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Droit des biens
Élagage des arbres : on ne peut y obliger que son voisin !
L’action en élagage des arbres n’est pas applicable aux fonds séparés par une voie publique.
Un couple avait assigné le propriétaire d’un cèdre situé sur un terrain séparé par une voie publique, en élagage des branches venant surplomber leur jardin, ainsi qu’en paiement de dommages-intérêts sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
Le couple faisait grief au jugement rendu d’avoir rejeté leur demande, alors que, selon le moyen, la faculté, pour le propriétaire sur le fonds duquel avancent les branches d’un arbre appartenant au propriétaire du fonds voisin, de contraindre celui-ci à les élaguer ne dépend pas de l’importance de cette avancée qui n’a pas, sauf à rajouter une condition à la loi, à être significative.
Leur pourvoi est rejeté par la troisième chambre civile au motif que les dispositions de l’article 673 du Code civil, conférant au propriétaire du fonds, sur lequel s’étendent les branches d’un arbre implanté sur le fonds de son voisin, le droit imprescriptible de contraindre celui-ci à les couper, ne sont applicables qu’aux fonds contigus ; or ayant relevé que la parcelle des demandeurs ne jouxtait pas celle du propriétaire du cèdre, dont elle était séparée par une voie publique au-dessus de laquelle débordaient quelques branches du cèdre, le tribunal, qui a exactement retenu que ces branches, certes proches du mur de clôture du défendeur, ne pouvaient cependant pas être considérées, au sens de l’article 673 du code civil, comme avançant sur la propriété de ce dernier, a, par ces seuls motifs (…), légalement justifié sa décision. Et la Cour d’ajouter qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le grief relatif au trouble anormal de voisinage, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Le Code civil réglemente le cas des arbres situés en limite de fonds voisins, d’abord en imposant de respecter les distances prescrites par règlements ou par des usages constants et reconnus et, à défaut, en prévoyant une limite séparative (C. civ., art. 671), ensuite en conférant au voisin de celui dont les arbres sont plantés à une distance inférieure que celle légalement prévue le droit de demander à les faire arracher (C. civ., art. 672), enfin, en reconnaissant à celui sur la propriété duquel débordent les arbres de son voisin, même dans l’hypothèse où la distance légale serait respectée, le droit de contraindre celui-ci à les tailler (C. civ., art. 673), appelé droit d’élagage. Au cœur de la décision rapportée, ce droit d’élagage est particulièrement protecteur des intérêts du propriétaire envahi par les arbres du fonds voisin puisque le propriétaire d’un arbre, même planté à distance réglementaire, est responsable des dommages causés par les branches ou par les racines de ses arbres qui s’étendent sur les héritages voisins (Civ. 1re, 6 avr. 1965, n° 61-11.025). Surtout, la loi rend ce droit d’élagage imprescriptible (C. civ., art. 673, al. 3), et la jurisprudence maintient ce caractère même lorsque l’élagage demande à être exercé dans un espace boisé classé protégé (Civ. 27 avr. 2017, n° 16-13.953) ou que l’arbre litigieux a acquis, par une application de l’article 672 du Code civil, (prescription trentenaire) le droit d’être maintenu en place et en vie (Civ. 3e, 16 janv. 1991, n° 89-13.698). Enfin, le demandeur n’a pas besoin de démontrer un intérêt légitime à élaguer (Civ. 3e, 30 juin 2010, n° 09-16.257).
La force de la portée conférée à ce droit est néanmoins tempérée par la délimitation que les juges, l’article 673 ne le prévoyant pas expressément, ont opérée quant au champ d’application du texte qui le fonde (l’art. 673 ne le prévoyant pas expressément). Ce texte s'applique, comme le rappelle ici la Cour, aux fonds contigus, à l’exclusion des fonds séparés par un chemin privé ou commun, dès lors que les branches ou racines des arbres ne peuvent en principe, en cette hypothèse, causer de gêne au voisin (Civ. 3e, 2 févr. 1982, n° 81-12.532; Civ. 3e, 19 mai 2004, n° 03-10.077).
Enfin, cette décision permet de souligner que si l’action en élagage est autonome de l’action en abus du droit de propriété, l’article 673, qui instaure une mesure de prévention des dommages susceptibles de résulter du dépassement, sur une propriété voisine, des branches et des racines de l’arbre, étant à lui seul un fondement suffisant d’une action en élagage, par définition distincte de celle reposant sur celle d’un abus de droit, en revanche, l’action en élagage ne restreint pas le droit du propriétaire d’obtenir la réparation du trouble anormal du voisinage résultant de l’avancement des arbres sur son fonds mais à la condition, en l’espèce insatisfaite, de l’absence de séparation des fonds qui doivent également, pour rendre applicable la théorie des troubles anormaux du voisinage, être voisins (Civ. 3e, 30 mars 2017, n° 15-27.521).
Civ. 3e, 20 juin 2019, n° 18-12.278
Références
■ Civ. 1re, 6 avr. 1965, n° 61-11.025 P : D. 1965. 432
■ Civ. 27 avr. 2017, n° 16-13.953 P : D. 2017. 979 ; AJDI 2017. 698, obs. N. Le Rudulier ; RDI 2017. 428, obs. M. Revert
■ Civ. 3e, 16 janv. 1991, n° 89-13.698 P : D. 1991. 308, obs. A. Robert
■ Civ. 3e, 30 juin 2010, n° 09-16.257 P : D. 2011. 148, note G. Mémeteau ; ibid. 2298, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; AJDI 2011. 313, obs. S. Prigent
■ Civ. 3e, 2 févr. 1982, n° 81-12.532 P
■ Civ. 3e, 19 mai 2004, n° 03-10.077 P : D. 2004. 2408, obs. B. Mallet-Bricout ; RDI 2004. 374, obs. E. Gavin-Millan-Oosterlynck
■ Civ. 3e, 30 mars 2017, n° 15-27.521
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