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Droit pénal spécial
Escroquerie : prise de fausse qualité de salarié non-protégé
Mots-clefs : Escroquerie, Fausse qualité, Salarié protégé
L’abstention, par un salarié, d’informer l’employeur de la protection dont il bénéficie, au regard du droit du licenciement, au titre d’un mandat extérieur, ne peut constituer l’usage d’une fausse qualité au sens de l’article 313-1 du Code pénal.
Si en matière d’escroquerie, tout mensonge n'est pas répréhensible, l’emploi d’une fausse qualité est suffisant à lui seul. Reste que le terme « qualité » ne correspond à aucune définition juridique bien déterminée et qu’en l’absence de définition légale, il faut se référer à la jurisprudence, laquelle a adopté une conception relativement extensive estimant que toute particularité, tout avantage de nature à inspirer confiance entre dans les prévisions du texte (V. M. Véron).
L’arrêt du 14 avril 2015 apporte une nouvelle précision sur ce point.
En l’espèce, le directeur des ressources humaines d’une société, licencié pour motif économique en août 2009, avait saisi le conseil de prud’hommes en demandant, notamment, l’octroi d’indemnités pour méconnaissance par l’employeur de son statut de salarié protégé résultant de son élection en décembre 2008 en qualité de conseiller prud’homme. La société, qui soutenait ignorer cette élection, a porté plainte et s’est constituée partie civile du chef de tentative d’escroquerie au jugement. Une ordonnance de non-lieu a été rendue à l’issue de l’information, confirmée par la chambre de l'instruction.
Son pourvoi est rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation qui s'en remet pour l'essentiel à l'appréciation souveraine des juges du fond tout en énonçant que «l’abstention, par un salarié, d’informer l’employeur de la protection dont il bénéficie, au regard du droit du licenciement, au titre d’un mandat extérieur, ne peut constituer l’usage d’une fausse qualité au sens de l’article 313-1 du code pénal ».
La première partie de l’affirmation est classique. Les moyens de fraude supposent un acte positif de la part de l'auteur. La simple réticence n'est pas constitutive de l'escroquerie. En l’espèce, le fait, pour un salarié, de ne pas informer son employeur, de sa qualité de salarié protégé ne constitue pas un acte positif.
S’agissant de la prise de fausse qualité de salarié non-protégé, la Cour de cassation, estime qu’elle n’entre pas dans les prévisions des dispositions réprimant l’escroquerie. Le statut de salarié non-protégé ne saurait donc constituer une qualité susceptible de constituer un élément de l’escroquerie. Une telle solution est conforme au respect du principe l'interprétation stricte.
On rappellera que dans le cadre des relations de travail, la jurisprudence admet en revanche que l'usage de la fausse qualité de travailleur privé d'emploi est une escroquerie (V. pour un exemple récent : Crim. 8 avr. 1999), tout comme le fait de se dire faussement salarié constitue une prise de fausse qualité dont l'usage est une des modalités du délit d'escroquerie (Crim. 10 avr. 1997).
Crim. 14 avr. 2015, n°14-81.188
Références
■ Code pénal
« L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.
L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. »
■ M. Véron, Droit pénal spécial, 14e éd., Sirey, 2012, p. 214.
■ Crim. 8 avr. 1999, n° 98-81.505, RDSS 2000. 470, obs. M. Badel, I. Daugareilh, R. Lafore et C. Willmann.
■ Crim. 10 avr. 1997, n° 96-82.336, RTD com. 1998. 214, note B. Bouloc.
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