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[ 18 décembre 2014 ] Imprimer

Droit administratif général

Droit de séjour des étrangers parents de citoyens mineurs de l’Union européenne

Mots-clefs : Référé, Parent étranger d’enfant mineur citoyen de l’UE, Droit de séjour, CJUE, Assurance maladie, Ressources suffisantes, Citoyenneté de l’Union européenne

Lorsque les conditions tenant au niveau des ressources et à l’assurance maladie sont remplies, l’État membre d’accueil ne peut refuser à l’enfant, citoyen mineur de l’Union européenne, et à son parent étranger le droit de séjourner sur son territoire.

Dans cette affaire, une ressortissante camerounaise titulaire d’une carte de séjour délivrée par l’Espagne valable jusqu’en 2017 est arrivée en France en 2012 avec sa fille, ressortissante espagnole, née en 2011. Elle a sollicité son admission au séjour en novembre 2013 qui lui a été refusée par arrêté préfectoral en 2014, ce refus de séjour étant assorti d’une obligation de quitter le territoire français. Elle a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif d’une demande de suspension de l’exécution de cet arrêté en tant qu’il lui refuse la délivrance d’un titre de séjour. Sa demande lui a été refusée.

Le juge des référés du Conseil d’État vient d’annuler l’ordonnance du tribunal administratif en faisant application de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

En effet, le juge des référés administratifs français suprêmes estime que les dispositions de l’article 20 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, telles qu’interprétées par la CJUE (CJCE 17 sept. 2002Baumbast c/ Secretary of State for the Home Department ; CJCE 19 oct. 2004Kunqian Catherine Zhu, Man Lavette Chen c/ Secretary of State for the Home Department ; CJUE 8 mars 2011Ruiz Zambrano c/ Office national de l'emploi ; CJUE 10 oct. 2013Adzo Domenyo Alokpa, Jarel Moudoulou, Eja Moudoulou c/Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration) confèrent au ressortissant mineur d’un État membre, en sa qualité de citoyen de l’Union, ainsi que par voie de conséquence, au ressortissant d’un État tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l’État membre d’accueil.

Toutefois, ce droit de séjour est accordé à la double condition : 

– que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée ; 

– et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes.

Ainsi, l'État membre d'accueil, qui a l’obligation d’assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, a uniquement la possibilité de refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie. 

Dans cette hypothèse, l'éloignement forcé du ressortissant de l'État tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu'à destination de l'État membre dont l’enfant mineur possède la nationalité ou de tout État membre dans lequel ils seraient légalement admissibles.

En l’espèce, le ministre de l’Intérieur soutenait que la ressortissante camerounaise ne pouvait prétendre séjourner sur le territoire français en sa qualité de mère d’une mineure, citoyenne de l’Union, dès lors qu’elle ne justifiait ni de ressources suffisantes ni d’une couverture par une assurance maladie appropriée.

Mais le juge des référés du Conseil d’État constate que cette personne exerce l’autorité parentale exclusive sur sa fille, qu’elle a signé un contrat de location d’un logement et qu’elle a un contrat de travail à durée indéterminée. À ce titre, elle dispose de ressources stables et régulières. Par ailleurs, les cotisations sociales qu’elle et son employeur acquittent lui ouvrent droit à l’assurance maladie. Ainsi, cette personne et sa fille ne sauraient être regardées comme faisant peser une charge déraisonnable sur les finances publiques françaises.

Le juge des référés en conclut que le refus de délivrance par le préfet d’un titre de séjour, à cette ressortissante camerounaise, en sa qualité de mère d’un enfant mineur, citoyen de l’Union, a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que l’ordre juridique de l’Union européenne attache au statut de citoyen de l’Union.

Par ailleurs, le refus de titre de séjour litigieux a entraîné pour cette personne une procédure de licenciement, il est également susceptible d’entrainer la résiliation du contrat de location de son logement. L’arrêté préfectoral litigieux est donc de nature à entraîner des conséquences graves sur sa situation, ainsi que sur celle de sa fille, concernant les ressources, le logement et même la scolarisation de l’enfant. Il y a effectivement urgence à ce que soient prises des mesures provisoires (CJA, art. L. 521-2).

Le Conseil d’État suspend l’exécution de l’arrêté préfectoral et enjoint l’autorité préfectorale de réexaminer la demande de la ressortissante camerounaise dans les plus brefs délais.

CE, ord., 9 déc. 2014, n° 386029

Références

 CJCE 17 sept. 2002Baumbast c/ Secretary of State for the Home Department, n° C-413/99, RSC 2003. 156, obs. L. Idot.

■ CJCE 19 oct. 2004, Kunqian Catherine Zhu, Man Lavette Chen c/ Secretary of State for the Home Department, n° C-200/02.

■ CJUE 8 mars 2011, Ruiz Zambrano c/ Office national de l'emploi, n° C-34/09, D. 2011. 1325, note S. Corneloup.

 CJUE 10 oct. 2013Adzo Domenyo Alokpa, Jarel Moudoulou, Eja Moudoulou c/Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, n° C-86/12, RTD eur. 2014. 787, obs. E. Pataut.

■ Article 20 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ex-article 17 TCE)

« 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres:

a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres;

b) le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu'aux élections municipales dans l'État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État;

c) le droit de bénéficier, sur le territoire d'un pays tiers où l'État membre dont ils sont ressortissants n'est pas représenté, de la protection des autorités diplomatiques et consulaires de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État;

d) le droit d'adresser des pétitions au Parlement européen, de recourir au médiateur européen, ainsi que le droit de s'adresser aux institutions et aux organes consultatifs de l'Union dans l'une des langues des traités et de recevoir une réponse dans la même langue.

Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. »

■ Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

Article 7 - Droit de séjour de plus de trois mois

« 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois:

a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'État membre d'accueil, ou

b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil, ou,

c) - s'il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l'État membre d'accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et

- s'il dispose d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil et garantit à l'autorité nationale compétente, par le biais d'une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu'il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d'éviter de devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de leur période de séjour; ou

d) si c'est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c).

2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c).

3. Aux fins du paragraphe 1, point a), le citoyen de l'Union qui n'exerce plus d'activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur salarié ou de non salarié dans les cas suivants:

a) s'il a été frappé par une incapacité de travail temporaire résultant d'une maladie ou d'un accident;

b) s'il se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employé pendant plus d'un an et s'est fait enregistré en qualité de demandeur d'emploi auprès du service de l'emploi compétent;

c) s'il se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s'est fait enregistré en qualité de demandeur d'emploi auprès du service de l'emploi compétent; dans ce cas, il conserve le statut de travailleur pendant au moins six mois;

d) s'il entreprend une formation professionnelle. À moins que l'intéressé ne se trouve en situation de chômage involontaire, le maintien de la qualité de travailleur suppose qu'il existe une relation entre la formation et l'activité professionnelle antérieure.

4. Par dérogation au paragraphe 1, point d), et au paragraphe 2 ci-dessus, seul le conjoint, le partenaire enregistré au sens de l'article 2, paragraphe 2, point b), et les enfants à charge bénéficient du droit de séjour en tant que membres de la famille d'un citoyen de l'Union qui remplit les conditions énoncées au paragraphe 1, point c). L'article 3, paragraphe 1, s'applique à ses ascendants directs à charge et à ceux de son conjoint ou partenaire enregistré. »

 Article L. 521-2 du Code de justice administrative

« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

 

Auteur :C. G.

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