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Droit administratif général
Durée excessive de procédure
Mots-clefs : Procédure, Demande de sursis à exécution, Délai raisonnable, Préjudice moral, Lien de causalité
Dans un arrêt du 13 février 2012, le Conseil d’État condamne l’État à réparer le préjudice moral d’un étudiant en raison d’une durée excessive de procédure.
En application de l’article R. 232-33 du Code de l’éducation, un étudiant en odontologie a saisi, le 25 octobre 2006, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) d’une demande de sursis à exécution de la décision de la section disciplinaire du conseil d’administration de l’Université de Lyon I en date du 6 octobre 2006 le déclarant coupable d’avoir falsifié des documents dans le cadre de sa quatrième année d’études et prononçant son exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée de deux ans dont un an avec sursis. Or le CNESER a statué au fond sur l’appel formé par l’étudiant en rendant une décision le 24 septembre 2007 et le relaxant au bénéfice du doute mais n’a pas statué, entre-temps, sur sa demande de sursis à exécution dont il était saisi depuis le 25 octobre 2006. Selon le Conseil d’État, le délai de onze mois entre la date de demande de sursis à exécution et celle où cette demande est devenue sans objet en raison de la décision rendue au fond est un délai excessif.
Le principe général selon lequel les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable a été dégagé par l’Assemblée du Conseil d’État dans un arrêt Magiera en date du 28 juin 2002 : « Il résulte… des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives, que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable… que si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect. » Cet arrêt abandonne le critère de la faute lourde lorsque la demande de réparation est fondée sur le dépassement du délai raisonnable de jugement. Il convient de remarquer que la France avait été condamnée par la CEDH en raison de la lenteur de sa justice (v. par ex. : CEDH 24 oct. 1989, H… c. France ; CEDH 26 août 1994, Karakaya c. France ; CEDH 21 févr. 1997, Guillemin c. France ; CEDH 26 mars 2002, Lutz c. France).
Ainsi, en l’espèce, le droit à un délai raisonnable de jugement a été méconnu et le requérant est fondé à demander réparation à l’État du préjudice résultant de la durée excessive de la procédure. Les juges du Palais-Royal condamnent l’État à verser à l’étudiant la somme de 1 000 euros au titre de préjudice moral. En revanche sa demande de réparation concernant la perte de revenus liée au retard d’un an pris dans l’entrée de la vie active est rejetée car il n’a pas établi l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre le délai excessif de la procédure de sursis à exécution et les conséquences de cette perte de revenus.
CE 13 févr. 2012, M. A., req. n° 346549
Références
[Droit administratif]
« Mesure que peuvent prononcer les juridictions administratives pour retarder jusqu’à la décision au fond l’exécution d’un acte administratif attaqué devant elles, quand cette exécution aurait des conséquences difficilement réparables. Le Conseil d’État et les cours administratives d’appel peuvent sous la même condition ordonner en outre le sursis à l’exécution des jugements ou arrêts qui leur sont déférés lorsque certaines conditions sont remplies. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Article R. 232-33 du Code de l’éducation
« Les décisions rendues immédiatement exécutoires nonobstant appel par les sections disciplinaires en application de l'article 39 du décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur peuvent faire l'objet d'une demande de sursis à exécution devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire. »
■ CE, Ass., 28 juin 2002, Magiera, n° 239575, Lebon 248 ; AJDA 2002. 596, chron. F. Donnat et D. Casas ; D. 2003. 23, note V. Holderbach-Martin ; GACA, 3e éd., 2011, n° 5 ; RFDA 2002. 756, concl. F. Lamy ; ibid. 2003. 85, étude J. Andriantsimbazovina.
■ CEDH 24 oct. 1989, H… c. France, no 10073/82, RFDA 1990. 203, note O. Dugrip et F. Sudre.
■ CEDH 26 août 1994, Karakaya c. France, no 22800/93, Dr. adm. 1994, no 671.
■ CEDH 21 févr. 1997, Guillemin c. France, no 19632/92, AJDA 1997. 399, note R. Hostiou.
■ CEDH 26 mars 2002, Lutz c. France, n° 48215/99.
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