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Droit administratif général
Droit disciplinaire en prison : élargissement du recours pour excès de pouvoir
Mots-clefs : Recours pour excès de pouvoir, Sanction disciplinaires, Droit disciplinaire, Code de procédure pénale, Détenu, Mesure d’ordre intérieur, Avertissement
La sanction d’avertissement infligée à un détenu peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Le Conseil d’État vient d’accepter la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir formé par un détenu à l’encontre d’une sanction d’avertissement dans un arrêt en date du 21 mai 2014.
Le contrôle juridictionnel des sanctions disciplinaires en prison a connu une lente évolution marquée par un arrêt de principe en 1995 : Marie (CE, ass., 17 févr. 1995, Marie). Avant cette date, les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre des détenus étaient considérées comme de simples mesures d’ordre intérieur ne pouvant, à ce titre, donner lieu à contestation devant le juge administratif. Avec l’arrêt Marie, le juge administratif commence à ouvrir la voie du recours contentieux aux détenus contre certaines sanctions disciplinaires dont ils peuvent faire l’objet (en l’espèce : punition de cellule).
Cet arrêt a favorisé la publication d’un décret (en préparation depuis plusieurs années par l’administration pénitentiaire) : le décret n° 96-287 du 2 avril 1996 relatif au régime disciplinaire des détenus et modifiant certaines dispositions du code de procédure pénale. Ce texte a, pour la première fois, donné une définition précise des fautes et des sanctions disciplinaires applicables aux détenus. Aujourd’hui, les sanctions disciplinaires sont définies par les articles R. 57-7-33 s. du Code de procédure pénale issus du décret d’application n° 2010-1634 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire.
En l’espèce, une détenue a fait l’objet d’un avertissement, par décision du président de la commission de discipline, pour avoir enfreint les instructions arrêtées par le chef de l’établissement pénitentiaire interdisant le port de vêtements à capuche et refusé d’obtempérer aux injonctions d’un membre du personnel pénitentiaire de s’y conformer.
Après avoir formé un recours hiérarchique auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires, resté sans réponse pendant plus d’un mois, la détenue sanctionnée a saisi la juridiction administrative d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision de sanction d’avertissement.
Le tribunal administratif a annulé la décision implicite de rejet du directeur interrégional des services pénitentiaires. Le ministre de la Justice a alors demandé l’annulation du jugement mais la Cour administrative d’appel, puis le Conseil d’État n’ont pas fait droit à sa demande.
Selon le Conseil d’État, « eu égard à leur nature et à leurs effets sur la situation des personnes détenues, les décisions par lesquelles le président de la commission de discipline prononce une sanction d'avertissement sont au nombre des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ».
Les juges du Palais Royal retiennent, notamment, qu’en vertu de l’article R. 57-7-28 du Code de procédure pénale, le juge de l’application des peines est informé de la sanction disciplinaire prononcée. Il peut alors en tenir compte pour retirer, en application de l’article 721 du Code de procédure pénale, une réduction de peine ou même refuser une réduction de peine supplémentaire, une permission de sortie ou un aménagement de peine. Par ailleurs, la sanction d’avertissement qui figure, comme toutes les sanctions disciplinaires, au dossier disciplinaire de la personne détenue, peut constituer une circonstance aggravante, lors de nouvelles poursuites disciplinaires pour d’autres faits.
À l’occasion d’un commentaire d’une décision du tribunal administratif de Toulouse en date du 8 mars 2005 qui avait admis un recours pour excès de pouvoir formé par un détenu à l’encontre d’un avertissement, Jean-Paul Céré affirmait : « Il s'agit là d'une brèche capitale vers l'extinction totale de la théorie des mesures d'ordre intérieur en matière de contentieux disciplinaire pénitentiaire. Si cette jurisprudence venait à être confirmée, l'ouverture des recours concernerait alors l'ensemble des […] sanctions disciplinaires. L'avertissement est considéré comme la sanction disciplinaire la moins grave. Ce sont dès lors toutes les autres sanctions, pour lesquelles le juge administratif ne s'est pas encore prononcé, qui devraient pouvoir aussi faire l'objet d'un recours devant le juge administratif. Cette issue présenterait le mérite d'unifier le régime applicable aux sanctions disciplinaires en prison. »
Il semble dès lors possible d’affirmer que l’arrêt du 21 mai 2014 fait sortir toutes les sanctions disciplinaires de l’article R. 57-7-33 du Code de procédure pénale du champ des mesures d’ordre intérieur. Cela ne signifie toutefois pas que toutes les mesures d’ordre intérieur puissent faire l’objet d’une contestation devant le juge administratif. Ainsi, par exemple, eu égard à leur nature et à leurs effets sur la situation des détenus, les décisions refusant de donner suite à la demande d'un détenu de changer d'établissement ne constituent pas des actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus (CE 13 nov. 2013, Agamemnon).
