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Droit administratif général
Écoles publiques et sorties scolaires : exigence de neutralité des parents accompagnateurs
Mots-clefs : Règlement intérieur, Légalité, École élémentaire, Enseignement public, Laïcité, Neutralité, Parents d’élèves, Port de signes religieux, Sortie scolaires
Un Tribunal administratif décide de la légalité d’un règlement intérieur exigeant la neutralité des parents accompagnateurs dans leur tenue et leurs propos.
Le 22 novembre 2011, les juges du tribunal administratif de Montreuil ont rejeté la requête d’une mère d’élève qui avait demandé l’annulation d’une disposition du règlement intérieur d’une l’école élémentaire en Seine Saint-Denis imposant aux parents volontaires pour accompagner les sorties scolaires de respecter dans leurs tenue et propos la neutralité de l’école laïque. Cette décision semble être la première qui tranche le débat sur ce thème.
Afin de répondre à l’épineuse question de savoir si les parents accompagnateurs étaient soumis aux exigences de laïcité imposée aux différents personnels des écoles et aux élèves de l’enseignement public (v. art. L. 141-1 à L. 141-6 C. éduc. et ss. art. L. 141-5-1 C. éduc. Dalloz, la circulaire du 18 mai 2004, relative à la mise en œuvre de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics), les juges administratifs de première instance ont tout d’abord considéré que le règlement intérieur litigieux n’était pas dépourvu de base légale. En effet, il résulte des textes constitutionnels et législatifs (art. 10 DDH et art. 2 Const. 58) que le principe de liberté de conscience, celui de laïcité de l’État (dont le principe de laïcité de l’enseignement public est un des éléments) et celui de neutralité des services publics s’appliquent aux parents d’élèves accompagnateurs. Le principe de neutralité de l’école laïque ne permet pas à ces parents de manifester, lors de sorties scolaires, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques que ce soit dans leur tenue vestimentaire ou leurs propos.
Par ailleurs, la disposition du règlement intérieur contestée ne discrimine aucune confession. Elle ne traite pas différemment les parents d’élèves portant un voile et les autres. (v. art. 9 et 14 Conv. EDH, et art. 18 PIDCP). Les juges rappellent également que l’accompagnement des sorties scolaires n’est pas un droit pour les parents. Enfin, la requérante soutenait que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE, désormais intégrée au dispositif constitutionnel confié au Défenseur des droits créé par l'art. 71-1 Const. 58) affirme que « le refus de principe opposé aux mères d'élèves portant le foulard » de participer à des sorties scolaires est « contraire aux dispositions interdisant les discriminations fondées sur la religion » (HALDE, Délib. du 6 juin 2007). Le tribunal administratif considère que cette recommandation ne porte pas sur la disposition du règlement intérieur litigieux. Il ne peut s’appliquer au cas d’espèce.
Il convient de remarquer que le caractère éducatif de ces sorties comme la qualification par la jurisprudence administrative de l'accompagnateur bénévole de collaborateur occasionnel du service public imposent le respect du principe de neutralité. Restait à déterminer si le respect de ce principe interdisait formellement tout port de tenue ou de signe pouvant avoir une signification religieuse. Le Tribunal répond positivement. Il convient également de rappeler que le 3 mars 2011, lors d'une visite à Marseille, le ministre de l'Éducation nationale, Luc Chatel, s'était prononcé contre le port de signes religieux par des parents lors des sorties scolaires.
Le problème porte plus généralement sur la signification du port du foulard : religieuse, il doit être interdit au nom de la neutralité ; culturelle, il peut être toléré au nom du respect de la dignité de la personne.
TA Montreuil, 22 nov. 2011, Mme O., n°1012015
Références
[Droit public]
« Principe d’organisation et de fonctionnement des services de l’État et de toutes les autres personnes publiques, selon lequel l’État est non confessionnel. Toute une série de conséquences en sont tirées. Notamment, il ne doit favoriser ou défavoriser la propagation des croyances ou des règles de vie en société d’aucune religion, spécialement, s’accorde-t-on à penser, dans le cadre de l’enseignement primaire et secondaire.
Pour des raisons historiques, ce principe ne s’applique pas dans les départements d’Alsace-Lorraine avec un contenu aussi large qu’ailleurs. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Code de l’éducation
« Comme il est dit au treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, " la Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation et à la culture ; l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État " ».
Article L. 141-2
« Suivant les principes définis dans la Constitution, l'État assure aux enfants et adolescents dans les établissements publics d'enseignement la possibilité de recevoir un enseignement conforme à leurs aptitudes dans un égal respect de toutes les croyances.
L'État prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l'enseignement public la liberté des cultes et de l'instruction religieuse. »
Article L. 141-3
« Les écoles élémentaires publiques vaquent un jour par semaine en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s'ils le désirent, à leurs enfants l'instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires. »
« L'enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées. »
Article L. 141-4
« L'enseignement religieux ne peut être donné aux enfants inscrits dans les écoles publiques qu'en dehors des heures de classe. »
Article L. 141-5
« Dans les établissements du premier degré publics, l'enseignement est exclusivement confié à un personnel laïque. »
Article L. 141-5-1
« Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. »
Article L. 141-6
« Le service public de l'enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l'objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l'enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique. »
■ Article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
■ Constitution du 4 octobre 1958
« La langue de la République est le français.
L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L'hymne national est la Marseillaise.
La devise de la République est "Liberté, Égalité, Fraternité".
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »
« Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.
Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public ou d'un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d'office.
La loi organique définit les attributions et les modalités d'intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions.
Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.
Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement. »
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 9 - Liberté de pensée, de conscience et de religion
« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Article 14 - Interdiction de discrimination
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
■ Article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement.
2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix.
3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui.
4. Les États parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions. »
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