail cesse donc d’être solidairement tenu au paiement des loyers à compter de la transcription du jugement de divorce, même s’il n’a pas donné congé (Civ. 3e, 2 févr. 2000, n° 97-18.924), et indépendamment de la clause de solidarité. Sur ce dernier point, la précision ici apportée par la Cour mérite d’être relevée car, quoique l’article 1751 du Code civil précise que la cotitularité joue « nonobstant toute convention contraire », on aurait pu envisager, au nom de la liberté contractuelle, que la date d’extinction de la cotitularité soit fixée par une clause du contrat de bail, par exemple, que le bailleur stipule qu’en cas de divorce, l’époux privé du bail demeurera solidairement tenu du paiement des loyers aussi longtemps que le bail n’aura pas pris fin. Or la Cour de cassation est très claire sur ce point ; une telle stipulation, incompatible avec l'attribution judiciaire du droit au bail lors du jugement de divorce, est inefficace. Enfin, la solution devrait pouvoir être étendue à l’hypothèse de la séparation de partenaires liés par un PACS preneurs à bail, l'article 1751-1 du Code civil prévoyant expressément qu'en cas de dissolution du PACS, l’un des partenaires peut saisir le juge aux fins de se voir attribuer le droit au bail d’habitation.
Civ. 3e, 22 octobre 2015, n° 14-23.726fileadmin/actualites/pdfs/11_2015/13-23.176.pdf
Références
■ Code civil
■ Civ. 3e, 3 oct. 1990, n° 88-18.453, D. 1992. 219, obs. F. Lucet ; RTD civ. 1991. 584, obs. F. Lucet et B. Vareille
■ Civ. 1re, 7 juin 1989, n° 87-19.049, D. 1990. 21, note J. Massip ; RTD civ. 1991. 584, obs. F. Lucet et B. Vareille ; ibid. 1992. 169, obs. F. Lucet et B. Vareille
■ Civ. 3e, 2 févr. 2000, n° 97-18.924, D. 2001. 168, obs. CRDP Nancy II.
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