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[ 31 octobre 2014 ] Imprimer

Procédure pénale

Étendue de la présomption d’innocence

Mots-clefs : Présomption d’innocence, Procès équitable, Ordonnance de classement, Procédure d’exécution fiscale

Le principe du respect de la présomption d’innocence doit être observé au cours de la procédure judiciaire mais également après le procès, tel que l’illustrent deux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme en octobre 2014.

L’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH), relatif au droit à un procès équitable, prévoit en son § 2 que « toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ». 

Si la présomption d’innocence protège toute personne renvoyée en jugement jusqu’au prononcé de la condamnation, le domaine de la présomption s’étend avant et après le procès de la personne. Ainsi le suspect doit bénéficier de cette présomption préalablement au procès (CEDH 10 fév. 1995, Allenet de Ribemont c/ France) tout comme l’individu qui n’a pas été condamné et qui engage, après son procès, une procédure en réparation contre l’État du fait de sa détention provisoire (CEDH 11 févr. 2003, O. c/ Norvège ; CEDH 13 janv. 2005, Capeau c/ Belgique). Au sortir du procès, le juge ne saurait entretenir un doute relatif à la culpabilité de la personne poursuivie si la décision n’a pas tranché en ce sens.

Dans la première des décisions ici rapportées, une procédure pénale avait été engagée, par le procureur général du canton de Genève, à l’encontre d’un curé soupçonné d’abus sexuels. Dans son ordonnance de clôture, le procureur avait classé l’affaire, relevant que le requérant avait commis, sur deux personnes, des actes d’abus de détresse, mais les faits remontant à 1991 et 1992, l’action pénale était prescrite. À la suite de la publication de cette ordonnance, l’intéressé saisit la Chambre d’accusation genevoise afin qu’elle prononce un non-lieu ou renvoie la cause au procureur pour qu’il rédige une nouvelle décision de classement en se limitant à constater que les faits dénoncés étaient prescrits. La Chambre d’accusation déclara son action irrecevable et son recours devant le Tribunal fédéral fut rejeté.

C’est pourquoi, le requérant introduisit un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. Ce dernier estimait que l’ordonnance du magistrat mettait en doute son innocence alors même qu’il n’avait pas été déclaré coupable, et cela en violation du principe de la présomption d’innocence. La Cour a suivi cette argumentation et conclut que la motivation de l’ordonnance de classement a méconnu le principe en violation de l’article 6 § 2 de la Conv. EDH (CEDH 28 oct. 2014, Peltereau-Villeneuve c/Suisse).

Le respect de la présomption d’innocence, dans le cadre du procès, s’impose après que la décision pénale soit rendue et tient les autres juridictions amenées à trancher sur la même affaire. De cette manière, une juridiction civile ne peut évoquer la culpabilité d’un individu alors même que les poursuites pénales engagées à l’encontre de celui-ci ont été suspendues (CEDH 28 août 2012, Fazli Diri c/ Turquie).

Ainsi, dans une décision rendue le 23 octobre 2014, la CEDH a eu l’occasion de rappeler qu’un acquittement au pénal doit être pris en compte dans toutes les procédures ultérieures, que celles-ci soient pénales ou non. En l’espèce, une procédure d’exécution fiscale avait été engagée à l’encontre de celle qui était considérée comme gérante de fait d’une société. Cette procédure avait été poursuivie malgré l’acquittement de l’intéressée au pénal pour abus de confiance fiscal, l’administration considérant comme établi un élément qui avait été jugé non prouvé par les juridictions pénales.

En méconnaissant l’acquittement pénal, la Cour relève que l’administration fiscale et les juridictions administratives saisies avaient jeté un doute sur son bien-fondé, ce qui est incompatible avec le respect du principe de la présomption d’innocence (CEDH 23 oct. 2014, Melo Tadeu c/ Portugal).

CEDH 28 oct. 2014, Peltereau-Villeneuve c/Suisse, n°60101/09

CEDH 23 oct. 2014, Melo Tadeu c/ Portugal, n°27785/10

Références

 CEDH 10 fév. 1995, Allenet de Ribemont c/ France, n°15175/89.

 CEDH 11 févr. 2003, O. c/ Norvège, n°29327/95.

 CEDH 13 janv. 2005, Capeau c/ Belgique, n°42914/98.

 CEDH 28 août 2012, Fazli Diri c/ Turquie, n° 4062/07, Dalloz actualité 24 sept. 2012.

 Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 

3. Tout accusé a droit notamment à : 

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; 

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; 

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; 

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

 

Auteur :O. A.

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