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[ 11 avril 2016 ] Imprimer

Procédure pénale

Droit de quitter les lieux à tout moment lors d’une audition libre : encore faut-il être dans des locaux de la police ou de la gendarmerie !

Mots-clefs : Audition libre, Locaux police et gendarmerie, Voie publique, Contrôle routier, Conseil constitutionnel

Un prévenu ne se trouvant pas dans des locaux de la police et de la gendarmerie, mais sur la voie publique, lieu du contrôle routier, n’a pas à être informé de son droit de les quitter à tout moment.

En septembre 2012, un officier de police judiciaire d’un peloton autoroutier, effectuant un contrôle de vitesse sur une voie dont la vitesse était limitée à 90 km/h, a constaté, au moyen d’un cinémomètre, qu’un véhicule circulait à la vitesse mesurée de 162 km/h et à la vitesse retenue de 153 km/h. Le conducteur, entendu sur les lieux de constatation de ce dépassement, a été poursuivi du chef d’excès de vitesse d’au moins 50 km/h, en récidive. Il fut condamné en première et seconde instance, la cour d’appel fixant la peine à un mois d'emprisonnement avec sursis, 3 750 euros d'amende et neuf mois de suspension du permis de conduire. 

Dans son pourvoi, le prévenu contestait le rejet du moyen de nullité du procès-verbal de constatation d’infraction dressé à son encontre pris de l’absence de notification des droits attachés à une audition libre, résultant des articles 62 et 78 du Code de procédure pénale dans leur version applicable au moment des faits, spécialement qu’il n’avait pas été informé de son droit de pouvoir quitter à tout moment les lieux. Le prévenu s’appuyait sur les décisions du Conseil constitutionnel relatives à la conformité à la Constitution desdites dispositions (dans leurs versions alors applicables à la date des faits). Pour mémoire, dans ses décisions QPC, respectivement rendues le 18 novembre 2011, concernant l’article 62 du Code de procédure pénale (n° 2011-191/194/195/196/197 QPC) et le 18 juin 2012, concernant l’article 78 du même Code (n° 2012-257 QPC), les sages ont admis une réserve d’interprétation formulée de façon similaire selon laquelle le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie. 

Pour écarter la nullité, les juges d’appel retiennent que le prévenu a bien été informé de la nature et de la date de l’infraction et que, ne se trouvant pas dans des locaux de la police et de la gendarmerie, mais sur la voie publique, lieu du contrôle routier, il n’avait pas à être informé de son droit de les quitter à tout moment. Cette application, au pied de la lettre, de la réserve émise par le Conseil constitutionnel est entérinée par la chambre criminelle. Curieux mécanisme qui consiste à admettre que l’interpellation équivaut à une convocation par un officier de police judiciaire mais que le droit à être informé du droit de quitter les lieux qui y est attaché ne s’applique pas dès lors que l’on ne se trouve pas dans des locaux de police ou de gendarmerie !

Qu’en est-il aujourd’hui, les articles 62 et 78 du Code de procédure pénale ayant été modifiés par la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (V. D. 2014. 1508, note Pellé)? 

Désormais, l’article 62, alinéa 3 du Code de procédure pénale prévoit qu’en cas d’audition d'une personne entendue librement, les informations prévues aux 1° à 6° de l'article 61-1 du Code précité lui sont notifiées sans délai. Or parmi les droits énoncés, on trouve le droit de quitter à tout moment les locaux où la personne est entendue (C. pr. pén., art. 61-1, 2°). Le législateur a donc consacré ici la condition posée par le Conseil constitutionnel dans le cadre de ses réserves d'interprétation. On peut donc sans peine en déduire que la solution de la chambre criminelle rendue sous l’empire des dispositions anciennes garde toute sa portée sous les dispositions actuelles malgré la différence d’expression. La voie publique n’est pas un local !

Crim. 1er mars 2016, n° 14-87.368 

Références

■ Cons. const. 18 nov. 2011, Mme Élise A. et a., n° 2011-191/194/195/196/197 QPCD. 2011. 3034, note H. Matsopoulou ; ibid. 3005, point de vue E. Vergès ; ibid. 2012. 1638, obs. V. Bernaud et N. Jacquinot ; AJ pénal 2012. 102, obs. J.-B. Perrier ; RSC 2012. 185, obs. J. Danet ; ibid. 217, obs. B. de Lamy.

■ Cons. const. 18 juin 2012, Sté Olano Carla et a., n° 2012-257 QPCAJ pénal 2012. 602, obs. J.-B. Perrier ; Constitutions 2012. 442, chron. A. Darsonville ; RSC 2013. 441, obs. B. de Lamy ; ibid. 842, obs. X. Salvat.

■ L. n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénalesD. 2014. 1508, note Pellé.

 

Auteur :C. L.

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