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[ 2 octobre 2009 ] Imprimer

Procédure civile

Droit à un tribunal impartial : moment pour soulever le grief de partialité

Mots-clefs : Impartialité, Jugement, Débats, Conclusions, Loyauté

Le grief tiré de la composition irrégulière d'une cour d'appel, au regard de l'obligation d'impartialité objective issue de l'article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme, peut être soulevé jusqu'à la clôture des débats.

À quel moment le moyen tiré de la partialité de la juridiction de jugement doit-il être soulevé ? C'est à cette question que répond la Cour de cassation dans un arrêt du 10 septembre 2009 destiné à la plus large diffusion (FS-P + B + R + I).

En l'espèce, un conseiller chargé de la mise en l'état avait déclaré irrecevable l'appel du demandeur et, par la suite, siégé dans la formation de jugement devant laquelle cette décision avait été déférée. L'appelant avait alors tenté, à l'audience, de se prévaloir de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement (composition contraire au principe d'impartialité dite « objective » ou « fonctionnelle », au sens de l'art. 6, § 1er, Conv. EDH). Mais cette prétention avait été rejetée au motif que, lorsque les débats ont eu lieu devant une formation collégiale dont la composition est déterminée par l'ordonnance du premier président fixant la répartition les magistrats dans les chambres, les parties ont nécessairement connaissance à l'avance, par leur avoué, de cette composition et sont réputées avoir renoncé sans équivoque à se prévaloir de l'article 6, § 1er, ou de l'article 341 du Code de procédure civile, dès lors qu'elles n’ont pas soulevé ce moyen dans leurs premières conclusions (conformément à la jurisprudence rendue sur le fondement de l’art. 342 C. pr. civ. ; v. Civ. 1re, 12 déc. 2006).

La Cour de cassation censure les juges du fond. Elle rappelle, au visa de l’article 6, § 1er, que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial » et que « l’exigence d’impartialité doit s’apprécier objectivement », et estime en conséquence que la cour d’appel, « en statuant ainsi, dans une composition où siégeait le magistrat qui avait rendu l’ordonnance déférée, alors que M. X. avait soulevé dès l’ouverture des débats cette irrégularité […] a violé le texte susvisé ».

Après quelques hésitations, la Cour de cassation estime aujourd’hui que la partie qui a nécessairement connaissance du moyen tiré de la partialité de la formation de jugement doit l'invoquer avant la clôture des débats (Ass. plén. 24 nov. 2000, Comet ; Civ. 2e, 15 févr. 2001 ; Civ. 2e 8 avr. 2004), c'est-à-dire « jusqu'à l'ultime moment où il est encore possible de s'exprimer » (J. Normand, préc.). Cette solution, qui ménage un certain équilibre entre les principes de loyauté et d’impartialité, est ici confortée : le moyen avait, en l'espèce, été soulevé dès l'ouverture des débats, conformément à l'article 430 du Code de procédure civile, et donc avant la clôture de ces derniers.

Civ. 2e, 10 septembre 2009

 

 

Références

Article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l’homme

« Droit à un procès équitable

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

Code de procédure civile

Article 341

« La récusation d'un juge n'est admise que pour les causes déterminées par la loi.

Comme il est dit à l'article L. 731-1 du code de l'organisation judiciaire "sauf dispositions particulières à certaines juridictions la récusation d'un juge peut être demandée :

1° Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;

2° Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties ;

3° Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement ;

4° S'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;

5° S'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ;

6° Si le juge ou son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties ;

7° S'il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;

8° S'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties.

Le ministère public, partie jointe, peut être récusé dans les mêmes cas". »

Article 342

« La partie qui veut récuser un juge doit, à peine d'irrecevabilité, le faire dès qu'elle a connaissance de la cause de récusation.

En aucun cas la demande de récusation ne peut être formée après la clôture des débats. »

Article 430

« La juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l'organisation judiciaire.

Les contestations afférentes à sa régularité doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office.

Les dispositions de l'alinéa qui précède ne sont pas applicables dans les cas où il aurait été fait appel à une personne dont la profession ou les fonctions ne sont pas de celles qui l'habilitent à faire partie de la juridiction. »

Hiérarchisation des arrêts de la Cour de cassation

(d'après la fiche disponible sur le site de la Cour)

Les mentions P.B.R.I. permettent de hiérarchiser les arrêts de la Cour de cassation.

B = publication au Bulletin d'information de la Cour (BICC).

P = publication au Bulletin des arrêts de la Cour, bulletins des arrêts des chambres civiles et de la chambre criminelle, bulletin trimestriel du droit du travail.

I = diffusion sur le site internet de la Cour.

R = analyse au rapport annuel de la Cour de cassation.

D = diffusion sur Jurinet, la base des arrêts de la Cour de cassation, accessible sur le site intranet de la Cour de cassation (non publique).

Selon la complexité des pourvois, les formations des chambres diffèrent ; elles sont signalées par des lettres :

FP = formation plénière de la chambre.

FS = formation à section (9 à 15 magistrats selon les chambres).

F ou FR = formation restreinte (le président, le doyen et le conseiller rapporteur).

Pour aller plus loin : A. Lacabarats, « Les outils pour apprécier l'intérêt d'un arrêt de la Cour de cassation », D. 2007. 889.

Civ. 1re, 12 déc. 2006, Bull. civ. I, n° 543 ; D. 2007. Pan. 2691, obs. Douchy-Oudot ; RTD civ. 2007. 96, obs. Hauser ; RLDC 2007/37, n° 2508, obs. Beignier

Ass. plén. 24 nov. 2000, Bull. Ass. plén., n° 10 ; RTD civ. 2001. 192, obs. Normand ; ibid. 204, obs. Perrot ; D. 2001. Somm. 1067, obs. Fricéro.

Civ. 2e, 15 févr. 2001, Bull. civ. II, n° 28.

Civ. 2e, 8 avr. 2004, Bull. civ. II, n° 175.

 

Auteur :S. L.


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