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Droit des obligations
Erreur de la caution sur la cause de son engagement : comment la prouver ?
Mots-clefs : Cautionnement, Erreur, Cause, Nullité, Conditions, Preuve, Champ contractuel, Condition essentielle
La nullité du cautionnement pour erreur sur la cause ne peut être obtenue que si l’élément au sujet duquel elle s'est trompée, ayant déterminé son consentement, était ainsi entré dans le champ du contrat.
Une banque avait consenti un prêt immobilier à une SCI, ledit prêt ayant été garanti par le cautionnement solidaire du couple qui avait constitué la SCI à l’effet d’acquérir un immeuble et d’y réaliser des travaux. A la suite de plusieurs incidents de paiement, la banque avait prononcé la déchéance du terme puis assigné les cautions en paiement du solde du prêt.
La cour d’appel accueillit l’action en paiement engagée par la banque et rejeta la demande indemnitaire des cautions. Ces dernières formèrent un pourvoi en cassation, soutenant avoir commis une erreur sur la cause de leur engagement dans la mesure où elles auraient accepté de se porter caution en raison de la croyance erronée, qu’elles auraient eu, d’obtenir un crédit certes pour financer l’acquisition d’un immeuble mais, également, pour financer les travaux que celle-ci impliquait.
La Cour de cassation rejette leur pourvoi, les juges du fond ayant souverainement estimé que la banque ne s’était pas engagée à financer les travaux de rénovation de l’immeuble acquis par la SCI, de sorte qu’un tel financement n’avait pu entrer dans le champ contractuel du cautionnement litigieux et ainsi fonder une erreur sur la cause de celui-ci.
Le droit commun de la formation du contrat s'applique bien évidemment à la formation du cautionnement. Le cautionnement entaché d'erreur (C. civ., art. 1132), dol (C. civ., art. 1137), ou de violence (C. civ., art. 1140) est nul de nullité relative (C. civ., art. 1131). Cependant, l’erreur de la caution emporte rarement la nullité de son contrat. En effet, en pratique, pour justifier la nullité du cautionnement, l’erreur devrait porter, en transposition du droit commun, sur les qualités substantielles de la chose qui forme la matière de l'engagement. Or la substance de la chose, en matière de cautionnement, est difficile à caractériser, sauf à reconnaître que la caution puisse s’être trompée sur l'étendue de son engagement, par exemple sur le montant de la dette garantie, mais cela s’apparente plutôt à une erreur sur la valeur, en principe indifférente (C. civ., art. 1136). L’hypothèse envisageable, qui est celle de l’espèce, est celle d’une erreur commise par la caution sur l’objet de la créance à garantir. Ainsi, en l’espèce, les cautions soutenaient s’être trompées sur l’objet ou du moins l’emploi du prêt garanti, qu’elles pensaient viser non pas seulement l’acquisition de l’immeuble mais, aussi permettre le financement des travaux nécessaires, selon elles, à la viabilité de leur projet immobilier.
Mais comme en témoigne la décision rapportée, il s'agit davantage d'une erreur sur la cause que d’une erreur sur la substance. Elle emporte, quoiqu’il en soit, la nullité du contrat (C. civ., art. 1131 anc.). Au demeurant, ce type d'erreur est rare. Elle doit dans tous les cas pouvoir être prouvée. Or en l’espèce, ressortaient des éléments versés au débat que le prêt litigieux avait pour seul objet le financement de l’acquisition de l’immeuble indépendamment de tous travaux et qu’il n’y avait aucune preuve que la banque se soit d’une quelconque manière engagée à financer les travaux dans la maison. En outre, les statuts de la SCI mentionnaient que la société avait pour seul objet l’emprunt de tous fonds nécessaires à la réalisation du projet, et essentiellement, l’acquisition de l’immeuble, sans faire référence aux travaux. Il n’y avait donc ni absence de cause, ni fausse cause à l’engagement du couple de se porter caution, ni même une erreur ayant vicié leur consentement sur la viabilité de leur projet immobilier.
Quoi qu'il en soit, comme le souligne dans son attendu la Haute juridiction, la nullité du cautionnement peut être obtenue lorsque l'erreur porte sur un élément convenu entre les parties et érigé par la caution en condition essentielle, tel l'octroi ou le maintien d’un crédit, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, le prêt n’ayant pas été octroyé pour financer les travaux de l’immeuble mais seulement pour soutenir un projet d’acquisition immobilière (V. contra, Civ.1re, 11 févr. 1986, n° 84-11.117 : les cautions ne peuvent être déliées de leur obligation pour erreur sur la solvabilité du débiteur principal que si elles démontrent qu’elles avaient fait de cette circonstance la condition de cet engagement et Civ.1re, 1er juill. 1997, n° 95-12.163: l’erreur commise par la caution sur l’étendue des garanties fournies au créancier -rang d’une hypothèque- ayant déterminé son consentement constitue une cause de nullité de l’acte de cautionnement).
Civ. 1re, 6 septembre 2017, n° 16-15.331
Références
■ Civ.1re, 11 févr. 1986, n° 84-11.117 P : D. 1987. 446, obs. L. Aynès.
■ Civ.1re, 1er juill. 1997, n° 95-12.163 P : D. 1999. 181, note V. Brémond ; RTD civ. 1997. 970, obs. M. Bandrac.
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