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Droit des successions et des libéralités
Donner et déshériter : deux intentions compatibles
Mots-clefs : Libéralités, Successions, Legs, Héritier, Quotité disponible, Testament, Intention
La volonté de priver un héritier réservataire de la quotité disponible n'exclut pas l'intention libérale du testateur vis-à-vis d'une tierce personne.
En conflit avec son fils à propos de la succession de son mari, une femme décida de léguer, par testament authentique, la quotité disponible de sa propre succession à une œuvre de bienfaisance. Lorsqu'elle décéda dix ans plus tard, l'association bénéficiaire assigna l'héritier en délivrance de son legs. Celui-ci forma alors une demande reconventionnelle en annulation du testament.
Devant les juges du fond, celui-ci fit valoir que le testament avait pour but, non pas de gratifier l'œuvre de bienfaisance, mais de faire échec à ses droits, en tant qu'héritier réservataire. En d'autres termes, la cause de la libéralité ne résidait pas dans l'intention libérale de la testatrice, élément nécessaire à l'appréciation de la validité d'une libéralité, mais dans la volonté de déshériter son fils, cause visiblement illicite aux yeux de ce dernier (v. dans ce sens, Orléans, 12 mai 1993, Juris-Data, n° 041-385). Celui-ci est débouté et la Cour de cassation confirme cette solution.
La première chambre civile énonce ainsi que « la volonté de priver un héritier réservataire de la quotité disponible n'exclut pas l'intention libérale du testateur vis-à-vis d'une tierce personne ». Ainsi, la cour d'appel, qui avait non seulement relevé que le motif déterminant du testament consistait dans la volonté de la défunte d'exhéréder son fils, mais également constaté que l'intéressée, qui disposait de sa pleine capacité juridique et dont le consentement n'était pas vicié, avait disposé de la quotité disponible de sa succession comme elle l'entendait au profit de l'association, a pu valablement apprécier l'existence d'une intention libérale et décider que le testament était valable. Intention de déshériter et intention de donner à un tiers pouvait donc parfaitement « cohabiter ».
Références
■ Cause
« • Existence de la cause. Dans le droit des obligations, la cause de l’obligation du débiteur est le but immédiat et direct qui le conduit à s’engager. On oppose à la cause, ainsi définie, le motif qui est un mobile personnel, subjectif et lointain. La cause est, au contraire, objective; nécessaire à la validité des actes juridiques, elle est toujours la même pour chaque catégorie d’actes (par ex. : dans un contrat synallagmatique, la cause de l’obligation de l’une des parties est l’obligation de l’autre; dans un acte à titre gratuit, la cause est l’intention libérale).
• Licéité de la cause. La notion de cause, lorsqu’elle est envisagée sous l’aspect de sa licéité ou de sa légalité, recouvre les motifs personnels qui conduisent une partie à contracter. Lorsque le motif est illicite (contraire à la morale, à l’ordre public), il entraîne la nullité de l’acte à la double condition d’être la cause impulsive et déterminante de l’opération et d’avoir été connu de l’autre partie. »
■ Héritier
« Au sens large : celui qui succède au défunt par l’effet soit de la loi, soit du testament.
Dans un sens plus précis : celui qui succède au défunt en vertu de la seule loi, par opposition au légataire institué par testament. (…) »
■ Réservataire
« Héritier qui a nécessairement droit à une part de la succession. Sont héritiers réservataires tous les descendants du défunt quelle que soit la nature de leur filiation et le conjoint survivant non divorcé lorsqu’il est appelé à la succession à défaut de descendant. »
■ Legs
« Libéralité contenue dans un testament et qui ne prend effet qu’à la mort de son auteur.
• Legs particulier : legs qui porte sur un ou plusieurs biens déterminés ou déterminables.
• Legs “ de residuo ” : legs fait à une personne à charge pour elle de remettre, à son décès, ce dont elle n’aura pas disposé à telle personne désignée par le testateur. À la différence de la substitution fidéicommissaire (devenue libéralité graduelle), le legs “ de residuo ” ne comporte pas l’obligation pour le gratifié de conserver le bien.
• Legs à titre universel : legs qui porte sur une quote-part des biens laissés par le testateur à son décès.
• Legs universel : legs qui donne au bénéficiaire vocation à recueillir l’ensemble de la succession. »
■ Libéralité
« Désormais définie par le législateur (loi no 206-728 du 23 juin 2006) comme “ l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne ”, la libéralité suppose que cet acte par lequel une personne procure à autrui, ou s’engage à lui procurer un avantage, le soit sans contrepartie.
La libéralité suppose un déplacement de valeur du patrimoine du disposant vers le patrimoine du gratifié, à la différence du contrat de bienfaisance où il n’y a pas disposition de ses biens, mais fourniture d’une activité bénévole (mandat non salarié), concession d’une jouissance gratuite (prêt à usage), ou mise à la disposition d’un tiers de son crédit uniquement (caution).
Il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament. »
■ Quotité disponible
« Portion du patrimoine d’une personne dont elle peut disposer librement par donation ou testament, en présence d’héritiers réservataires. Déterminée par la loi, elle varie en fonction de la qualité et du nombre des héritiers réservataires. Par exemple, la quotité disponible est de moitié si le disposant ne laisse à son décès qu’un enfant; elle est des trois quarts si, à défaut de descendant, le défunt laisse un conjoint survivant non divorcé. »
■ Testament authentique
« Acte juridique unilatéral par lequel une personne, le testateur, exprime ses dernières volontés et dispose de ses biens pour le temps qui suivra sa mort.
Le testament authentique est celui qui est reçu par deux notaires ou un notaire et deux témoins. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Pour aller plus loin : Rép. civ. Dalloz, V° « Disposition à titre gratuit [2° acte de volonté] », par I. Najjar, n°s 186 s.
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