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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Droit au diagnostic génétique préimplantatoire
Mots-clefs : Vie privée, Procréation médicale assistée, Diagnostic génétique préimplantatoire
L’interdiction faite à un couple porteur d’une maladie génétique de recourir au diagnostic préimplantatoire dans le cadre d’une fécondation in vitro est contraire au respect de leur vie privée et familiale.
Les questions de procréation —d’abord éthiques et morales— relèvent par essence du droit à la vie privée et familiale (droit au respect des décisions de devenir ou de ne pas devenir parent : Evans c. Royaume-Uni ; droit de voir respecter la décision de devenir parents génétiques : Dickson c. Royaume-Uni ; accès aux techniques hétérologues de procréation artificielle à des fins de fécondation in vitro : S.H. et autres c. Autriche). Le recours à la procréation médicalement assistée et au diagnostic génétique préimplantatoire pour avoir un enfant qui ne soit pas atteint par la maladie génétique dont les futurs parents sont porteurs sains constitue une forme d’expression de la vie privée et familiale relevant de l’article 8 de la Convention EDH. Les choix opérés par les États signataires de la Convention en la matière sont donc, comme la Cour le rappelle elle-même, soumis à son contrôle. Dans ce cadre, les ingérences doivent être prévues par la loi, doivent poursuivre un but légitime et être proportionnées.
En l’espèce un couple d’Italiens porteurs sains de la mucoviscidose voulant éviter de la transmettre à leur enfant souhaite avoir recours à la procréation médicalement assistée et au dépistage génétique, leur premier enfant étant déjà atteint par cette pathologie. Lors d’une précédente grossesse, les requérants avaient effectué un diagnostic prénatal qui révéla que le fœtus était affecté par la mucoviscidose. La femme eut alors recours à un avortement thérapeutique. Leur premier enfant est atteint par cette pathologie.
La législation italienne qui permet l’accès à la PMA aux couples stériles ou aux couples dont l’homme est atteint d’une maladie virale transmissible par voie sexuelle (VIH, hépatite B et C…) dans le but d’éviter le risque de transmission de celle-ci, mais interdit en revanche diagnostic génétique préimplantatoire. Invoquant l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale), les requérants se plaignaient de ce que la seule voie qui leur était ouverte afin de mettre au monde un enfant non affecté par la mucoviscidose était celle d’entamer une grossesse par les voies naturelles et de procéder à une interruption médicale de grossesse à chaque fois que le fœtus se révélerait être malade.
La Cour reconnaît que l’interdiction qui leur est opposée de recourir à un diagnostic génétique préimplantatoire constitue une ingérence dans leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Celle-ci est prévue par la loi et poursuit un but légitime (notamment éviter les dérives eugéniques), en revanche, l’ingérence dans le droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale est disproportionnée. En effet, il ne s’agit pas de savoir si, prise isolément, l’interdiction qui leur est faite d’accéder au diagnostic génétique préimplantatoire est compatible avec l’article 8 de la Convention mais d’apprécier cette interdiction à la lumière de ce que le système législatif italien les autorise de procéder à une interruption médicale de grossesse lorsque le fœtus devait être atteint par la pathologie dont ils sont porteurs. « La Cour sanctionne l’incohérence du système législatif italien qui ne laisse aux requérants qu’une seule option, porteuse d’angoisse et de souffrance (…) » (à savoir si l’examen se révélait positif).
Ainsi posée, la solution de la CEDH ne saurait se confondre avec un quelconque « droit d’avoir un enfant sain ». Le diagnostic génétique préimplantatoire n’est pas de nature à exclure d’autres facteurs pouvant compromettre la santé de l’enfant à naître, tels que, par exemple, l’existence d’autres pathologies génétiques ou de complications dérivant de la grossesse ou de l’accouchement.
CEDH 28 août 2012, Costa et Pavan c. Italie, n° 54270/10
Références
■ Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme – droit au respect de la vie privée et familiale
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
■ CEDH 10 avr. 2007, Evans c. Royaume-Uni, n°6339/05, D. Roman, « L'assistance médicale à la procréation, nouveau droit de l'Homme ? », RDSS 2007. 810.
■ CEDH 4 déc. 2007, Dickson c. Royaume-Uni, n°44362/04.
■ CEDH 3 nov. 2011, S.H. et autres c. Autriche, n°57813/00.
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