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Droit des successions et des libéralités
Effet de la renonciation à un héritage en cas de clause de retour conventionnel
Mots-clefs : Donation, Renonciation, Droit de retour
L’héritier renonçant à la succession est censé n’avoir jamais été héritier : il ne peut, par conséquent, faire obstacle au droit de retour conventionnel prévu dans un acte de donation faite au profit de son auteur prédécédé.
Une mère a donné à son fils des immeubles en 1983 et 1992. Ces donations comportaient expressément des clauses de retour. Ces clauses prévoyaient la résolution des donations en cas de décès sans postérité du donataire avant le donateur et donc le retour des biens dans son patrimoine d’origine.
En effet, parallèlement au principe d’irrévocabilité des donations (art. 894 C. civ.), le droit positif français permet d’insérer une clause de retour dans les donations en cas de prédécès du donataire. Conformément aux articles 951 et 952 du Code civil, il existe généralement trois cas d’ouverture du droit de retour (v. Droit patrimonial de la famille) :
– prédécès du donataire ;
– prédécès du donataire sans postérité ;
– prédécès du donataire et de ses descendants.
En l’espèce, la situation était un peu différente puisque les héritiers du donataire, décédé en 2007 et avant sa mère, avaient renoncé à la succession de leur père. La donatrice a donc saisi le tribunal de grande instance d’une requête visant à obtenir le retour des biens dans son patrimoine.
La cour d’appel a déclaré sa requête recevable mais l’a rejetée au motif que la condition à laquelle le droit de retour était subordonné ne s’est pas réalisée. Elle énonce que la renonciation des enfants du donataire à la succession n’a pas d’incidence sur la mise en œuvre du droit de retour prévu. La donatrice a alors formé un pourvoi fondé sur un moyen unique.
La question qui se posait à la Cour de cassation était de savoir si la renonciation des héritiers du donataire équivalait à un décès sans postérité.
La cour suprême casse l’arrêt sans renvoi au visa des articles 1183, 738-2, 805, 951 et 952 du Code civil, ensemble les articles 25, 31 et 125 du Code de procédure civile sur un moyen relevé d’office. Elle affirme que l’héritier renonçant est censé n’avoir jamais été héritier et qu’il en résulte qu’un descendant renonçant ne peut faire obstacle au droit de retour légal ou conventionnel d’une donation faite au profit de son auteur prédécédé. Autrement dit, la Cour de cassation admet que la condition s’est réalisée puisque le donataire ne laisse, en quelque sorte, aucune postérité pour lui succéder. Les biens doivent donc revenir dans le patrimoine de la donatrice.
Civ. 1re, 23 mai 2012, n° 11-14.104
Références
■ M. Grimaldi (dir.), Droit patrimonial de la famille 2011-2012, 4e éd., Dalloz coll. « Dalloz Action », 2011, n° 314.80 s.
[Droit civil]
« Contrat par lequel une personne (le donateur) transfère, immédiatement et irrévocablement, avec intention libérale, la propriété d’un bien, sa nue-propriété, ou l’un des autres droits réels principaux (usufruit) à une autre (le donataire) qui l’accepte sans contrepartie. »
[Droit civil]
« Droit en vertu duquel une chose, transmise à titre gratuit à une personne, retourne par voie successorale à celui qui l’avait transmise, ou à ses descendants.
Lorsque la donation prévoit, par une clause, le retour du bien au donateur, le retour est conventionnel; il est légal s’il résulte du seul effet de la loi (c’est un cas de succession anomale).
Un droit de retour légal existe au profit des ascendants, sur les biens que le défunt avait reçus d’eux par donation, lorsqu’il n’a pas de postérité; au profit des frères et sœurs du défunt, ou de leurs descendants, quand le défunt ne laisse ni descendants, ni père et mère; au profit de l’adoptant dans le cas où l’adopté décédé ne laisse ni descendants ni conjoint survivant.
L’effet du droit de retour est de résoudre les aliénations antérieures et de faire revenir les biens et droits donnés libres de toutes charges et hypothèques. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Code civil
« Lorsque les père et mère ou l'un d'eux survivent au défunt et que celui-ci n'a pas de postérité, ils peuvent dans tous les cas exercer un droit de retour, à concurrence des quote-parts fixées au premier alinéa de l'article 738, sur les biens que le défunt avait reçus d'eux par donation.
La valeur de la portion des biens soumise au droit de retour s'impute en priorité sur les droits successoraux des père et mère.
Lorsque le droit de retour ne peut s'exercer en nature, il s'exécute en valeur, dans la limite de l'actif successoral. »
« L'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier.
Sous réserve des dispositions de l'article 845, la part du renonçant échoit à ses représentants ; à défaut, elle accroît à ses cohéritiers ; s'il est seul, elle est dévolue au degré subséquent. »
« La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte. »
« Le donateur pourra stipuler le droit de retour des objets donnés soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants.
Ce droit ne pourra être stipulé qu'au profit du donateur seul. »
« L'effet du droit de retour est de résoudre toutes les aliénations des biens et des droits donnés, et de faire revenir ces biens et droits au donateur, libres de toutes charges et hypothèques, exceptée l'hypothèque légale des époux si les autres biens de l'époux donataire ne suffisent pas à l'accomplissement de ce retour et que la donation lui a été faite par le contrat de mariage dont résultent ces charges et hypothèques. »
« La condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé.
Elle ne suspend point l'exécution de l'obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu'il a reçu, dans le cas où l'événement prévu par la condition arrive. »
■ Code de procédure civile
« Le juge statue en matière gracieuse lorsqu'en l'absence de litige il est saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle. »
« L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
« Les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.
Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée. »
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