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Libertés fondamentales - droits de l'homme
État d’urgence et fermeture d’une mosquée
Mots-clefs : État d’urgence, Salle de prière, Mosquée, Fermeture d’un lieu de culte, Arrêté préfectoral, Référé liberté, Appel à la haine, Appel à la violence, Religion
La fermeture d’une salle de prière dans laquelle sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ne porte pas une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale.
En l’espèce, le préfet des Yvelines a, par arrêté du 2 novembre 2016, ordonné la fermeture provisoire d’une salle de prière « dite mosquée d’Ecquevilly » sur le fondement de l’état d’urgence en raison des propos qui y étaient tenus. L’association islamique qui assure la gestion de cette salle a alors demandé au juge du référé-liberté du tribunal administratif de Versailles de suspendre l’arrêté préfectoral afin que cette salle de prière puisse continuer à fonctionner. Cette demande ayant été rejetée, l’association a fait appel devant le juge des référés du Conseil d’État qui a confirmé l’ordonnance du juge du référé-liberté du tribunal administratif.
En vertu de l’article 8 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, le préfet peut ordonner la fermeture provisoire « des lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes ».
Les personnes concernées peuvent alors saisir le juge du référé-liberté afin de demander, sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, la suspension d’une telle mesure. Il lui appartient alors de s’assurer, comme le rappelle de Conseil d’État en l’espèce, « en l’état de l’instruction devant lui, que l’autorité administrative, opérant la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public, n’a pas porté d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, que ce soit dans son appréciation de la menace que constitue le lieu de réunion, compte tenu de la situation ayant conduit à la déclaration de l’état d’urgence, ou dans la détermination des modalités de la fermeture. »
La première ordonnance relative à la fermeture d’une mosquée dans laquelle le Conseil d’État a été amené à se prononcer depuis l’instauration de l’état d’urgence en 2015 concerne une décision du 25 février 2016 (n° 397153), rendue moins d’une semaine après la décision QPC du Conseil Constitutionnel (19 févr. 2016, Ligue des droits de l’homme, n° 2016-535 QPC) dans laquelle a été déclarée conforme à la Constitution l’article 8 de la loi du 3 avril 1955 précité. En effet, ces dispositions «opèrent une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le droit d'expression collective des idées et des opinions et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ».
Pour prendre sa décision concernant la mosquée Ecquevilly, le préfet s’est notamment fondé sur le fait que dans les circonstances de l’état d’urgence caractérisé par une menace terroriste d’une ampleur exceptionnelle, le salle de prière litigieuse attirait de nombreuses personnes parcourant notamment de grandes distances afin de pouvoir écouter des prêches empreints d’appels « à la discrimination, la haine ou la violence envers les femmes et à l’encontre d’autres confessions », lieu représentant un risque grave d’atteinte pour la sécurité et l’ordre publics.
Dans cette affaire, le juge des référés du Conseil d’État considère que la fermeture de la salle de prière n’est pas constitutive d’une atteinte à la liberté de culte en raison de la possibilité pour les fidèles de se rendre dans trois autres lieux de culte distants de moins de cinq kilomètres de celui fermé; ceux qui la fréquentaient assistent désormais au culte dans des villes proches.
Par ailleurs, il n’existe pas non plus en l’espèce d’atteinte au droit de propriété. En effet, « si une atteinte au droit de propriété pourrait être regardée comme une violation d’une liberté fondamentale, les droits que l’association exerçait sur la salle fermée en vertu d’une convention d’occupation du domaine public précaire et révocable, dont la suspension a été prononcée, n’a pu créer une telle atteinte. »
Enfin, le principe d’égalité n’a pas été méconnu. Le fait d’invoquer que d’autres lieux de culte salafistes soient restés ouverts, alors que le lieu litigieux a été fermé ne peut être recevable ; l’arrêté de fermeture n’étant nullement motivé par le rite pratiqué mais uniquement par la nature des propos tenus. De plus, une mesure de police n’est pas illégale au seul motif que d’autres du même type auraient du être prises.
L’association requérante estimait également que de nombreux propos ont été sortis de leur contexte. Elle prenait notamment pour exemple le fait qu’il existait une erreur de traduction au sujet de la violence des maris envers leurs femmes. Ainsi, l’imam n’avait pas appelé les maris à battre leurs femmes mais seulement à les « tapoter »….
Il s’ensuit que « les exhortations à des comportements violents, sectaires ou illégaux, alors même qu’ils n’induiraient aucune incitation à la pratique d’actes de terrorisme ou de participation à des combats d’organisation terroristes sur leurs théâtres d’opération, motifs qui n’ont pas été retenus par l’arrêté préfectoral, constituent, dans les circonstances de l’espèce des motifs tels que c’est sans erreur d’appréciation que le préfet a pu décider de faire usage des pouvoirs qu’il tient de l’article 8 de la loi du 3 avril 1955 afin de fermer un « lieu de culte au sein duquel sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence » ».
CE, réf., 6 décembre 2016, n° 405476
Références
■ CE, réf., 25 févr. 2016, n° 397153, AJDA 2016. 408 ; ibid. 1303, note C. Alonso ; AJCT 2016. 552, étude C. Alonso.
■ Cons. const. 19 févr. 2016, Ligue des droits de l’homme, n° 2016-535 QPC, AJDA 2016. 340 ; D. 2016. 429, et les obs. ; AJCT 2016. 202, étude J.-C. Jobart ; Constitutions 2016. 100, chron. L. Domingo.
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