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[ 16 janvier 2018 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

E-Shopping encadré pour les produits de luxe

Mots-clefs : Renvoi préjudiciel, Concurrence, Ententes, Clause, Vente par internet, Franchise ; Site internet, Plate-forme, Proportionnalité, Non-discrimination, Vitrine électronique, Produits de luxe, Distribution sélective

La Cour de justice reconnaît la possibilité pour un fournisseur d’interdire à ses franchisés la vente de produits de luxe par l’intermédiaire de plates-formes identifiables pour le consommateur afin de préserver l’image de luxe des produits en cause, dès lors que cette obligation est non-discriminatoire et proportionnée. Cette dernière exigence est garantie si le distributeur peut lui-même avoir un site internet pour la vente en ligne ou accéder à des plates-formes tierces non visibles pour les consommateurs.

La distribution sélective porte en elle-même une atteinte à la concurrence en réduisant le nombre d’opérateurs économiques susceptibles de vendre un produit. Cependant il est admis depuis les années soixante-dix par la Cour de justice et la Commission européenne que cette forme de distribution a également des effets positifs pour le marché. Il est ainsi possible d’y recourir lorsque le produit le justifie. Les atteintes consenties à la concurrence sont alors contrôlées par le juge afin de déterminer si elles sont compatibles avec le droit des ententes. 

Le renvoi préjudiciel opéré par le juge allemand visait à déterminer cette compatibilité au regard de l’interdiction des ententes figurant à l’article 101, paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En l’occurrence, la société, Coty Germany vend des produits de luxe en Allemagne et encadre les conditions de la vente par internet de ses produits par ses franchisés. Si les franchisés peuvent vendre les produits à partir de leur propre vitrine électronique et également par l’intermédiaire de plates-formes tierces non agréées à la condition que l’intervention de ces plates-formes ne soit pas visible pour les consommateurs, cette possibilité est interdite pour les plates-formes qui opèrent de façon visible à l’égard des consommateurs, comme Amazon. Or un franchisé a vendu des produits par l’intermédiaire d’Amazon, violant l’interdiction faite.

La Cour de justice rappelle tout d’abord que la distribution sélective de produits de luxe n’est pas contraire au droit des ententes, visé à l’article 101, paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à la condition que le choix des revendeurs s’effectue à partir de critères objectifs de caractère qualitatif et non-discriminatoires et que les critères n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire. Cette jurisprudence est constante depuis l’arrêt Metro (CJCE 25 oct. 1977, Metro, n° 26/76). Elle a été reprise dans le cadre du règlement 330/2010 relatif aux accords de distribution. Pour les juges, le recours à la distribution sélective pour les produits de luxe se justifie par l’allure et l’image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe au-delà de leurs caractéristiques matérielles. Il faut en conséquence éviter l’atteinte à cette sensation de luxe. Dès lors la Cour ajoute que la clause contractuelle peut être licite dès lors qu’elle vise à préserver l’image de luxe des produits, qu’elle est appliquée à tous les opérateurs sans discrimination et qu’elle est proportionnée à l’objectif poursuivi. 

Pour la Cour, les différentes conditions sont réunies. Elle considère notamment que la clause est proportionnée, étant donné qu’il est difficile pour le franchiseur de faire respecter les conditions de revente imposées aux franchisés à des plates-formes visibles par le consommateur n’ayant aucun lien contractuel avec elles. Ainsi le franchiseur n’est pas en mesure de se retourner contre ces sites qui ne respecteraient pas les conditions et pourraient porter atteinte à l’image des produits. En revanche, la clause n’empêche pas la vente par internet auprès de sites dont il y a une maîtrise du respect des conditions. Or cette absence d’interdiction absolue est essentielle pour la Cour de justice par rapport à la condition de la proportionnalité.

Cependant la Cour précise que si le juge national conclut que la clause est illicite, celle-ci entrant alors dans le champ de l’article 101, paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, il pourra mobiliser le régime des exemptions et notamment le règlement n° 330/2010 précité. Pour la Cour, ce règlement permet de maintenir la clause étant donné que celle-ci ne conduit pas à une restriction caractérisée. En effet la clause n’introduit ni une restriction de clientèle ni une restriction de la vente passive, étant donné que la clause ne prohibe pas le recours à internet et n’empêche pas la publicité par l’intermédiaire de plates-formes tierces.

Ainsi la Cour est venue préciser un peu plus les conditions dans lesquelles la vente par internet était possible dans le cadre d’un contrat de franchise.

CJUE 6 décembre 2017, n° C-230/16

Références

■ Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Article 101, § 1

« 1. Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à:

 a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction,

 b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,

 c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement,

d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats. »

 

■ CJCE 25 oct. 1977Metro, n° 26/76.

 

 

Auteur :Vincent Bouhier

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