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Droit des obligations
Encadrement dans le temps de la garantie des vices cachés
L’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai de prescription extinctive de vingt ans à compter du jour de la vente.
Civ. 3e, 8 déc. 2021, n° 20-21.439
En application des articles 1648, alinéa 1er, et 2232 du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir excéder un délai plafond de vingt ans à compter de la date de conclusion de la vente. Tel est le rappel auquel la Cour de cassation vient de procéder dans l’arrêt rapporté.
En l’espèce, le propriétaire d’une maison et d’un atelier, acquis le 13 octobre 2008, constate des infiltrations dans cet atelier et un affaissement de la charpente en bois de sa toiture. Sur la base d'un constat d'huissier, il assigne les vendeurs le 13 février 2015 en référé-expertise puis au fond, engageant le 16 mai 2016 une double action en paiement des travaux de réparation et en indemnisation de son préjudice de jouissance sur le fondement de la garantie des vices cachés. Les vendeurs lui opposent alors la prescription de son action.
La cour d’appel juge l’action prescrite sur le fondement du délai quinquennal de prescription de droit commun (C. civ., art. 2224), l’action ayant été engagée plus de cinq ans après la vente : l’action aurait dû être engagée avant le 14 octobre 2013 puisque la vente avait été conclue le 13 octobre 2008.
L’arrêt est cassé pour violation des articles 1648, alinéa 1er, 2224 et 2232 du code civil, au motif qu’ « 8.(i)l de jurisprudence constante qu'avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la garantie légale des vices cachés, qui ouvre droit à une action devant être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en œuvre à l'intérieur du délai de prescription extinctive de droit commun.
9. L'article 2224 du code civil, qui a réduit ce délai à cinq ans, en a également fixé le point de départ au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce qui annihile toute possibilité d'encadrement de l'action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l'article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice.
10. En conséquence, l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré, comme en principe pour toute action personnelle ou mobilière, que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit ».
De la combinaison des textes susvisés découlent trois règles rappelées par la Haute juridiction :
tout d’abord, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée par l'acquéreur dans les deux ans à compter de la découverte du vice ;
ensuite, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;
enfin, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.
Si la réforme intervenue en 2008 a précisé la durée de l’ancien « bref délai » en fixant sa durée à deux ans, elle a laissé inchangé son point de départ, situé à la découverte du vice. Simple à première vue, la règle selon laquelle l’action fondée sur les vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans les deux ans de la découverte du vice (C. civ., art. 1648) est en réalité complexe dans son application, comme en témoigne le présent arrêt, en ce qu’elle doit se conjuguer avec d’autres délais distincts dans leur durée et dans leur point de départ. D’une part, l’action en réclamation contre le vendeur se prescrit par cinq ans à compter de la livraison du bien par application de l’article 2224 du code civil ; l’acheteur qui ne découvre le vice qu’après ce premier délai applicable à son action perd donc son droit à garantie. D’autre part, ce délai de deux ans est également soumis au délai butoir de la prescription extinctive de droit commun instauré par l’article 2232 du code civil, aux termes duquel plus aucune action ne peut être exercée par l’acquéreur d’un bien vicié au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance de son droit. En effet, comme toute action personnelle ou mobilière, l'action en garantie des vices cachés est enfermée dans ce délai butoir et cette action découlant de la vente, son point de départ se situe donc au jour ayant fait naître le droit à garantie de l’acquéreur, c’est-à-dire au jour de la conclusion de la vente.
L'action en garantie des vices cachés doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans qui court à compter de la date de la vente (Civ. 3e, 1er oct. 2020, n° 19-16.986). La méconnaissance par la cour d’appel de ce double délai applicable au droit à la garantie des vices cachés reconnu à l’acheteur justifie la cassation de sa décision : pour être valablement jugée prescrite, il eût en effet fallu que l’action fût engagée plus de vingt ans après la conclusion du contrat de vente ayant donné naissance au droit à la garantie du demandeur au pourvoi.
Il est toutefois à noter que la solution ici rappelée ne s’applique qu’aux litiges nés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 car le délai butoir de la prescription extinctive instauré par cette loi n’est pas rétroactif (Civ. 3e, 1er oct. 2020, préc.).
Références :
■ Civ. 3e, 1er oct. 2020, n° 19-16.986 P: D. 2020. 2157, note P.-Y. Gautier ; ibid. 2154, avis P. Brun ; ibid. 2021. 186, point de vue L. Andreu ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki
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