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[ 18 septembre 2012 ] Imprimer

Droit administratif général

Étude annuelle du Conseil d’État : « Les agences : une nouvelle gestion publique ? »

Mots-clefs : Conseil d’État, Section du rapport et des études, Étude, Agence, Autorité administrative indépendante, Opérateur, Gestion publique, Mise en œuvre d’une politique publique

Cette année, la section du rapport et des études du Conseil d’État consacre son étude annuelle aux agences. Elle en propose notamment une définition afin de mieux comprendre leur place et leur rôle au sein de l’État.

Moyen supplémentaire à disposition de l’État pour améliorer la mise en œuvre d’une politique publique déterminée, une agence est créée soit par une loi soit par un décret. Ce mode de gestion existe depuis le xxie siècle (la première agence est l’Office du travail, créée par le Décr. 21 août 1891) mais s’est réellement développé au début du xix(avec notamment Pôle emploi, créé par la loi n° 2008-126 du 13 févr. 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi ; Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, ou Acsé, créé par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances…). Le Conseil d’État en comptabilise aujourd’hui 103.

■ Distinctions

Afin d’essayer de définir la notion d’agence, la section du rapport et des études a tout d’abord opéré une distinction entre les agences et les autorités administratives indépendantes (AAI) puis entre les agences et les opérateurs de l’État. 

Les AAI et les agences sont toutes deux des alternatives au schéma administratif classique. Pour compliquer les notions, il est possible qu’une AAI soit dénommée « agence »… Il en est ainsi par exemple de l’Agence nationale de lutte contre le dopage. Leur distinction repose sur leur relation avec le pouvoir central. Ainsi, l’étude du Conseil d’État définit les agences comme étant autonomes par rapport au pouvoir central (nomination et révocation des membres par l’administration centrale ; autonomie dans la mise en œuvre des politiques publiques mais instructions reçues de l’État ; contrôle financier) et les AAI étant quant à elles totalement indépendantes (irrévocabilité de leurs membres ; indépendance totale vis-à-vis des pouvoirs publics ; absence de contrôle financier).

Les opérateurs (universités, musées, parcs nationaux…) n’exercent pas, selon le Conseil d’État, une « responsabilité transversale et structurante dans leur domaine d’intervention ». L’opérateur est « duplicable », l’agence, unique en son domaine d’intervention, est « l’opérateur exclusif ou dominant dans la mise en œuvre d’une politique publique nationale». La distinction entre l’agence et l’opérateur peut alors reposer sur le caractère national, unique et structurant de la mission. Comme dans de très nombreux principes juridiques, il existe des exceptions au principe d’unicité de l’agence. En effet, les agences régionales de santé ou les agences de l’eau, sont chacune responsables dans une partie du territoire déterminé afin de mettre en œuvre la politique de l’État mais ne sont pas de simples opérateurs fournissant un service…

■ Définition

Après avoir essayé de déterminer ce que n’était pas une agence, le Conseil d’État ébauche une définition selon laquelle l’agence est « un organisme autonome, exerçant une responsabilité structurante dans la mise en œuvre d’une politique nationale ».

Le Conseil d’État n’a pas eu recours à la notion de statut juridique pour élaborer sa définition car celui-ci varie selon les agences. En effet si le statut d’établissement public administratif (EPA) est le plus souvent utilisé, les agences peuvent également prendre la forme d’établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), de groupements d’intérêt public (GIP), d’associations, de sociétés…. 

Ainsi, une agence autonome dans son fonctionnement reçoit ses instructions du pouvoir central même si elle assure librement la mise en œuvre opérationnelle d’une politique publique. Elle assure donc un rôle structurant dans cette mise en œuvre car elle structure le domaine dans lequel l’État lui a délégué une intervention spécifique, et y joue un rôle dominant.

■ Typologie

L’étude du Conseil d’État propose ensuite une typologie des agences. Elle dénombre 7 grandes familles de missions : 

–  les agences de production et de prestation de service (Pôle emploi : accompagnement des demandeurs d’emploi, Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) : prestations de formation, Agence France Trésor : placement sur les marchés des titres de la dette de l’État…) ;

–  les agences de police et de contrôle (Office national des forêtsAgence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé…) ;

–  les agences d’expertise (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail…) ;

–  les agences de financement (Agence française de développementAgence nationale pour la rénovation urbaine…) ;

–  les agences de mutualisation de moyens humains et matériels (Réunion des musées nationauxService des achats de l’État…) ;

–  les agences d’animation de réseaux (Agence nationale des services à la personne…) ;

–  les agences avec un objet mixte (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomieCentre national du cinéma : financement et animation de différents réseaux partenaires).

Selon l’étude du Conseil d’État, les domaines du sanitaire et social, de l’environnement et de l’intervention économique sont les secteurs qui ont le plus souvent recours aux agences. 

■ Bilan

Enfin, l’étude opère un bilan avantages/inconvénients des agences. 
Parmi les avantages, on peut noter un renforcement des moyens, de fortes compétences professionnelles, une importante capacité à recruter et mobiliser des experts, une meilleure implication des parties concernées issues du milieu professionnel au sein duquel l’agence est implantée et également une confiance souvent plus importante en une agence qu’en l’État lui-même. 
En revanche, la création d’une agence résulte le plus souvent d’évènements circonstanciels plutôt que d’une réflexion approfondie permettant une réponse rapide à des difficultés plus ou moins nouvelles (v. par exemple la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie à la suite de la canicule d’août 2003). 
Les agences peuvent également être utilisées pour contourner des contraintes imposées à l’État. En effet, le législateur peut décider par exemple de règles de recrutement et de rémunération différentes de celles applicable aux agents publics. L’Administration centrale peut rencontrer certaines difficultés quant à la coordination et le pilotage de multiples agences. 

Ainsi, le Conseil d’État propose notamment que le gouvernement définisse des règles directrices afin de recourir de façon appropriée aux agences, quatre critères sont proposés : l’efficience, l’expertise, le partenariat, l’impact.

Références

■ A. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, Sirey, 6e éd., 2011.

■ Texte de l’étude annuelle du Conseil d’État (2012) « Les agences : une nouvelle gestion publique ?» : http://www.conseil-etat.fr/media/document/resume-ea2012.pdf

■ Récapitulatif des mesures proposées par l’étude annuelle du Conseil d’État (2012) : http://www.conseil-etat.fr/media/document/recap-propositions-etude-annuelle-2012.pdf

■ Loi n° 2008-126 du 13 févr. 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.

■ Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.

 

Auteur :C. G.


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