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Droit des obligations
Du contrôle de la faute dolosive de l’assuré par la Cour de cassation
Mots-clefs : Contrat d’assurance, Faute dolosive, Faute intentionnelle, Appréciation souveraine des juges du fond, Contrôle de la Cour de cassation
La Cour de cassation confirme le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond pour qualifier la faute dolosive de l’assuré et consacre ainsi son autonomie par rapport à la faute intentionnelle.
Un homme a été victime d’un accident de la circulation. Selon ses dires, il circulait sur une voie détrempée, a dérapé et s’est accidentellement retrouvé dans une mare d’eau. Le véhicule ayant subi de nombreux dommages, le conducteur a donc fait une déclaration de sinistres à son assureur. Ce dernier a refusé de garantir l’accident, considérant que l’assuré avait fait une fausse déclaration quant aux circonstances l’ayant conduit à se retrouver dans la mare d’eau.
L’assuré a donc assigné la société d’assurance pour exécution du contrat les liant.
La cour d’appel a donné raison à l’assureur en considérant que le conducteur avait volontairement tenté de franchir le cours d’une rivière avec un véhicule non adapté à cet usage et avait ainsi commis une faute dolosive.
Ce dernier a alors formé un pourvoi en cassation reprochant d’une part aux juges du fond de ne pas avoir constaté qu’il avait commis une faute intentionnelle ou recherché les conséquences de l’accident et, d’autre part de ne pas avoir recherché s’il s’était laissé surprendre par le débordement du cours d’eau.
La Cour de cassation devait donc apporter une réponse quant au contrôle qu’elle exerce sur le choix des juges du fond d’avoir recours à la faute dolosive.
On rappellera que l’article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances dispose que « l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ». Si dans un premier temps la jurisprudence a distingué les notions de faute intentionnelle et faute dolosive (Civ. 1re, 8 oct. 1975 ; Civ. 1re, 6 déc. 1977), elle est rapidement revenue sur sa position et a assimilé la faute dolosive à la faute intentionnelle (Civ. 1re, 20 janv. 1981 ; Civ. 1re, 22 mars 1983 ; Civ. 1re, 17 déc. 1991 ; Civ. 1re, 3 mars 1993 ; Civ 2e, 23 sept. 2004).
Parallèlement, la nécessité de consacrer l’autonomie de la faute dolosive est apparue en doctrine (v. D. Noguéro). En effet, cette faute permet de sanctionner une faute délibérée sans pour autant qu’il y ait recherche du dommage, contrairement à la faute intentionnelle. Ainsi, de nombreux comportements (qui ne pouvaient être sanctionnés avant) ont pu l’être grâce au dol.
En l’espèce, la cour d’appel soulignait que le conducteur avait pris un risque, bien qu’il n’ait pas recherché les conséquences dommageables, et que, par ce risque, il avait faussé l’élément aléatoire attaché à la couverture du risque. La Cour de cassation semble consacrer cette autonomie de la faute dolosive puisqu’elle approuve la qualification de la cour d’appel et se refuse à tout contrôle d’opportunité.
Pour ce qui est du contrôle qu’effectue la Cour de cassation sur le recours par les juges du fond à la faute intentionnelle ou à la faute lourde, cette décision s’inscrit dans son courant jurisprudentiel. En effet, elle considère depuis 2000 que l’appréciation du caractère intentionnel ou dolosif de la faute relève du pouvoir souverain des juges du fond (Civ. 1re, 4 juill. 2000 ; solution confirmée par la suite : Civ. 3e, 9 janv. 2002, 2e esp. ; Civ. 3e, 9 janv. 2002, 1re esp.).
Cependant, on rappellera à travers ces décisions que la Cour de cassation a, tout de même, longtemps effectué un contrôle dissimulé, après avoir laissé le soin aux juges du fond de constater les faits d’espèce. En effet, la Haute Cour censurait les cours d’appel pour « manque de base légale » ou « violation de la loi », ou encore reprochait aux juges de n’avoir pas tiré les conséquences de leurs propres constatations. De même, elle a rejeté des pourvois pour « décision légalement justifiée », parce que les juges avaient « tranché à bon droit » ou avaient « exactement déduit la solution ». En effet, dans certaines décisions, la Cour de cassation avait directement relevé des éléments qui caractérisaient une faute intentionnelle et d’autres qui permettaient d’écarter cette qualification (Civ. 3e, 9 janv. 2002, préc. ; Civ. 1re, 27 mai 2003).
En l’espèce, la Cour de cassation ne procède qu’à un contrôle de la motivation des juges d’appel et consacre ainsi pleinement leur pouvoir souverain d’appréciation. Cet arrêt semble donc fixer définitivement la position de la Cour de cassation, ce qui a pour effet de mettre fin aux doutes émis par certains auteurs qui avaient cru un temps au retour d’un contrôle de la Cour sur la qualification de faute intentionnelle ou délictuelle (v. L. Grynbaum, à propos de Civ. 2e civ., 23 sept. 2004, préc.).
Civ. 2e, 12 sept. 2013, n°12-24.650
Références
■ Article L.113-1 Code des assurances
« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. »
■ Civ. 1re, 8 oct. 1975, n° 74-12.205, RGAT 1976. 191, note A. Besson.
■ Civ. 1re, 6 déc. 1977, RGAT 1978. 370, note A. Besson.
■ Civ. 1re, 20 janv. 1981, RGAT 1981. 377.
■ Civ. 1re, 22 mars 1983, n° 82-11.393, Bull. civ. I, n° 102.
■ Civ. 1re, 17 déc. 1991, RGAT 1992. 364, note J. Kullmann.
■ Civ. 1re, 3 mars 1993, RGAT 1993. 648, note Ph. Rémy.
■ Civ 2e, 23 sept. 2004, n° 03-14.389, RDI 2004. 517, note L. Grynbaum.
■ D. Noguéro, « Appréciation souveraine de la faute intentionnelle en assurance dommages, impliquant néanmoins la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu », à propos de Civ. 2e, 9 avr. 2009, Sté ACM Iard c/ SCI Axestev et a., n° 08-15.867, inédit, RDI 2009. 483.
■ Civ. 1re, 4 juill. 2000, pourvoi n° 98-10.744, Bull. civ. I, n° 203 ; D. Aff. 2001, Somm. 1614, obs. J. Bonnard ; JCP 2001. I. 303, nos 6-8, obs. J. Kullmann et I, 340, nos 30-31, obs. G. Viney ; RCA 2000, n° 348 et H. Groutel, « L'appréciation de l'aléa et de la faute intentionnelle dans le contrat d'assurance », chron. 24.
■ Civ. 3e, 9 janv. 2002, n° 00-14.002, Bull. civ. III, n° 1 ; JCP 2002. I. 116, n° 25, obs. J. Kullmann ; RCA 2002, n° 158, 2e esp., note H. Groutel.
■ Civ. 3e, 9 janv. 2002, n° 00-17.394, Bull. civ. III, n° 2 ; RCA 2002, n° 158, 1re esp., note H. Groutel.
■ Civ. 1re, 27 mai 2003, Bull. civ. I, n° 125 ; RGDA 2003. 464, note J. Kullmann ; RDI 2003. 438, et les obs.
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