Actualité > À la une
À la une
Droit des obligations
Effet erga omnes de l'annulation d'une clause abusive à la suite d'un recours d'intérêt public
Mots-clefs : CJUE, Contrat, Clause abusive, Protection des consommateurs, Renvoi préjudiciel
La CJUE décide qu'un État membre peut prévoir qu'une clause contractuelle abusive, déclarée nulle à la suite d'un recours d'intérêt public dirigé contre un professionnel par une autorité de protection des consommateurs, ne lie aucun consommateur ayant conclu avec ce professionnel un contrat auquel s'appliquent les mêmes conditions générales.
Voilà un arrêt vivifiant pour la lutte contre les clauses abusives !
C'est un renvoi préjudiciel formé par une juridiction hongroise qui a donné à la CJUE l'occasion de se prononcer. En l'espèce, l'Office national hongrois de protection des consommateurs avait été saisi de nombreuses plaintes portant sur une clause introduite dans les conditions générales des contrats d'un opérateur de téléphonie. Ce dernier ayant refusé de modifier la clause litigieuse, l'Office a introduit un recours devant le tribunal départemental en vue de voir constater la nullité de ladite clause. Conformément aux prévisions de l'article 7, § 2 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre les consommateurs, cette autorité hongroise dispose de la faculté de demander aux tribunaux de déclarer la nullité d'une clause abusive figurant dans un contrat de consommation si l'utilisation d'une telle clause par un professionnel concerne un nombre conséquent de consommateurs ou cause un préjudice important. Dans ce cadre, le juge hongrois s'interroge sur la conformité à la directive de la législation hongroise qui prévoit que la déclaration de nullité d'une clause abusive prononcée par une juridiction, à la suite d'un recours d'utilité public tel que celui exercé en l'espèce, bénéficie à tout consommateur ayant conclu un contrat contenant pareille clause.
Après avoir rappelé que la directive ne vise pas à harmoniser les sanctions applicables lorsque le caractère abusif d'une clause a été reconnu dans le cadre de l'action en cessation prévue par l'article 7 de la directive, la Cour estime que ce texte oblige néanmoins les États membres à veiller à ce que des moyens adéquats et efficaces soient mis en place au niveau interne afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats avec les consommateurs.
Or la mise en œuvre effective de l'objectif dissuasif des actions en cessation exige que les clauses des conditions générales déclarées abusives dans le cadre d'une action en cessation dirigée contre le professionnel concerné ne lient ni les consommateurs qui sont parties à la procédure en cessation ni ceux qui ont conclu avec ce professionnel un contrat auquel s'appliquent les mêmes conditions générales.
La Cour en conclut que l'article 6, § 1, de la directive, lu en combinaison avec son article 7, § 1 et 2, ne s'oppose pas à ce que la constatation de nullité d'une clause abusive faisant partie des conditions générales des contrats de consommation dans le cadre d'une action en cessation intentée à l'encontre d'un professionnel dans l'intérêt public et au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la loi nationale, produise des effets à l'égard de tous les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s'appliquent les mêmes conditions générales, y compris à l'égard des consommateurs qui n'étaient pas parties à la procédure en cessation.
Elle ajoute que, lorsque le caractère abusif d'une clause a été reconnu dans le cadre d'une telle procédure, les juridictions nationales sont tenues, également dans le futur, d'en tirer d'office toutes les conséquences afin que ladite clause ne lie pas les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s'appliquent les mêmes conditions générales.
Le juge français devra tenir compte des solutions ainsi dégagées dans le cadre de l'application de l'article L. 421-6 du Code de la consommation, qui octroie aux associations agréées de défense des consommateurs le droit d'agir en suppression des clauses abusives présentes dans les contrats proposés aux consommateurs.
CJUE 26 avr. 2012, Invitel Távközlési Zrt, aff. C-472/10
Références
■ Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs
« 1. Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.
2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive du fait du choix du droit d’un pays tiers comme droit applicable au contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire des États membres. »
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.
3. Dans le respect de la législation nationale, les recours visés au paragraphe 2 peuvent être dirigés, séparément ou conjointement, contre plusieurs professionnels du même secteur économique ou leurs associations qui utilisent ou recommandent l’utilisation des mêmes clauses contractuelles générales, ou de clauses similaires. »
■ Article L. 421-6 du Code de la consommation
« Les associations mentionnées à l’article L.421-1 et les organismes justifiant de leur inscription sur la liste publiée au Journal officiel des Communautés européennes en application de l'article 4 de la directive 2009/22/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1er de la directive précitée.
Le juge peut à ce titre ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur. »
Autres À la une
-
Droit des biens
[ 22 novembre 2024 ]
Acte de notoriété acquisitive : office du juge quant à l’appréciation de la preuve de l’usucapion
-
Droit des obligations
[ 21 novembre 2024 ]
Appréciation de la date de connaissance d’un vice caché dans une chaîne de contrats
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 20 novembre 2024 ]
Chuuuuuut ! Droit de se taire pour les fonctionnaires poursuivis disciplinairement
-
Droit de la responsabilité civile
[ 19 novembre 2024 ]
Recours en contribution à la dette : recherche d’une faute de conduite de l’élève conducteur
-
Droit de la responsabilité civile
[ 18 novembre 2024 ]
L’autonomie du préjudice extrapatrimonial exceptionnel d’un proche d’une victime handicapée
- >> Toutes les actualités À la une