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Droit administratif général
Droits d’accès aux musées des 18-25 ans : pas de gratuité pour tous !
Mots-clefs : Principe d’égalité, Gratuité, Condition d’âge, Musée du Louvre, Centre des monuments nationaux, Union européenne, Espace économique européen, Jeunes touristes, Jeunes en situation irrégulière
Le principe d’égalité n’est pas méconnu lorsque le Centre des monuments nationaux et le musée du Louvre décident de ne pas accorder pour les moins de 26 ans, la gratuité d’entrée aux touristes et aux étrangers en situation irrégulière, a décidé le Conseil d’État dans une décision du 18 janvier 2013.
En l’espèce, l’association SOS racisme demandait notamment l’annulation de deux décisions de mars 2009 prises par le Centre des monuments nationaux (CMN) et le musée du Louvre en vue d’accorder l’accès gratuit aux monuments dont ils ont la charge pour les seules personnes de 18 à 25 ans ressortissants d’un État membre de l’Union européenne (UE) ou d’un État partie à l’Espace économique européen (EEE).
Cette association estimait qu’en excluant de la gratuité, parmi les jeunes de moins de 26 ans, les touristes — n’appartenant ni à l’UE et ni à l’EEE — et les étrangers en situation irrégulière, ces décisions de mars 2009 méconnaissaient le principe d’égalité.
À l’occasion de cette affaire, le Conseil d’État se prononce sur l’application du principe d’égalité, principe général du droit, dans le domaine de la gratuité des musées.
Après avoir rappelé que « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionné au regard des motifs susceptibles de la justifier » (V. notamment : CE, sect., 10 mai 1974, Denoyez et Chorques ), le Conseil d’État affirme que l’institution d’une différence tarifaire entre les visiteurs des musées et monuments nationaux, selon des critères de nationalité ou de régularité de séjour, qui n’est pas la conséquence nécessaire d’une loi, implique qu’il existe soit des différences de situation de nature à justifier ces différences de traitement, soit des nécessités d’intérêt général en rapport avec la mission des établissements concernés.
Se pose ainsi la question de savoir quel est l’objectif poursuivi par la mesure de gratuité mise en place par le CMN et le musée du Louvre.
L’idée sous-jacente est de favoriser l’accès à la culture des usagers qui en raison de leur âge n’ont pas souvent les ressources leur permettant de se rendre de façon régulière aux musées, afin d’ancrer des habitudes de fréquentations régulières. Cette gratuité doit avoir pour résultat de fidéliser, de pérenniser (et donc au-delà de 25 ans), la fréquentation habituelle de ces établissements. Pour cela, les établissements concernés peuvent distinguer les personnes ayant vocation à résider durablement sur le territoire français des autres. Ainsi, le principe de gratuité n’a pas de justification pour les personnes ne séjournant pas de manière durable sur le territoire.
Par ailleurs, selon le Conseil d’État, le bénéfice de la gratuité reconnu aux personnes qui ont à séjourner durablement en France doit être étendu, en application du droit et de la jurisprudence de l’Union européenne (V. notamment : Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, art. 11, 1, f ) aux ressortissants de l’Union qui disposent dans un autre pays de l’UE ou de l’EEE du même droit de séjour durable. En ne reconnaissant pas ce droit aux résidents de longue durée en situation régulière dans les États de l’UE et de l’EEE, les deux décisions du CMN et du musée du Louvre de mars 2009 ont méconnu les dispositions de la Directive du Conseil du 25 novembre 2003.
En revanche, la différence de traitement instituée de moins de 26 ans qu’ils soient touristes — n’appartenant ni à l’UE et à l’EEE — ou étrangers en situation irrégulière ne porte pas atteinte au principe d’égalité au regard de l’objectif poursuivi.
Enfin, il convient de noter que le principe de gratuité des musées et monuments a été revu notamment par la décision n° 2012-45 du 5 novembre 2012 du CMN et par des délibérations de 2009 prises par le conseil d’administration de l’Établissement public du musée du Louvre. Ainsi, la gratuité d’entrée pour les 18-25 ans est accordée : aux nationaux français, aux ressortissants d’un autre État membre de l’UE ou de l’EEE, aux titulaires en France d’un visa de longue durée ou d’un titre de séjour et aux résidents de longue durée dans un État membre de l’UE ou de l’EEE.
En définitive, seuls les touristes — n’appartenant ni à l’UE et à l’EEE — et les étrangers en situation irrégulière de moins de 26 ans ne bénéficient pas d’un droit d’accès gratuit. La mesure de gratuité d’accès aux monuments nationaux et au musée du Louvre, destinée à un public spécifique, a pour objectif de fidéliser les 18-25 ans dans la durée. De fait, cette mesure ne peut s’appliquer aux jeunes touristes ni aux personnes en situation irrégulière qui n’ont pas vocation à résider durablement sur le territoire français et ne sont donc pas dans une situation identique aux personnes visées par cette mesure.
CE, sect., 18 janv. 2013, SOS Racisme, n° 328230
Références
■ CE, sect., 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, Lebon. 274 ; AJDA 1974.298, chron. Franc et Boyon ; D. 1975.393, note Tedeschi ; Rev. adm. 1974.440, note Moderne.
■ Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (JOUE 23 janv. 2004)
Article 11- Égalité de traitement
« 1. Le résident de longue durée bénéficie de l'égalité de traitement avec les nationaux en ce qui concerne :
(…)
f) l'accès aux biens et aux services et la fourniture de biens et de services à la disposition du public, ainsi que l'accès aux procédures d'attribution d'un logement ;
(…). »
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