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Droit des sociétés
Engagements souscrits par une société en garantie des obligations pesant sur un tiers : autorisation du conseil d’administration
Mots-clefs : Affaires, Sûretés, Garantie, Délégation de créance, Autorisation du conseil d’administration
Il résulte de l’article L. 225-35 du Code de commerce que seuls doivent faire l'objet d'une autorisation du conseil d'administration les engagements souscrits par la société en garantie des obligations pesant sur un tiers. Échappe donc aux prévisions de ce texte l’engagement contracté par une société déléguée dont les stipulations de la convention établissent qu’il ne constitue qu’un mode d’extinction de sa propre dette envers le délégant.
Il convient, avant d’analyser l’arrêt rapporté, de revenir sur les principales notions mises en exergues dans cette affaire que sont le nantissement et la délégation de créance. Tout d’abord, le nantissement de créances, s’analyse en une garantie puisque c’est une opération à trois personnes qui suppose qu'un débiteur (le constituant), apporte en garantie de sa dette une créance dont il est titulaire à l'égard d'un tiers. Ensuite, la délégation se définit comme l'opération juridique par laquelle un débiteur (le délégant), propose à son créancier (le délégataire), l'un de ses débiteurs (le délégué), qui consent à s'obliger personnellement envers le délégataire. La délégation peut avoir deux visages. Elle est dite « parfaite », lorsque selon la volonté expresse des parties (qui doivent clairement l’indiquer : v. Civ 3e, 5 juin 1970), elle produit un effet novatoire c'est-à-dire qu’elle éteint les dettes du délégant envers le délégataire et du délégué envers le déléguant. Seule la dette du délégué envers le délégataire est maintenue. À l’inverse, elle est dite « imparfaite », lorsqu’elle laisse subsister les engagements initiaux, en y ajoutant l’engagement du délégué envers le délégataire qui aura dès lors, deux débiteurs au lieu d’un seul. Par conséquent, la délégation de créance constitue une véritable garantie lorsqu’elle est imparfaite.
En outre, rappelons qu’en vertu de l’article L. 225-35 du Code de commerce, les cautions, avals et garanties donnés par les sociétés anonymes, autres que celles exploitant des établissements bancaires ou financiers (v. Com. 26 janv. 1993), sont des conventions réglementées, qui doivent à ce titre, être soumises à la procédure d’autorisation par le conseil d'administration ou de surveillance (C. com., art. L. 225-35, al. 4 et L. 225-68, al. 2), et ce préalablement à la convention (v. Com. 17 nov. 1992). Si cette autorisation fait défaut, elle ne peut être couverte par une confirmation expresse ou tacite (v. Com. 15 oct. 1991). En conséquence, la convention est inopposable à la société (v. Com. 8 déc. 1998) et le créancier ne peut se prévaloir de l’engagement de la société pour couvrir l’obligation du débiteur principal (v. Com. 15 janv. 2013, qui affirme pour la première fois qu’en l’absence d’autorisation préalable, l’engagement « ne peut faire peser sur la société aucune obligation »).
En l’espèce, deux sociétés de transport aérien de passagers ont conclu un contrat d’affrètement avec un voyagiste. Il a été conclu que l’une fournirait les avions et que l’autre recevrait l’intégralité du paiement relatif au contrat d’affrètement et qu’elle rétrocéderait ensuite sa part à la première société. Afin de faire face aux obligations résultant dudit contrat, la première société a dû ouvrir un crédit auprès d’une banque dont le remboursement était garanti au profit de la banque par un nantissement de dépôt consenti par la seconde société. Au surplus, cette dernière société toujours au profit de la banque (ci-après, délégataire), le délégué étant débiteur du délégant, a conclu une convention de délégation de créance par laquelle elle s’engage à payer les sommes dues au titre de l’ouverture de crédit. À la suite de la mise en liquidation du déléguant, le délégataire a déclaré la créance née du contrat de crédit et a réalisé le nantissement. Le délégué a assigné le délégataire en restitution de la somme perçue au motif que cette sûreté, n’ayant pas été autorisée par le conseil d’administration, n’était pas valable et lui est donc inopposable.
Dans cette affaire, toute la solution du litige repose sur la qualification donnée à la délégation : selon qu’elle est parfaite ou imparfaite en dépend la qualification de garantie, et donc de la nécessité ou non de recourir à l’autorisation du conseil d’administration.
Selon la cour d’appel, les transporteurs avaient chacun leurs obligations propres dans la convention d’affrètement et celles pesant sur le débiteur avaient simplement été garanties par l’autre société. Au surplus, la délégation de créance ayant été qualifiée d’imparfaite par les parties, les juges du fond l’ont analysé comme une garantie et donc comme une convention réglementée. Suivant ce raisonnement, le président-directeur général de la société garante n’avait pas le pouvoir de constituer une garantie sans la soumettre préalablement à l’autorisation du conseil d’administration. C’est pourquoi, les juges du fond ont donné raison au délégué et ont jugé que le nantissement lui était inopposable.
Il convient alors de se demander si le nantissement de compte de dépôt comportant une délégation de créance imparfaite, consenti auprès d’une banque par une société, en garantie des engagements d’une autre société, doit être soumis à l’autorisation préalable du conseil d’administration de la société garante.
La Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel au visa de l’article L. 225-35 du Code de commerce. Elle reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié si dans les stipulations de la convention de délégation de créance, le délégué ne s’était obligé envers le délégataire qu’à concurrence du montant qu’il devait au déléguant au titre du contrat d’affrètement de sorte qu’un tel engagement ne constituait à l’égard du délégataire « qu’un mode d’extinction [de la dette du délégué] envers le délégant ». Auquel cas, la délégation de créance aurait été parfaite et échapperait aux règles de l’article L. 225-35 du Code de commerce. Autrement dit, la Cour estime que si la délégation a été qualifiée d’imparfaite conventionnellement, cela ne suffit pas à affirmer que telle était l’intention des parties. Ainsi la cour d’appel aurait dû vérifier si l’engagement du délégué envers le délégataire n’était pas à hauteur du montant des créances que le premier devait au délégant pour éteindre sa propre dette, de sorte que, ledit engagement, n’étant pas une garantie, ne nécessitait donc pas l’autorisation préalable du conseil d’administration. En se déterminant comme elle l’a fait, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Com. 15 janv. 2013, n° 11-28.173
Références
■ Civ. 3e, 5 juin 1970, n° 68-13.454, D. 1970. 727.
■ Com. 26 janv. 1993, n° 91-11.704, Bull. Joly 1993. 569, note Delebecque ; D. 1995. Somm. 17, obs. Vasseur.
■ Com. 17 nov. 1992, n° 90-19.073, Bull. Joly 1993. 98, note Chaput.
■ Com. 15 oct. 1991, n° 89-19.969.
■ Com. 8 déc. 1998, n° 96-11.542, RJDA 1999, n° 303 ; Bull. Joly 1999. 535, note Le Cannu ; RTD com. 1999. 445, obs. Petit et Reinhard.
■ Com. 15 janv. 2013, n° 11-27.648.
■ Code de commerce
« Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur mise en œuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d'actionnaires et dans la limite de l'objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent.
Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du conseil d'administration qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.
Le conseil d'administration procède aux contrôles et vérifications qu'il juge opportuns. Le président ou le directeur général de la société est tenu de communiquer à chaque administrateur tous les documents et informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
Les cautions, avals et garanties donnés par des sociétés autres que celles exploitant des établissements bancaires ou financiers font l'objet d'une autorisation du conseil dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'État. Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles le dépassement de cette autorisation peut être opposé aux tiers. »
« Le conseil de surveillance exerce le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire.
Les statuts peuvent subordonner à l'autorisation préalable du conseil de surveillance la conclusion des opérations qu'ils énumèrent. Toutefois, la cession d'immeubles par nature, la cession totale ou partielle de participations, la constitution de sûretés, ainsi que les cautions, avals et garanties, sauf dans les sociétés exploitant un établissement bancaire ou financier, font l'objet d'une autorisation du conseil de surveillance dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État. Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles le dépassement de cette autorisation peut être opposé aux tiers.
A toute époque de l'année, le conseil de surveillance opère les vérifications et les contrôles qu'il juge opportuns et peut se faire communiquer les documents qu'il estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
Une fois par trimestre au moins le directoire présente un rapport au conseil de surveillance.
Après la clôture de chaque exercice et dans le délai fixé par décret en Conseil d'État, le directoire lui présente, aux fins de vérification et de contrôle, les documents visés au deuxième alinéa de l'article L. 225-100.
Le conseil de surveillance présente à l'assemblée générale prévue à l'article L. 225-100 ses observations sur le rapport du directoire ainsi que sur les comptes de l'exercice.
Dans les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, le président du conseil de surveillance rend compte, dans un rapport joint au rapport mentionné à l'alinéa précédent et aux articles L. 225-102, L. 225-102-1 et L. 233-26, de la composition du conseil et de l'application du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes en son sein, des conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil, ainsi que des procédures de contrôle interne et de gestion des risques mises en place par la société, en détaillant notamment celles de ces procédures qui sont relatives à l'élaboration et au traitement de l'information comptable et financière pour les comptes sociaux et, le cas échéant, pour les comptes consolidés.
Lorsqu'une société se réfère volontairement à un code de gouvernement d'entreprise élaboré par les organisations représentatives des entreprises, le rapport prévu au septième alinéa du présent article précise également les dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l'ont été. Se trouve de surcroît précisé le lieu où ce code peut être consulté. Si une société ne se réfère pas à un tel code de gouvernement d'entreprise, ce rapport indique les règles retenues en complément des exigences requises par la loi et explique les raisons pour lesquelles la société a décidé de n'appliquer aucune disposition de ce code de gouvernement d'entreprise.
Le rapport prévu au septième alinéa précise aussi les modalités particulières relatives à la participation des actionnaires à l'assemblée générale ou renvoie aux dispositions des statuts qui prévoient ces modalités.
Ce rapport présente en outre les principes et les règles arrêtés par le conseil de surveillance pour déterminer les rémunérations et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux et il mentionne la publication des informations prévues par l'article L. 225-100-3.
Le rapport prévu au septième alinéa du présent article est approuvé par le conseil de surveillance et est rendu public. »
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