Actualité > À la une
À la une
Introduction au droit
Droit du surendettement : application de la loi nouvelle à une instance en cours
Dans un arrêt rendu le 8 février 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu’en l’absence de disposition transitoire, la loi s’applique le lendemain de sa publication au Journal officiel. Ce principe d’application immédiate justifie de soumettre le traitement d’une situation de surendettement à la loi nouvelle, même lorsque cette situation fait l’objet d’une instance judiciaire.
Civ. 2e, 8 févr. 2024, n° 22-18.080
Rendu au croisement du droit de la consommation et du droit transitoire, l’arrêt rapporté précise les conditions d’application de la loi nouvelle à une instance en cours de traitement d’une situation de surendettement. La publication de cette décision se comprend à l’aune de sa portée, générale : au-delà du cas de l’espèce relatif au droit du surendettement, les principes de droit transitoire dégagés par la deuxième chambre civile ont vocation à s’appliquer à toute situation similaire ce qui, compte tenu du phénomène d’inflation normative, se révélera fort utile aux praticiens devant composer avec un flux constant de textes nouveaux.
À l’origine du pourvoi, le représentant légal de deux créanciers du même débiteur avait formé un recours contre la décision d’une commission de surendettement des particuliers ayant déclaré recevable la demande dudit débiteur pour le traitement de sa situation financière. Le débiteur fut déclaré irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement, par le Tribunal judiciaire de Valence dans une décision du 11 avril 2022, le jugement ayant retenu que l’article L. 711-1 du Code de la consommation interdit la prise en compte des dettes professionnelles pour l’appréciation de la situation de surendettement. Le débiteur se pourvoit en cassation. On ignore la teneur de son moyen car la deuxième chambre civile de la Cour de cassation relève d’office, sur le fondement de l’article 620, alinéa 2, du Code de procédure civile, le moyen tiré de l’application de la loi dans le temps de l’article L. 711-1 du Code de la consommation pour juger ce texte immédiatement applicable à l’instance en cours. La solution est décisive en ce que la teneur de ce texte a été profondément modifiée par la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, ayant admis la prise en compte de dettes professionnelles, jusqu’alors exclues du traitement de la situation financière du débiteur sollicitant le traitement d’une situation de surendettement. Or le tribunal avait fait application du droit ancien pour exclure le débiteur du bénéfice de ces nouvelles dispositions. Sa décision pouvait se comprendre pour deux raisons. La première tenait à la date du jugement frappé du pourvoi. Ce jugement fut rendu le 11 avril 2022 (pt. n° 1 de l’arrêt), ce qui signifie que les débats ont nécessairement eu lieu avant l’entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022, à une date non indiquée mais dont l’arrêt précise qu’ils « se sont tenus antérieurement » à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi (pt. n° 7 de l’arrêt). La seconde raison résidait dans l’absence de disposition transitoire de la loi concernant l’article 10 modifiant l’article L. 711-1 du Code la consommation, lacune qui avait très probablement semé le doute quant à son application dans le temps. Pour le dissiper, la Cour de cassation rappelle alors plusieurs principes fondateurs du droit transitoire, contenus aux articles 1 et 2 du code civil. Il résulte de ces textes que l’entrée en vigueur d’une loi a lieu au jour fixé par celle-ci ou, à défaut, au lendemain de sa publication au Journal officiel. Simple dans son principe, l’application de cette règle au cas d’espèce était rendue complexe par le fait que l’instance était en cours au moment de la publication de la loi du 14 février 2022, les débats ayant eu lieu antérieurement à celle-ci. C’est là qu’intervient utilement l’article 2 du code civil, dont la portée est ainsi rappelée : ce texte implique que, sauf disposition transitoire contraire, la loi nouvelle s’applique immédiatement même lorsqu’une situation non contractuelle, en cours au moment où la loi entre en vigueur, « fait l’objet d’une instance judiciaire » (pt n° 4 de l’arrêt). Autrement dit, la circonstance tenant à l’antériorité des débats, en l’espèce tenus avant la promulgation du texte, est indifférente. Le seul élément déterminant tient dans l’application à l’instance en cours de la loi nouvelle. La solution est drastique pour le justiciable qui n’a pu anticiper la publication au Journal officiel d’un texte nouveau. Elle l’est d’autant plus, au cas d’espèce, pour le créancier professionnel qui voit sa situation soumise à un changement normatif majeur et dont la date d’entrée en vigueur, en l’absence de disposition transitoire, n’était pas préalablement fixée.
La portée de la solution mérite alors d’être soulignée : toute loi nouvelle qui ne prévoit pas d’entrée en application différée s’applique immédiatement, au lendemain de sa publication, aux instances en cours, peu important l’antériorité des débats, sauf au magistrat à prendre la liberté de les rouvrir pour maintenir la possibilité d’une discussion entre les parties, respectueuse du contradictoire, s’agissant de l’application d’un texte qui se trouve au cœur d’une instance dont il modifie les données et l’issue probable.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une