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Droit des obligations
Erreur sur le prix : le refus de parfaire la vente n’est pas abusif
Mots-clefs : Immobilier, Vente, Offre d’achat, Projet de compromis, Prix, Erreur, Exploitation, Perfection de la vente (non), Pourparlers, Rupture, Abus (non)
L’erreur commise sur le prix de vente empêche la perfection de la vente et son exploitation par l’acquéreur exclut l’abus de la rupture des pourparlers par le vendeur.
En réponse à une annonce effectuée par le gérant de deux sociétés, un particulier avait, pour le compte de son fils, fait une offre d'achat d’une discothèque mise en vente, au prix total de 490 000 euros, se décomposant en un fonds de commerce pour 200 000 euros, les 290 000 euros subsistant représentant le prix des biens et droits immobiliers dans lesquels le fonds était exploité. Soutenant qu'un accord était intervenu entre les parties sur la chose et sur le prix, le fils de l’offrant avait assigné le vendeur en perfection de la vente et, à titre subsidiaire, en dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers.
En appel, sa demande fut rejetée au motif que par courriel, l’offrant avait confirmé son offre au prix de 290 000 euros pour les biens et droits immobiliers et qu'il n'avait à aucun moment été ensuite envisagé, contrairement à ce que soutenait l’offrant, un autre prix de vente du fonds en sorte qu’à défaut de pouvoir rapporter la preuve d’un projet de vente pour le montant allégué de 260 000 euros, la vente de celui-ci, à défaut d’accord sur le prix, ne pouvait plus intervenir en raison de l'indivisibilité existant avec celle des biens et droits immobiliers. La demande subsidiaire de l’offrant fut également rejetée, les juges du fond refusant de juger abusive la rupture des pourparlers, principalement parce que celle-ci avait été motivée par l’attitude de l’offrant, ce dernier s'étant emparé de l'erreur commise sur le prix en sa faveur dans le projet de vente du bien immobilier, et tentant de lui voir produire des effets en l'enregistrant très rapidement, en outre, les juges du fond ont rappelé que l’absence de transparence sur la personne même du ou des acquéreurs et sur leurs moyens de financement avait créé un doute à la fois sur l’identité de l’acheteur comme sur l’absence prétendue de recours à un prêt.
La Cour de cassation confirme cette analyse en rejetant le pourvoi. Selon elle, faute d’accord sur le prix, sur lequel une erreur avait été commise, la demande de perfection de la vente devait être rejetée, tout comme celle en indemnisation de la rupture des pourparlers, celle-ci, causée par la mauvaise foi de l’acquéreur, ne pouvant être considérée comme abusive.
En l’espèce, le « vendeur » avait donné son accord sur les termes de l'offre concernant le fonds et les « murs », en même temps qu’il s’occupait à la préparation d’un compromis de vente. De multiples échanges étaient intervenus entre lui et l’offrant, révélant rapidement des difficultés d’abord sur le principe même de la vente des murs, puis sur le prix de vente lui-même. Cependant, aucun compromis, encore appelé promesse synallagmatique de vente, laquelle vaut vente, n’avait été effectivement signé, que ce soit pour la vente du fonds de commerce ou pour celle de l'immeuble même si, effectivement, des projets avaient été élaborés puis transmis aux personnes intéressées ainsi qu’à leurs avocats respectifs. Le fils de l’offrant, en sa qualité d'acquéreur, après réception des projets de compromis, avait cependant fait savoir par l'intermédiaire de son père, en sa qualité de mandataire, qu'il acceptait la « nouvelle offre » prétendument proposée par le vendeur et qu'il confirmait
son acceptation ferme de l'offre de vente au prix de 260 000 euros pour l'immeuble et de
200 000 euros pour le fonds de commerce, stipulant que l'achat du fonds de commerce était subordonné à l'acquisition de l'immeuble. En conséquence, le fils de l’offrant, demandeur au pourvoi, considérait qu'il y avait ainsi eu accord sur la chose et sur le prix valant vente. L’argument ne pouvait logiquement convaincre les juges, un simple projet de compromis n'ayant, contrairement à un compromis abouti, aucune valeur contractuelle, et ne pouvait être davantage considéré comme une offre, contenant un engagement unilatéral de volonté, s'agissant justement d'un projet, dont la finalité est de définir précisément les modalités d'une vente, c'est-à-dire un support relatant l'état des pourparlers en cours, en vue de parvenir à un accord. Ainsi, à défaut d'existence d'une offre, le demandeur au pourvoi ne pouvait se prévaloir d'un quelconque effet juridique tiré de son courriel d'acceptation postérieur à celui marquant l’acceptation du bénéficiaire de la première offre d’achat du fonds et de l'immeuble au prix total de 490 000 euros. Or en application des dispositions de l'article 1583 du Code civil, la vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur dès lors que celles-ci ont convenu de la chose et du prix ; en l'espèce, l'accord sur la chose et sur le prix n'était pas établi puisque la vente concernant le fonds de commerce et l'immeuble d'exploitation était projetée au prix global de 490 000 euros, soit 200 000 euros pour le fonds et 290 000 euros pour l'immeuble et non pas 260 000 comme le demandeur le prétendait, se prévalant d'une erreur sur le prix figurant sur le projet de compromis de l'immeuble. Dans ces conditions, sa demande en perfection de la vente, à laquelle manquait un élément déterminant de sa qualification même, devait logiquement être rejetée. Celle tenant à l’octroi de dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers devait l’être également.
Rappelons tout d’abord que si par principe, la rupture des pourparlers est libre, cette liberté de principe ne vaut que sous la réserve de ne pas être abusive, l’abus se caractérisant par la réunion de circonstances de fait (brutalité de la rupture, négociations menées en parallèle, etc…) préjudiciables à la victime de la rupture des pourparlers et susceptibles, en conséquence, d’engager la responsabilité de son auteur (Com. 26 nov. 2003, Manoukian, n° 00-10.243).
Or en l’espèce, il ressortait de nombreux courriels échangés entre le gérant des sociétés venderesses et l’offrant, lequel disait intervenir soit pour le compte d’un de ses fils, soit pour celui d’un autre de ses enfants, que le premier avait répondu avec patience à de multiples et incessantes nouvelles demandes d’informations de l’offrant, lequel s’était en outre emparé de l'erreur commise sur le prix en sa faveur dans le projet de vente du bien immobilier, tentant de lui voir produire des effets en l'enregistrant et que malgré l'offre répétée de poursuivre les négociations sur la base du prix de 290 000 euros, il avait maintenu que l'envoi de son acceptation sur le prix de 260 000 euros devait produire effet ; or, la réunion de ces circonstances, révélant la mauvaise foi de l'acquéreur, à laquelle s'ajoutait l'absence de transparence sur la personne même du ou des acquéreurs et sur leurs moyens de financement, excluait l’abus de la rupture par le vendeur des pourparlers.
Civ. 3e, 15 juin 2017, n° 16-15.916
Référence
■ Com. 26 nov. 2003, Manoukian, n° 00-10.243 P, D. 2004. 869, note A.-S. Dupré-Dallemagne ; ibid. 2922, obs. E. Lamazerolles ; Rev. sociétés 2004. 325, note N. Mathey ; RTD civ. 2004. 80, obs. J. Mestre et B. Fages.
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