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Droit des obligations
Effets de la résolution d'une vente fondée sur la non-conformité de la chose et sur la garantie des vices
Mots-clefs : Chaîne de contrats, Sous-acquéreur, Action, Résolution, Indemnisation, Défaut de conformité, Vice caché, Action rédhibitoire, Condition, Effets
Dans une chaîne de contrats, l’action contractuelle directe permet au sous-acquéreur d’agir contre le constructeur de la chose en résolution de la vente sur le double fondement de l’obligation de délivrance conforme et de la garantie des vices cachés.
Aux termes d'un arrêt rendu le 22 mai 2012, la chambre commerciale de la Cour de cassation revient sur les effets de la résolution d'une vente suivie d’une revente fondée sur la non-conformité de la chose et sur la garantie des vices cachés. En l'espèce, le 15 janvier 2003, un homme vend, pour le prix de 121 960 euros, un bateau acquis en octobre 1997 auprès d'un constructeur. Ayant constaté la persistance d'entrées d'eau malgré plusieurs reprises de soudures sur la coque, effectuées entre mars et août 2003, l’acheteur a obtenu la désignation d'un expert judiciaire, puis assigné le vendeur et le constructeur en résolution de la vente pour défaut de conformité et vice caché de la chose vendue, ainsi qu’en paiement de dommages-intérêts. Par un arrêt du 3 décembre 2010, la cour d'appel de Rennes a condamné le constructeur à rembourser le prix initial du bateau au vendeur mais débouté ce dernier de sa demande en restitution du prix versé au vendeur. L'acheteur et le constructeur se sont pourvus en cassation. En vain.
L'occasion est ainsi donnée à la chambre commerciale de la Cour de cassation d'opérer plusieurs rappels.
Concernant le constructeur tout d’abord, il lui incombe de livrer une chose conforme aux obligations contractuelles prévues (art. 1604 C. civ.) ; pour faire échec à la demande de résolution du sous-acquéreur, le constructeur a tenté d’établir le silence du contrat sur l’épaisseur de la tôle utilisée pour la construction du bateau. Toutefois, la Cour constate l’inverse et conclut à la non-conformité de la chose livrée aux indications prévues dans le contrat.
Ensuite, l'existence d'un vice de construction, antérieur à la vente, non décelable par les acquéreurs au moment des ventes successives et affectant la destination normale du bateau, justifie la qualification, par les juges du fond, d’un vice caché rédhibitoire ouvrant droit à une action en résolution de la vente au profit de l’acheteur, et non à une simple diminution du prix (art. 1644 C. civ.). La chambre commerciale rappelle également le principe jurisprudentiel selon lequel lorsque l'acquéreur exerce l'action rédhibitoire prévue par l'article 1641 du Code civil, le vendeur, tenu de restituer le prix reçu, n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure résultant de cette utilisation ; en effet, en cas de résolution de la vente, celle-ci disparaît rétroactivement mais cette rétroactivité n’implique plus d’appliquer le droit commun des restitutions et indemnités, depuis une série d’arrêts du 21 mars 2006, isolant cette résolution du droit commun ; il y aurait donc lieu de se référer aux seuls textes spécifiques (art. 1645 et 1646 C. civ.) de sorte que l’acheteur ne doive rien pour l’usage ou l’usure de la chose qu’il a utilisée (Civ. 1re, 21 mars 2006) ; dès lors, la cour d'appel a ordonné à bon droit la restitution par le constructeur à l'acquéreur final du seul prix de vente perçu de son propre acquéreur.
Enfin, concernant l'acheteur, la Cour rappelle qu'en cas de résolution d'une vente, la restitution du prix perçu par le vendeur est la contrepartie de la chose remise par l'acquéreur et ainsi, seul celui auquel la chose est rendue doit restituer à celui-ci le prix qu'il en a reçu. Ainsi, en ayant fait droit à l'action contractuelle directe à l'encontre du constructeur, fondée sur la non-conformité de la chose et sur la garantie des vices cachés, la cour d'appel en a exactement déduit que seul le constructeur, auquel le bateau devait être remis, était tenu à la restitution du prix. En effet, si la recevabilité de l’action directe du sous-acquéreur ne pose pas, par principe, de difficultés — cette action directe étant admise depuis longtemps —, la question de l’objet de cette action s’est rapidement posée et après des hésitations, la jurisprudence a admis que le sous-acquéreur puisse poursuivre la résolution de la vente contre le vendeur originaire, mais il s’agit, en réalité, d’une résolution « contractée » des deux ventes successives ; par conséquent, le sous-acquéreur ne peut prétendre qu’au prix initialement perçu par le restituant et former sa demande en restitution du prix qu’auprès de lui (Com. 17 mai 1982 ; 3 févr. 1998).
Cette bataille navale et judiciaire aura donc été l’occasion d’une mise au point salutaire sur les effets de la résolution d’une chaîne de contrats.
Com. 22 mai 2012, n° 11-13.086
Références
[Droit civil/Procédure civile]
« Action en justice par laquelle l’acheteur demande la résolution de la vente en raison des vices cachés de la chose. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Civ. 1re, 21 mars 2006, n°03-16.075, n°03-16.307, n° 03-16.407.
■ Com. 17 mai 1982, Bull. civ. IV, n°182.
■ Com. 3 févr. 1998, Bull. civ. IV, n°61.
■ Code civil
« La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. »
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »
« Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts. »
« Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. »
« Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente. »
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