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Droit des personnes
Être ou paraître : la nécessaire irréversibilité du changement de sexe
Mots-clefs : Changement de sexe, Transsexualisme, Rectification de l’état civil, Preuve
Par deux arrêts du 13 février 2013, la première chambre civile vient entériner sa jurisprudence en matière d’admission du « syndrome transsexuel » et rappelle les conditions d’ouverture du droit à rectification de la mention du sexe sur l’acte de naissance.
Sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 25 mars 1992, B. c. France), il est en effet de jurisprudence constante depuis 1992 (Ass. plén. 11 déc. 1992) que le principe d’indisponibilité de l’état des personnes ne fait pas obstacle à la modification du sexe sur l’état civil.
En l’espèce, les requérants des deux espèces sollicitaient de la Haute Cour qu’elle reconnaisse l’existence de leur syndrome de Benjamin (ou transsexualisme) et en tire toutes les conséquences en autorisant la mise en conformité de leurs réalités sociologique et administrative.
La Cour rejette les deux pourvois arguant que « pour justifier d’une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence » (1re espèce, pourvoi n°11-14.515 ; v. déjà : Civ. 1re, 7 juin 2012).
Confirmant les décisions des juridictions de première instance et d’appel, la Cour précise que ces deux conditions cumulatives imposées pour la rectification de l’état civil « ne constituent pas des conditions discriminatoires ou portant atteinte aux principes posés par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 et 16-1 du code civil, dès lors qu'elles se fondent sur un juste équilibre entre les impératifs de sécurité juridique et d'indisponibilité de l'état des personnes d'une part, de protection de la vie privée et de respect dû au corps humain d'autre part ».
Ainsi, la Cour juge que ne suffisent pas à démontrer ni l’existence et la persistance du syndrome, ni l'irréversibilité du processus de changement de sexe :
– le fait que la personne « appartenait au sexe féminin aux yeux des tiers » (1re espèce, pourvoi n°11-14.515) ;
– ou l’établissement d’un certificat médical d’un médecin, établi sur papier à entête d’un autre médecin, indiquant que le patient est suivi pour une dysphorie de genre et est sous traitement hormonal féminisant depuis plusieurs années (2e espèce, pourvoi n°12-11.949).
Cette position de la première chambre civile ne saurait surprendre, celle-ci s’inscrivant dans la veine des arrêts rendus en juin 2012 rappelant que les juges du fond ont toute latitude pour apprécier la portée des documents qui leur sont transmis et conclure, ou non, au caractère irréversible du changement de sexe (Civ. 1re, 7 juin 2012, préc.).
Ainsi, bien que la Cour européenne des droits de l’homme veille à ce que les critères ouvrant droit à la modification ne soient pas trop restrictifs (CEDH 25 mars 1992, préc.) et à ce que les garanties découlant de ce droit soient mises en œuvre (CEDH 11 juill. 2002, Goodwin c. Royaume-Uni ), la première chambre civile rappelle par ces arrêts le caractère impératif de la preuve de l’irréversibilité du changement de sexe afin que soit modifié l’état civil.
Civ.1re, 13 février 2013, FS-P+B+I, n°11-14.515
Civ.1re, 13 février 2013, FS-P+B+I, n°12-11.949
Références
■ CEDH 25 mars 1992, B. c. France, req. n° 13343/87 ; RTD civ. 1992. 540, obs. J. Hauser ; D. 1993. 101, note J.-P. Marguénaud.
■ Ass. plén. 11 déc. 1992, n°91-11.900 et n°91-12.373 ; RTD civ. 1993. 97, obs. J. Hauser.
■ Civ. 1re, 7 juin 2012, n°10-26.947 et n°11-22.490, Dalloz Actu Étudiant 13 sept. 2012 ; RTD civ. 2012. 502, obs. J. Hauser.
■ CEDH 11 juill. 2002, Goodwin c. Royaume-Uni, requête no 28957/95 ; D. 2003. 525, obs. C. Bîrsan.
■ Code civil
« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. »
« Chacun a droit au respect de son corps.
Le corps humain est inviolable.
Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. »
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Article 14 - Interdiction de discrimination
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
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