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Droit de la responsabilité civile
Dommage causé par un mineur : les responsabilités se cumulent
Mots-clefs : Responsabilité civile, Mineur, Dommage, Responsabilité du fait d’autrui, Responsabilité pour faute, Cumul (oui)
Lorsqu’un dommage est causé par un mineur, la responsabilité de l’association qui en est civilement responsable peut être engagée sur le fondement de l’ancien article 1384, alinéa 1er du Code civil (nouv. art. 1242 du C. civ.) mais cela n’exclut pas la possibilité d’agir contre le mineur lui-même en invoquant l’article 1382 du Code civil (devenu 1240 du Code civil) s'il a commis une faute à l'origine du dommage.
Une assistante familiale, qui s'était vu confier par une association la charge d’un mineur aux termes d'un contrat d'accueil à titre permanent, avait été agressée par celui-ci. Après avoir subi plusieurs arrêts de travail à la suite de cette agression, elle avait été indemnisée par l’assureur de responsabilité civile de l'association, des seuls dégâts matériels causés à son domicile par son agresseur. Elle avait ensuite assigné ce dernier et l'association, en sa qualité de civilement responsable de ce dernier, ainsi que l’assureur de cet établissement, aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise médicale destinée à évaluer son préjudice corporel. L'association et son assureur s’étaient opposés à cette demande en faisant valoir que la victime avait déjà bénéficié d'une prise en charge au titre de la législation sur les accidents professionnels. Pour débouter la victime de sa demande d'expertise, la cour d’appel retint, d'abord, que l’appelante sollicitait une expertise médicale sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile dans la perspective d'engager une action au fond en responsabilité contre l'association, en qualité de civilement responsable du mineur, mais que bien que l’intéressé fût majeur à la date de l’assignation, elle ne pouvait agir au fond que contre l'association, son répondant civil, dès lors qu’il était mineur au moment des faits. Cette analyse est censurée par la Haute cour, au motif que la minorité de l'auteur du dommage n'exclut pas sa responsabilité et ne fait pas obstacle à sa condamnation personnelle sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code civil, devenu 1240 du Code civil.
La minorité de l'auteur d'un dommage n'exclut pas sa responsabilité pour faute sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (anc. art. 1382). Tel est l’enseignement de la décision rapportée, induit de la méconnaissance, par les juges du fond, des obligations incombant à tout auteur, quel que soit son âge, d’un fait dommageable : chacun doit réparation de la faute qu’il commet, fût-il mineur au moment des faits. Elle permet de rappeler que la mise en œuvre de la responsabilité du fait d’autrui, en l’occurrence du fait d’un enfant mineur, n’exclut pas la possibilité d’engager la responsabilité personnelle de ce dernier à partir du moment où sa faute est établie. Pour le dire autrement, dès lors que les conditions sont remplies, ces deux types responsabilités peuvent se cumuler. Tout l’intérêt de cette analyse réside dans l’articulation des différentes responsabilités, et dans les raisons qui la sous-tendent. Après quelques errements en doctrine et en jurisprudence (pour un refus de cumul : Civ. 2e, 10 févr. 1971, n° 68-13.878) quant au cumul des responsabilités du fait personnel et du fait d’autrui, la Cour de cassation rappelle dans cet arrêt que la mise en œuvre de la responsabilité du répondant civil du mineur n’exclut pas celle de ce dernier, dès lors que sa faute est établie (V. déjà, à propos de la responsabilité parentale, Civ. 2e, 11 sept. 2014, n° 13-16.897).
La responsabilité du fait d’autrui donne l’assurance à la victime de pouvoir se retourner contre des débiteurs plus solvables que le mineur et l’espoir d’être indemnisée. En effet, lorsque l’auteur des faits est mineur, par hypothèse insolvable, il est dans l’incapacité d’assumer les conséquences du dommage causé par lui. Par faveur pour la victime, il convenait d’établir une responsabilité « de garantie », qui fut mise à la charge de son ou de ses répondants. Si l'association ayant accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie du mineur (Cass., ass. plén., 29 mars 1991, n° 89-15.231, arrêt Blieck) est effectivement garant de cette indemnisation, cela ne signifie pas pour autant que sa responsabilité soit la seule à pouvoir être engagée. Depuis 1984, l’on sait que la minorité d’un enfant ou d’un adolescent n’empêche pas de retenir sa faute au titre de sa responsabilité personnelle (Cass., ass. plén., 9 mai 1984, n° 80-93.031, Lemaire et Derguini). Il faut toutefois, comme le commande la loi, caractériser sa faute, alors que la responsabilité d’une association du fait du mineur dont elle a accepté la charge peut être engagée à la seule condition que ce dernier soit l’auteur du fait dommageable, même non fautif.
En l’espèce, l’agresseur de l’assistance sociale, mineur au moment des faits (c’est au moment de la survenue du dommage qu’il convient de se placer : Civ. 2e, 25 oct. 1989, n° 88-16.210) ayant été reconnu coupable de blessures volontaires, la responsabilité de l’association était naturellement encourue. Ce point n’était pas en discussion, d’autant moins que sa responsabilité aurait également pu être engagée si le mineur n’avait pas commis de faute. Mais la responsabilité personnelle de ce dernier n’avait pas à être, en soi, exclue, ce qui justifie la cassation de l’arrêt d’appel ayant débouté la victime de sa demande d'expertise destinée à évaluer son préjudice aux seuls motifs, erronés, que si elle avait mis en cause son agresseur, désormais majeur, elle ne pouvait en toute hypothèse agir au fond que contre son civilement responsable puisqu'il était mineur au moment des faits dont elle avait été victime. Or les faits de l’espèce indiquent que même si un doute pouvait naître concernant la conscience par le mineur des conséquences de ses agissements, il avait bien volontairement agressé sa victime, ce qui suffisait à caractériser sa faute. Le mineur, comme toute personne, doit donc répondre de ses agissements fautifs et reste personnellement exposé quand bien même son répondant civil répondrait-il de ses actes à sa place afin de garantir la victime contre son insolvabilité.
Civ 2e, 20 octobre 2016, n° 15-25.465
Références
■ Civ. 2e, 10 févr. 1971, n° 68-13.878 P, D. 1971, Somm. 199, note. C. Larroumet.
■ Civ. 2e, 11 sept. 2014, n° 13-16.897 P, D. 2014. 1823 ; ibid. 2015. 124, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, É. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati ; ibid. 1919, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2014. 566, obs. L. Perdrix.
■ Cass., ass. plén., 29 mars 1991, n° 89-15.231 P, D. 1991. 324, note C. Larroumet ; ibid. 157, chron. G. Viney, obs. J.-L. Aubert ; RFDA 1991. 991, note P. Bon ; RDSS 1991. 401, étude F. Monéger ; RTD civ. 1991. 312, obs. J. Hauser ; ibid. 541, obs. P. Jourdain ; RTD com. 1991. 258, obs. E. Alfandari et M. Jeantin.
■ Cass., ass. plén. 9 mai 1984, n° 80-93.031 P.
■ Civ. 2e, 25 oct. 1989, n° 88-16.210 P, RTD civ. 1990. 501, obs. P. Jourdain.
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