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« doctipharma.fr » : site internet illicite
« doctipharma.fr » : site internet illicite
Un site internet visant à mettre en relation des pharmaciens avec des clients participe de la sorte à un e-commerce illégal de vente de médicaments.
Alors que la première chambre civile de la Cour de cassation autorisait récemment les avocats à recourir à la « sollicitation personnalisée », autrement dit à s’adresser à un site internet visant à les mettre en relation avec des justiciables, le site jouant ainsi un rôle d’intermédiaire (Civ. 1re, 22 mai 2019, n° 17-31.320), la chambre commerciale vient d’interdire la même pratique à une autre profession réglementée : la pharmacie. Cette surprenante divergence confère à la décision rapportée tout son intérêt.
Une société avait conçu un site internet sur lequel les internautes pouvaient acquérir, à partir de sites d’officines de pharmacies, des produits parapharmaceutiques et des médicaments sans ordonnance. Prétendant que le procédé de vente en ligne proposé aux officines par cette société lui permettait de participer au commerce électronique de médicaments sans avoir la qualité de pharmacien, l’association Union des groupements de pharmaciens d’officine l’avait assignée ainsi que la société l’hébergeant, en constatation du caractère illicite de ce site pour la vente de médicaments, et en cessation, sous astreinte, des activités de vente, d’hébergement des données ainsi que de publication des pages le proposant, et avait demandé que ces décisions soient assorties de mesures de publicité judiciaire.
Pour infirmer le jugement ayant fait droit aux demandes de l’association en ordonnant, sous astreinte, la publication de la décision sur le site internet de celle-ci, et en autorisant cette publication dans des revues professionnelles à ses frais, la cour d’appel, après avoir relevé que les commandes de médicaments par les internautes, qui transitent seulement par la plate-forme créée par la société condamnée en tant que support technique des sites des pharmaciens d’officine, sont reçues et traitées par les pharmaciens eux-mêmes, sans que cette société intervienne autrement dans leur traitement, puisque le site litigieux permet de mettre directement en contact des clients et des pharmaciens d’officine, retient que ce site est licite.
Au visa des articles L. 5125-25, alinéa 2, et L. 5125-26 du Code de la santé publique, dont le caractère prohibitif a été récemment renforcé par ordonnance (Ord. n° 2018-3 du 3 janv. 2018), la Cour de cassation infirme ce raisonnement. Elle rappelle, conformément aux textes précités, qu’est interdite la vente au public de tous médicaments, produits et objets mentionnés à l’article L. 4211-1 du Code de la santé publique par l’intermédiaire de personnes non titulaires d’un diplôme de pharmacien, et qu’il est également interdit aux pharmaciens de recevoir des commandes de ces mêmes produits par l’entremise habituelle de courtiers ou d’intermédiaires ; or la cour d’appel, qui a relevé que l’activité que la société exerçait sur son site consistait, notamment, à mettre en relation des pharmaciens et des clients pour la vente de médicaments, ce dont il résultait qu’elle avait un rôle d’intermédiaire entre eux et participait de la sorte au commerce électronique de vente de médicaments bien que n’étant pas pharmacien, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé les textes susvisés.
Rappelons pourtant que la législation de l’Union européenne s’oppose, concernant les communications commerciales des professions réglementées, à ce qu’une réglementation nationale interdise aux membres de celles-ci d’effectuer des actes de publicité et de démarchage (Directive 2006/123/CE du 12 déc. 2006, art. 24 § 1). En l’occurrence, contrairement aux normes internes applicables à la profession d’avocat (V. notam., Décr. n° 2005-790 du 12 juill. 2005, art. 15), la loi applicable au métier de pharmacien s’oppose à ce que ces professionnels recourent à une société consistant à les mettre en relation avec des clients : il leur est en effet expressément interdit de recevoir des commandes de médicaments et autres produits ou objets mentionnés à l'article L. 4211-1 du Code de la santé publique « par l'entremise habituelle de courtiers » (CSP., art. L. 5125-25, al. 2). Pour le dire autrement, le recours à des intermédiaires leur est formellement proscrit.
De surcroît, la vente de médicaments étant strictement réservée aux personnes titulaires d’un diplôme de pharmacien, la Cour laisse entendre dans sa motivation que la société mise en cause ne jouait pas en fait un seul rôle d’intermédiaire technique mais se livrait illégalement, par son activité, à un e-commerce de médicaments que la Haute juridiction entend, par cette décision, dénoncer et plus largement, condamner ou du moins entraver le développement de ces plateformes dont la rentabilité économique que leur offre ce commerce de vente en ligne menace les intérêts d’une profession réglementée et, à ce titre, seule autorisée à la vente de médicaments, en même temps qu’elle compromet la sécurité de leurs consommateurs.
Com. 19 juin 2019, n° 18-12.292
Référence
■ Civ. 1re, 22 mai 2019, n° 17-31.320 P : Dalloz Actu Étudiant, 21 juin 2019, note M. Hervieu.
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