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Droit des obligations
Erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci
Mots-clefs : Crédit-bail, Erreur
À propos d’un contrat de crédit-bail, la Cour de cassation rappelle que l'erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci n'est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant, à moins qu'une stipulation expresse ne l'ait fait entrer dans le champ contractuel en l'érigeant en condition du contrat.
Une partie à un contrat peut-elle invoquer l’inutilité de ce dernier pour obtenir sa nullité ? En d’autres termes, l’erreur sur un motif du contrat est-elle une cause de nullité de la convention ?
La Cour de cassation se prononce une nouvelle fois sur cette question dans un arrêt rendu le 11 avril 2012 à propos d’un crédit-bail, figure contractuelle complexe qui constitue un mode de financement très usité pour l’acquisition de matériel à usage professionnel.
En l’espèce, une infirmière libérale avait souscrit plusieurs crédits-bails en vue d’acquérir des équipements médicaux. Au bout d’un an et demi d’exécution du contrat, la crédit-preneuse cesse de s’acquitter des loyers dus, amenant le crédit-bailleur à lui notifier la résiliation du contrat. La vente du matériel saisi par le créancier n’ayant pas suffi à le désintéresser, celui-ci a sollicité la délivrance d’injonctions de payer à l’encontre de sa débitrice, qui s’y est opposée en demandant l’annulation des contrats, sur le fondement d’une erreur substantielle. Cette demande ayant été écartée successivement par le tribunal de grande instance et la cour d’appel de Bordeaux, la crédit-preneuse forme un pourvoi en cassation.
Pour pouvoir entraîner la nullité, l’erreur doit porter sur la substance de la chose objet du contrat (art. 1110 C. civ.), c’est-à-dire sa matière, ou du moins sur l’une des qualités substantielles en considération desquelles les parties ont contracté : authenticité d’une œuvre ou aptitude de la chose à remplir l’usage auquel on la destine, telle que la constructibilité d’un terrain (v. R. Cabrillac). Or, comme l’avaient retenu les juges bordelais, la demanderesse au pourvoi n’invoquait aucune erreur sur les qualités substantielles des matériels loués, mais uniquement leur inadéquation à son activité d’infirmière en milieu rural. Autrement dit, les équipements étaient tout à fait aptes à remplir l’usage qu’avait eu en vue la crédit-preneuse, qui s’était en réalité méprise sur les besoins de son activité, c’est-à-dire sur des motifs extérieurs à l’objet du contrat.
Pour rejeter le pourvoi, la chambre commerciale de la Cour de cassation reprend un attendu devenu classique selon lequel « l'erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci n'est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant ». Une telle motivation avait déjà été retenue dans des affaires où une partie avait cru, à tort, pouvoir bénéficier d’avantages d’ordre fiscal (Civ. 1re, 13 févr. 2001 ; Civ. 3e, 24 avr. 2003).
L’impératif de sécurité juridique commande que la validité du contrat ne puisse être affectée par l’erreur sur les motifs, portant sur les raisons personnelles qui ont poussé chacune des parties à contracter. En outre, et l’espèce rapportée l’illustre bien, il serait fort inéquitable de faire supporter par le cocontractant le risque de la mauvaise appréciation par une partie de l’opportunité du contrat. Enfin, comme la Cour de cassation le rappelle ici, les parties ont toujours la possibilité de faire entrer un motif dans le champ contractuel en l’érigeant en condition du contrat : mais il ne suffit pas alors que le cocontractant ait eu connaissance du motif déterminant, la Haute cour exigeant une stipulation expresse en ce sens (Com. 30 mai 2006, ; v. déjà Civ. 1re, 13 févr. 2001, Civ. 3e, 24 avr. 2003, préc.).
Com. 11 avr. 2012, no 11-15.429
Références
■ R. Cabrillac, Droit des obligations, 9e éd., Dalloz, 2010, no 59.
[Droit commercial]
« Technique contractuelle moderne (d’origine américaine où elle porte le nom de leasing) de crédit à moyen terme, par laquelle une entreprise dite de crédit-bail acquiert, sur la demande d’un client, la propriété de biens d’équipement mobiliers ou immobiliers à usage professionnel, en vue de les donner en location à ce client pour une durée déterminée et en contrepartie de redevances ou loyers. À l’issue de la période fixée, le locataire jouit d’une option. Il peut : soit restituer le bien à la société financière, soit demander le renouvellement du contrat, soit acquérir le bien pour un prix qui tient compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers.
Conçu à l’origine pour les biens d’équipement mobiliers, le crédit-bail peut s’appliquer à l’acquisition ou à la construction d’immeubles à usage professionnel. Dans tous les cas, les prestations habituelles de crédit-bail ne peuvent être proposées que par des entreprises agréées en qualité d’établissement de crédit. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
« L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »
■ Civ. 1re, 13 févr. 2001, no 98-15.092, Bull. civ. I, no 31 ; JCP 2001. I. 330, no 5 s., obs. Rochfeld ; Defrénois 2002. 476, note Robine ; RTD civ. 2001. 352, obs. Mestre et Fages.
■ Civ. 3e, 24 avr. 2003, no 01-17.458, D. 2004. 450, note Chassagnard ; JCP 2003. II. 10135, note Wintgen ; Dr. et patr. sept. 2003, p. 116, obs. Chauvel ; LPA 4 juin 2004, note D. Martin ; RDC 2003. 42, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2003. 699, obs. Mestre et Fages.
■ Com. 30 mai 2006, no 04-15.356, CCC 2006, no 224, note Leveneur.
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