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Drones : quelles garanties pour les libertés ?
Le décret du 19 avril 2023 sur l’usage des drones pour des missions de police administrative ne créer pas de doutes sérieux quant à sa légalité.
CE, réf., 24 mai 2023, n° 473547
Le juge des référés du Conseil d’État était saisi d’une demande de suspension du décret n° 2023-283 du 19 avril 2023 relatif à la mise en œuvre de traitements d'images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative.
Ce décret a été pris pour l’application de l’article 15 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale qui modifie les articles L. 242-1 à L. 242-5 du code de la sécurité intérieure et de l’article L. 242-8 du même code, aux termes duquel « Les modalités d'application du présent chapitre et d'utilisation des données collectées sont précisées par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret précise les exceptions au principe d'information du public prévu à l'article L. 242-3 ». Il crée notamment les articles R. 242-8 à R. 242-14 du code de la sécurité intérieure. Plus précisément, ce décret autorise la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel issues des enregistrements et précise leurs finalités, les données enregistrées, les modalités et la durée de leur conservation, les conditions d'accès aux enregistrements ainsi que les droits des personnes concernées.
L’article 15 de la loi du 24 janvier 2022 posait quant à lui les conditions dans lesquelles certains services de l'État peuvent mettre en œuvre, dans le cadre de l'exercice de leurs missions de police administrative, des traitements d'images issues de caméras installées sur des aéronefs, y compris sans personne à bord (drones). Dans sa décision du 20 janvier 2022 (n° 2021-834 DC), le Conseil constitutionnel avait alors déclaré ces dispositions conformes à la Constitution mais les avait complétées de deux réserves.
Cet article prévoit les différents cas possibles de recours aux drones en matière de police administrative.
Son utilisation doit viser à assurer :
1. la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés ;
2. la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public ;
3. la prévention d'actes de terrorisme ;
4. la régulation des flux de transport ;
5. la surveillance des frontières ;
6. secours aux personnes (CSI, art. L. 242-5).
Le préfet qui autorise par arrêté l’utilisation de drones doit veiller à ce que cette utilisation soit strictement nécessaire à l’exercice des missions et adaptée pour chaque circonstance (périmètre, finalité, proportionnalité, ombre maximal de caméras utilisées simultanément, au regard des autorisations déjà délivrées dans le même périmètre géographique, …). Le Conseil constitutionnel (décision préc.) a émis une première réserve d’interprétation selon laquelle l’autorisation « ne saurait cependant, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être accordée qu'après que le préfet s'est assuré que le service ne peut employer d'autres moyens moins intrusifs au regard de ce droit ou que l'utilisation de ces autres moyens serait susceptible d'entraîner des menaces graves pour l'intégrité physique des agents ».
Par ailleurs, comme la loi le précise, les drones ne peuvent procéder à la captation du son, ni comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale, ni à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisée avec d'autres traitements de données à caractère personnel, elle ne saurait, « sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être interprétées comme autorisant les services compétents à procéder à l'analyse des images au moyen d'autres systèmes automatisés de reconnaissance faciale qui ne seraient pas placés sur ces dispositifs aéroportés » (2nde réserve).
L’autorisation préfectorale ne peut en outre être accordée pour une durée maximale de trois mois, renouvelable sous conditions sauf quand elle est sollicitée pour un rassemblement, elle n’est délivrée que pour la durée de celui-ci.
Le décret d’application de l’article 15 de la loi du 24 janvier 2022 pour lequel le juge des référés du Conseil d’État était saisi ne présente pas de doute sérieux concernant sa légalité. En effet, le juge constate que les exigences du droit au respect de la vie privée sont respectées par les dispositions réglementaires contestées : autorisation préfectorale reposant sur une appréciation précise et concrète, au cas par cas, de la nécessité et de la proportionnalité du recours à l’utilisation de drones. Il est par ailleurs toujours possible de contester une autorisation devant le juge de l’excès de pouvoir en assortissant, en cas d’urgence, la demande d’annulation d’une demande de suspension de l’exécution au juge des référés.
Peu avant cette ordonnance, le juge des référés du Conseil d’État avait déjà été saisi de demandes de suspension d’arrêtés autorisant la captation, l’enregistrement et la transmission d’images par drones pour diverses manifestations (V. notamment CE, réf., 6 mai 2023, n° 473716, usage de drones lors d’une manifestation au Havre et CE, réf., 6 mai 2023, n° 473714, usage de drones lors d’une manifestation à Bordeaux).
Par ailleurs, le juge des référés s’était également prononcé sur l’usage des drones en mars 2020, par la préfecture de police de Paris afin de veiller au respect des mesures de confinement. Il y a trois ans, il existait un vide juridique à ce sujet. Le juge des référés avait enjoint à l’État de cesser la surveillance policière, au motif que la captation d’images par drones constituait un traitement de données à caractère personnel et doit être assorti de garanties suffisantes (CE, ord., 18 mai 2020, n° 440442, 440445)
Références
■ Cons. const. 20 janv. 2022, n° 2021-834 DC : AJDA 2022. 127 ; AJCT 2022. 66, obs. E. Royer.
■ CE, ord., 18 mai 2020, n° 440442, 440445 : DAE 26 mai 2020, note Cécile Crichton; AJDA 2020. 1031 ; ibid. 1552, note X. Bioy ; D. 2020. 1336, obs. P. Dupont, note P. E. Audit ; ibid. 1262, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJCT 2020. 530, obs. R. Perray et Hélène Adda ; Dalloz IP/IT 2020. 573, obs. Cassandra Rotily et L. Archambault ; RTD eur. 2020. 956, obs. A. Bouveresse.
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