CE 21 mai 2014, Garde des sceaux, n° 359672
Références
■ CE, ass., 17 févr. 1995, Marie, req. n° 97754, Lebon 84 ; RFDA 1995. 353, concl. Frydman.
■ CE 13 nov. 2013, Agamemnon, req. n° 338720, Lebon.
■ Code de procédure pénale
« Dans le délai de cinq jours à compter de la décision prononçant une sanction disciplinaire à l'encontre d'une personne majeure, le chef d'établissement transmet une copie de la décision, d'une part, au directeur interrégional des services pénitentiaires et, d'autre part, au juge de l'application des peines ou, le cas échéant, au magistrat saisi du dossier de la procédure sous le contrôle duquel la personne détenue est placée.
Il fait rapport à la commission de l'application des peines de toute sanction de cellule disciplinaire ou de confinement en cellule individuelle ordinaire, si sa durée excède sept jours. »
« Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes:
1o L'avertissement;
2o L'interdiction de recevoir des subsides de l'extérieur pendant une période maximum de deux mois;
3o La privation pendant une période maximum de deux mois de la faculté d'effectuer en cantine tout achat autre que celui de produits d'hygiène, du nécessaire de correspondance et de tabac;
4o La privation pendant une durée maximum d'un mois de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration;
5o La privation d'une activité culturelle, sportive ou de loisirs pour une période maximum d'un mois;
6o Le confinement en cellule individuelle ordinaire assorti, le cas échéant, de la privation de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration pendant la durée de l'exécution de la sanction;
7o La mise en cellule disciplinaire. »
« Chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de sept jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut toutefois excéder deux mois.
Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le crédit de réduction de peine est calculé à hauteur de deux mois la première année, d'un mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de cinq jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux cinq jours par mois ne peut toutefois excéder un mois. Il n'est cependant pas tenu compte des dispositions du présent alinéa pour déterminer la date à partir de laquelle une libération conditionnelle peut être accordée au condamné, cette date étant fixée par référence à un crédit de réduction de peine qui serait calculé conformément aux dispositions du premier alinéa.
En cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le juge de l'application des peines peut être saisi par le chef d'établissement ou sur réquisitions du procureur de la République aux fins de retrait, à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois, de cette réduction de peine. Il peut également ordonner le retrait lorsque la personne a été condamnée pour les crimes ou délits, commis sur un mineur, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle et qu'elle refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l'application des peines, sur avis médical, en application des articles 717-1 ou 763-7. Il en est de même lorsque le juge de l'application des peines est informé, en application de l'article 717-1, que le condamné ne suit pas de façon régulière le traitement qu'il lui a proposé. La décision du juge de l'application des peines est prise dans les conditions prévues à l'article 712-5.
Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le retrait prévu par le troisième alinéa du présent article est alors de deux mois maximum par an et de cinq jours par mois.
En cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit commis par le condamné après sa libération pendant une période égale à la durée de la réduction résultant des dispositions du premier ou du deuxième alinéa et, le cas échéant, du troisième alinéa du présent article, la juridiction de jugement peut ordonner le retrait de tout ou partie de cette réduction de peine et la mise à exécution de l'emprisonnement correspondant, qui n'est pas confondu avec celui résultant de la nouvelle condamnation.
Lors de sa mise sous écrou, le condamné est informé par le greffe de la date prévisible de libération compte tenu de la réduction de peine prévue par le premier alinéa, des possibilités de retrait, en cas de mauvaise conduite ou de commission d'une nouvelle infraction après sa libération, de tout ou partie de cette réduction. Cette information lui est à nouveau communiquée au moment de sa libération. »
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