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Droit pénal général
Effets de l’état de faiblesse du testateur
Mots-clefs : Abus de faiblesse, Testament olographe, Légataire universel, Acte gravement préjudiciable, Acte de disposition post-mortem, Préjudice réparable
Constitue un acte gravement préjudiciable ouvrant droit à réparation, le fait pour une personne vulnérable de disposer de ses biens par testament en faveur d’une autre l’ayant conduite à cette disposition.
Une femme est accusée d’avoir frauduleusement abusé de la situation de faiblesse d’une personne en obtenant, entre autres gracieusetés, qu’elle rédige à son profit un testament olographe l’instituant légataire universelle.
À l’origine prévu à l’ancien article 313-4 du Code pénal inséré au sein des « Crimes et délits contre les biens » parmi les « infractions voisines de l’escroquerie », le délit d’abus de faiblesse avait vocation à protéger le patrimoine des personnes vulnérables contre les engagements patrimoniaux inconsidérés. Depuis la loi de lutte tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales n° 2001-504 du 12 juin 2001, ce délit est incriminé parmi les infractions contre les personnes à l’article 223-15-2 du Code pénal. Dès lors, les infractions d’abus de faiblesse n’ont plus pour objet de protéger le patrimoine des personnes vulnérables mais davantage la liberté de comportement des individus. En effet, la protection du patrimoine a été supplantée par la protection des personnes. Ce délit a connu une mutation quant à sa ratio legis, ne sanctionnant désormais les atteintes au patrimoine qu’à titre incident.
L’article 223-15-2 du Code pénal incrimine le fait de conduire une personne vulnérable à un « acte » ou une « abstention ». Il faut donc la réunion d’un élément matériel et d’un élément moral.
Le premier consiste à abuser de l’état de la victime en l’obligeant à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable. La condition de gravité doit servir à limiter le domaine d’application du texte aux comportements les plus graves : un acte ou une abstention qui serait simplement préjudiciable ne suffirait pas à constituer l’infraction.
Le second élément vise le caractère intentionnel de l’infraction, comme l’atteste l’emploi de l’adjectif « frauduleusement ». Conscient à la fois de la vulnérabilité de la victime et du caractère gravement préjudiciable de l’acte ou de l’abstention, l’auteur de l’infraction cherche sciemment à tirer avantage de la situation faiblesse.
Dans l’affaire rapportée, la question était de savoir si le fait pour une personne vulnérable de disposer de ses biens par testament en faveur d’une autre l’ayant conduite à cette disposition constituait un acte gravement préjudiciable pour le testateur ouvrant droit à réparation.
La jurisprudence a considéré à plusieurs reprises que le testament pouvait entrer dans le champ du délit d’abus de faiblesse (Crim. 15 nov. 2005), malgré l’exigence de préjudice en droit pénal. En effet, la Haute juridiction estime que ce délit n’implique pas la survenance effective d’un préjudice pour la victime (« si l'article 313-4 du Code pénal [à présent article 223-15-2 du même Code] prévoit que l'acte obtenu de la victime doit être de nature à lui causer un grave préjudice, il n'exige pas que cet acte soit valable, ni que le dommage se soit réalisé », Crim. 12 janv. 2000) et précise, qu'au sens de l’article 223-15-2 du Code pénal, « constitue un acte gravement préjudiciable pour une personne vulnérable, celui de disposer de ses biens par testament en faveur d'une personne l'ayant conduite à cette disposition » (Crim. 21 oct. 2008). Un partie de la doctrine a vivement critiqué cette solution, estimant que le testament ne peut provoquer le moindre préjudice pour son auteur puisqu’il ne prend effet qu’à son décès et qu’il est librement révocable (V. not., Malabat).
En l’espèce, si la cour d’appel reconnaît la situation de faiblesse de la victime due à ses déficiences physiques caractérisant un état de particulière vulnérabilité, elle considère néanmoins que « la désignation dans un testament d’un nouveau légataire universel dénuée de tout caractère irrévocable, est sans incidence sur la disponibilité du patrimoine de la testatrice de son vivant ». Les juges d’appel en concluent dès lors qu’un « tel acte de disposition post-mortem est insusceptible de lui être gravement préjudiciable ».
Sans surprise, l’arrêt est cassé par la chambre criminelle de le Cour de cassation conformément à sa jurisprudence antérieure, au visa des articles 223-15-2 du Code pénal et 1382 du Code civil. La Haute juridiction rappelle, dans un attendu de principe, que : « constitue un acte gravement préjudiciable ouvrant droit à réparation le fait pour une personne vulnérable de disposer de ses biens par testament en faveur de la personne l’ayant conduite à cette disposition ».
Crim. 16 déc. 2014, n°13-86.620
Références
■ Crim. 15 nov. 2005, n° 04-86.051, RSC 2006. 833, obs. Ottenhof.
■ Crim. 12 janv. 2000, n° 99-81.057, RSC 2000. 614, obs. Ottenhof.
■ Crim. 21 oct. 2008, n° 08-81.126, RSC 2009. 100, obs. Mayaud.
■ V. Malabat, Droit pénal spécial, 6e éd., Dalloz, coll. « HyperCours », 2013, p. 144, n°294.
■ Article 223-15-2 du Code pénal
« Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
Lorsque l'infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende. »
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
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