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État d’urgence : prorogation de l’application et modifications de la loi du 3 avril 1955
Mots-clefs : État d’urgence, Prorogation, Perquisition, Assignation à résidence, Ministre de l’intérieur
La loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions a été publiée au Journal officiel du 21 novembre après avoir été adoptée en un temps record, à la suite de l’engagement de la procédure accélérée, le 19 novembre par l’Assemblée nationale et le 20 novembre par le Sénat.
Sur 557 suffrages exprimés, 551 députés ont voté pour la loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions, 6 contre et un s’est abstenu. Concernant le Sénat, en application de l’article 60 du Règlement du Sénat, le Président de cette assemblée, a demandé à ce que le vote sur l’ensemble du projet de loi ait lieu par scrutin public. C’est la quatrième fois depuis le début de la Ve République qu’un Président du Sénat fait usage de cette possibilité. Ce texte a définitivement été adopté par les sénateurs à l’unanimité des suffrages exprimés par 336 voix pour et 0 voix contre.
La loi du 20 novembre 2015 a deux objectifs distincts. Elle proroge l’état d’urgence mais elle modifie également et de façon non négligeables la loi du 3 avril 1955
- La prorogation de l’état d’urgence est décidée pour une durée de trois mois à compter du 26 novembre 2015 (état d’urgence auquel il peut être mis fin par décret en Conseil des ministres avant l’expiration de ce délai). Il concerne le territoire métropolitain, la Corse, le territoire des collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin (sont exclues les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles de Wallis et Futuna, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie et les terres australes et antarctiques françaises). Ainsi, pour la première fois, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 avril 1955, l’état d’urgence a été simultanément déclaré sur l’ensemble du territoire métropolitain et la majeure partie des collectivités ultra-marines.
- Les modifications essentielles de la loi de 1955 :
■ Information des assemblées. L’Assemblée nationale et le Sénat bénéficient maintenant d’un droit à l’information sans délai concernant les mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Les députés et les sénateurs peuvent demander toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.
■ Assignation à résidence. Ce pouvoir de police spécial et exclusif du ministre de l’intérieur est renforcé. La loi du 20 novembre 2015 modifie l’article 6 de la loi de 1955 en précisant que la mesure d’assignation à résidence peut être prise à l’égard d’une personne pour laquelle « il existe de sérieuses raisons de croire que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Sont également précisées les conditions de l’assignation à résidence s’agissant des escortes par les services de police ou de gendarmerie, des règles de présentations périodiques (pointages) à ces services, de la remise des documents d’identité à l’administration, de l’obligation de demeurer dans des lieux d’habitation déterminés par le ministre de l’intérieur pendant une plage horaire donnée, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures, de l’interdiction de se trouver en relation directement ou indirectement avec des personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour l’ordre et la sécurité publics, du placement sous surveillance électronique mobile. Ces nouvelles dispositions s’inspirent des mesures du Code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile, applicables aux étrangers en situation irrégulière ne pouvant faire l’objet d’un éloignement ou aux étrangers condamnées pour des faits de terrorisme mais ne pouvant faire l’objet d’une mesure d’expulsion. Enfin, la contestation de la mesure d’assignation à résidence ne fait plus l’objet d’un recours particulier à la commission consultative, mais d’un recours devant la juridiction administrative de droit commun.
■ Dissolution d’associations ou de groupements de fait portant atteinte à l’ordre public (L. n° 55-385 du 3 avr. 1955, art. 6-1). La loi du 20 novembre 2015 crée un nouvel article permettant ces dissolutions. Il est maintenant possible de prononcer en Conseil des ministres la dissolution des associations ou groupements de fait qui participent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent. Ces dissolutions sont définitives, même après la levée de l’état d’urgence.
■ Perquisitions administratives (L. n° 55-385 du 3 avr. 1955, art. 11). Avant les modifications issues de la loi du 20 novembre 2015, les dispositions de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 précisaient uniquement que les autorités administratives compétentes ont la possibilité d’ordonner « des perquisitions à domicile de jour et de nuit ». Il est notamment maintenant indiqué que les perquisitions ne peuvent être effectuées que « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Par ailleurs, les modifications élargissent à tous les types de lieux, et pas seulement aux locaux à usage d’habitation, les facultés d’ordonner des perquisitions. Toutefois, aucune perquisition administrative ne peut viser les locaux affectés à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, magistrats ou journalistes. Enfin, le procureur de la République doit être informé de toute décision de perquisition, qui doit se dérouler en présence d’un officier de police judiciaire. Lorsqu’une infraction est constatée, l’officier de police judiciaire doit dresser un procès-verbal, procéder à toute saisie utile et informer sans délai le procureur de la République.
■ La suppression du contrôle de la presse, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales. Ces contrôles (dont il n’a jamais été fait application) ont été remplacés par un dispositif permettant au ministre de l’intérieur de prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie.
La loi du 20 novembre 2015 n’a pas fait l’objet d’une saisine a priori du Conseil constitutionnel.
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