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Droit du travail - relations individuelles
Du harcèlement sexuel de ses collègues en dehors du travail
Mots-clefs : Salarié, Harcèlement sexuel, Obligation de sécurité et de santé, Faute grave, Licenciement, Agissements en dehors du travail, Vie personnelle (non)
Ne relèvent pas de la vie personnelle et constituent une faute grave les attitudes déplacées ou propos à caractère sexuel d’un salarié tenus, même en dehors de son temps et lieu de travail, à l’égard de personnes avec lesquelles il se trouve en contact en raison de son emploi.
Au titre de l’obligation de sécurité de résultat en matière de santé et de sécurité du travailleur (art. L. 4121-1 C. trav.), l’employeur doit prendre toute mesure disciplinaire en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel (art. L. 1153-5 C. trav.), qui constituent une faute grave justifiant un licenciement (Soc. 5 mars 2002). En l’espèce, un superviseur d’une équipe de standardistes a été licencié pour faute grave pour harcèlement sexuel. L’homme avait :
– d’une part, tenu des propos à caractère sexuel, en dehors de son temps et lieu de travail à deux de ses collègues (envoi de messages électroniques, MSN, au cours de soirées) ;
– d’autre part, fait des réflexions déplacées à une salariée sur son physique et suivi une autre dans les toilettes.
Les juges du fond estimèrent que les premiers événements relevaient de sa vie privée et ne pouvaient constituer une faute dans l’exécution de son contrat de travail et, que les seconds étaient insuffisants à caractériser des agissements de harcèlement sexuel. Aussi, ils déclarèrent le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cette affaire soulève la difficulté à laquelle sont confrontés les juges de déterminer ce qui relève ou non d’un harcèlement sexuel (et plus globalement de la définition de cette notion), et notamment lorsque les faits se sont déroulés en dehors du temps et lieu de travail.
Pour le Code du travail (art. L. 1153-1) comme le Code pénal (art. 222-33), caractérisent un harcèlement sexuel les agissements ayant pour « but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle » (la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 ayant abrogé, dans l’art. 222-33 C. pén., les termes « en donnaient des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves » ainsi que la condition du rapport hiérarchique). Si le salarié victime dénonce librement (art. L. 1153-3 C ; trav.) et matérialise les faits (v. par ex. preuve apportée par SMS : Soc. 23 mai 2007), c’est au juge qu’il appartient d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement (mais ce dernier ne pourra ordonner la rupture du contrat de travail : Soc. 1er juill. 2009). Il incombera alors par la suite à la partie défenderesse d’apporter la preuve que « ces agissements ne se sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » (art. L. 1154-1 C. trav. ; Soc. 25 janv. 2011). La frontière entre simple séduction entre collègues et harcèlement sexuel peut être mince, la jurisprudence retenant les agissements tels que : les menaces verbales ou physiques, les insultes, propos ou gestes déplacés ou obscènes (Soc. 5 mars 2002, préc. ; Paris, 11e ch. B, 25 avr. 2011 : remarques sur le physique d’une salariée, attouchements et propositions à caractère sexuel ; Soc. 24 sept. 2008 : tentative d’un cadre d’embrasser contre son gré sur le lieu de travail une salariée, de l'emmener à son domicile en renouvelant des avances de nature sexuelle et l'appeler fréquemment, le tout provoquant des angoisses voire une dépression de la salariée).
En l’espèce, la Haute cour casse l’arrêt d’appel au visa des articles L. 1153-1, L. 1234-1, L.1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail et juge que « les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées du salarié à l’égard de personnes avec lesquelles l’intéressé était en contact en raison de son travail ne relevaient pas de sa vie personnelle ». Cette solution semble s’inscrire dans une définition large du harcèlement sexuel retenue tant par les juges (Soc. 24 sept. 2008, préc.) que par le législateur (qui a notamment supprimé toute référence au rapport hiérarchique) : le harcèlement d’un collègue même en dehors du travail pouvant avoir des conséquences dans les rapports professionnels entre les salariés et donc dans la bonne exécution de leurs missions contractuelles, il doit être sanctionné par l’employeur au même titre que des agissements constatés sur le lieu et dans le temps de travail.
Soc. 19 oct. 2011, n°09-72.672, FS-P+B
Références
■ J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, 26e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2012, n°828.
■ B. Py, M. Baldeck, « La définition du harcèlement sexuel est-elle satisfaisante ? », RDT 2011. 348.
■ Soc. 5 mars 2002, n°00-40.717.
■ Soc. 23 mai 2007, n° 06-43.209, RDT 2007. 530.
■ Soc. 1er juill. 2009, n°07-44.482.
■ Soc. 25 janv. 2011, n°09-42.766.
■ Soc. 24 sept. 2008, n°06-46.517.
■ Article 222-33 du Code pénal
« Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. »
■ Code du travail
« Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits. »
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés. »
« L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel. »
« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
« Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié. »
Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.
« Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire. »
« Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur. »
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