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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Enfants « influenceurs » : la France se dote d'un cadre légal
La loi encadrant le travail des enfants influenceurs sur les plateformes de vidéos en ligne a été publiée le 20 octobre 2020 au Journal officiel.
■ Genèse de la loi
Le 17 décembre 2019, Bruno Studer, député du Bas-Rhin, a déposé à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à encadrer les vidéos d'enfants qui se développent, depuis plusieurs années, sur les plateformes de partage en ligne et à protéger ces derniers en proposant un cadre légal faisant prévaloir l’intérêt de l’enfant.
Cette proposition de loi a été étudiée en première lecture par l'Assemblée nationale et adoptée à l'unanimité par l'hémicycle au cours du mois de février 2020. Le texte a ensuite été transmis au Sénat. Les sénateurs ont alors apporté plusieurs modifications au texte initial. Puis, le 6 octobre 2020, le texte tel que modifié par les sénateurs a été adopté à l'unanimité en deuxième lecture par l'Assemblée nationale. Enfin, cette loi a été promulguée par le Président de la République le 19 octobre 2020, publiée au journal officiel du 20 octobre. Elle entrera en vigueur six mois après sa promulgation, soit le 20 avril 2021.
■ Contexte
Depuis plusieurs années, sont publiées, sur des plateformes en ligne telle que Youtube, des vidéos mettant en scène des enfants lors de différents moments de leur vie, notamment dans le cadre de leurs activités, de leurs loisirs ou en train de tester, déguster ou déballer divers produits, de dévoiler des scènes de la vie quotidienne, de réaliser des défis, ou des tutoriels. Ces vidéos sont scénarisées, montées et mises en ligne par les parents.
Elles rencontrent en France – comme à l’étranger – un succès croissant soulevant plusieurs questions notamment quant aux intérêts des enfants mis en scène. Bruno Studer, auteur de la proposition et rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, a soulevé l’impact que peut avoir la célébrité sur le développement psychologique des enfants, les risques de cyber-harcèlement, voire de pédopornographie. Ces activités n’étaient aucunement encadrées par le droit du travail, contrairement à celles exercées par les enfants du spectacle par exemple. Cette nouvelle loi a donc pour objet d'encadrer les vidéos d'enfants qui se développent sur les plateformes de partage en protégeant l'enfant, mais également sa vie privée en adaptant notamment le principe de l'autorisation préalable ainsi que le droit à l'effacement.
■ Création d’un régime de protection des enfants « influenceurs »
Désormais les enfants « influenceurs » de moins de seize ans dont l'activité est considérée comme un travail – c'est à dire qui exercent une prestation sous un lien de subordination et qui perçoivent une rémunération – bénéficient des règles protectrices du Code du travail, et notamment des articles L. 7124-1 et suivants du Code du travail.
Ainsi, avant de faire tourner leurs enfants ou de diffuser leurs vidéos, les parents doivent demander une autorisation individuelle ou un agrément auprès de l'administration, tel que le prévoit désormais l'article L. 7124-1 du Code du travail. Les parents sont donc informés des droits de l’enfant et sensibilisés sur les conséquences de l’exposition de l’image de leurs enfants sur internet.
Mais cette protection va plus loin que le simple encadrement de la relation de travail des enfants « influenceurs ». En effet, désormais lorsque l'activité ne relève pas d'une relation de travail, une protection est également prévue. Ainsi, au-delà de certains seuils de durée, de nombre de vidéos ou de revenus, une déclaration sur le modèle de celle visées par l'article L. 7124-1 du code du travail doit être faite (L. n° 2020-1266 du 19 oct. 2020, art. 3, III, IV).
Ce régime d'autorisation est particulièrement important, notamment au regard du principe d'interdiction du travail des enfants. En effet, l’article 32 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 précise que « les États parties reconnaissent le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social ».
Le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est à dire la prise en compte de la personne et du point de vue de l’enfant dans toutes les décisions qui peuvent le concerner, justifie cette interdiction de travail pour les enfants. C'est donc dans cette optique de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, et notamment au regard de l’interdiction du travail ce ces derniers que la réglementation de l’utilisation à des fins commerciales de l’image d’enfants de moins de seize ans a été créée.
Il convient de préciser également qu’en l'absence d'autorisation, d'agrément ou de déclaration, l'administration pourra saisir le juge des référés.
Ce régime garantit désormais que les conditions d’emploi de l’enfant, et de manière générale l’utilisation commerciale de son image, soient compatibles avec sa scolarisation et la sauvegarde de sa santé, notamment.
En outre, avec ce nouveau régime, si les représentants légaux peuvent disposer d’une partie de la rémunération, la majeure partie (le « pécule ») des revenus doit être versée à la Caisse des dépôts et des consignations qui en assure la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant. Il s’agit d’une nouvelle obligation financière pour les parents (L. n° 2020-1266 du 19 oct. 2020, art. 3, III, IV).
La création de ce régime complet de protection des enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, et plus précisément de l’exploitation commerciale de leur image est une véritable innovation tant en droit français que sur la scène européenne et internationale.
Désormais il convient d’attendre la mise en conformité des plateformes en ligne à ces nouvelles dispositions lors de l’entrée en vigueur de cette loi, soit le 20 avril 2021.
■ Droit à l'effacement
L'article 6 de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 dispose que le consentement des titulaires de l’autorité parentale n’est pas requis pour la mise en œuvre, par une personne mineure, du droit à l’effacement des données à caractère personnel prévu à l’article 51 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Ainsi, un mineur peut, sans le consentement des parents – ou autre dépositaire de l'autorité parentale – user de son droit à l'effacement des données à caractère personnel.
Créé par le règlement UE n° 2016/679 du 27 avril 2016, dit règlement général sur la protection des données (RGPD) et intégré dans la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, le droit d'effacement, aussi appelé « droit à l'oubli », permet à toute personne d'obtenir d'un responsable de traitement la suppression des données à caractère personnel qui la concerne.
La demande sera faite par la personne concernée, l'enfant directement, auprès du responsable de traitement de la plateforme en ligne. Ce droit à l'effacement peut être exercé directement sur place ou par le biais d'une communication, notamment électronique adressée à l'organisme.
La demande devra nécessairement préciser les données à supprimer, car l'exercice de ce droit n'entraîne pas la suppression de toutes les données détenues par le responsable de traitement.
Cet article se justifie au regard du contexte dans lequel évolue ces jeunes influenceurs. Pour une grande majorité d'entre eux, les parents gèrent – sans l'avis ou l'aval des enfants – la mise en scène, la production, le montage et la mise en ligne de ces vidéos. L'enfant n'ayant que peu sa place dans ce processus, il lui sera désormais possible d’exercer seul son droit à l'oubli et de prendre ainsi une part décisive – bien qu'à posteriori - dans le processus de mise en ligne et de diffusion de son image.
En conclusion, l’entrée en vigueur de cette loi vient de manière plus large assurer une protection du respect à la vie privée des enfants. En effet la surmédiatisation des enfants sur les plateformes en ligne par les parents peut porter une véritable atteinte au respect de leur vie privée tel que consacré par l’article 9 du Code civil, ainsi que par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Désormais la mise en place d’un accord préalable et d’un droit à l’effacement a posteriori vient consacrer cette protection du respect de la vie privée de l’enfant.
Références
■ Fiche d'orientation Dalloz : Droit à l'effacement des données à caractère personnel
■ Convention européenne des droits de l’homme
Art. 8. « Droit au respect de la vie privée et familiale. 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
« 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
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