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Droit des obligations
Évanescente substance…
Mots-clefs : Contrat, Vente, Consentement, Vice, Erreur, Qualité substantielle, Nullité (non)
La question de l’erreur sur la substance est devenue en jurisprudence d’une telle subtilité que l’on éprouve bien des difficultés à en saisir la cohérence, si ce n’est qu’ici comme ailleurs la Cour de cassation s’évertue à préserver la stabilité contractuelle...
Un amateur d’art fait, à l’occasion d’une vente aux enchères, l’acquisition d’une table d’époque Louis XVI dont le catalogue précisait qu’elle avait été l’objet de restaurations. Puis, le propriétaire de ce meuble d’art découvre qu’en réalité la table a été transformée. Il agit alors en nullité pour erreur sur la substance, en soutenant, en substance, que cette transformation qu’il ignorait avait provoqué une erreur de sa part sur l’authenticité du bien, laquelle avait déterminé son consentement. Après un arrêt rendu par la Cour de cassation qui avait accédé à la demande de l’acquéreur et avait annulé la vente, la cour d’appel de renvoi, en revanche, a décidé que l’acquéreur n’apportait pas la preuve que l’intégrité matérielle de la table d’art et sa conservation dans son état d’origine avaient constitué une qualité essentielle ayant déterminé son consentement. La Cour de cassation a, en se retranchant derrière le pouvoir souverain des juges du fond, rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt au motif que les juges du fond ont estimé que l’acquéreur n’avait acquis le meuble litigieux qu’en considération de sa paternité artistique et de sa provenance.
On sait que la notion de substance s’est au fil du temps dématérialisée. Jadis, comprise comme la matière même du bien, objet du contrat, la substance a été subjectivisée par la Cour de cassation. D’abord, elle a été appréhendée comme la représentation psychologique de la chose par l’errans ; d’immuable et invariable, la substance est devenue la qualité essentielle recherchée par le contractant qui se plaint ensuite qu’elle n’existe point en réalité. Puis, progressivement, la qualité substantielle, essentielle est devenue celle qui avait déterminé le consentement de l’errans. Enfin, la qualité substantielle est devenue la qualité contractuellement convenue, celle qui a été intégrée dans le champ contractuel.
Conséquence de cette dématérialisation de la notion de substance, l’erreur dont elle constitue l’objet est difficile à rapporter pour un contractant. Alors même qu’il s’est trompé sur une qualité substantielle pour tout un chacun, une qualité substantielle « commune » pourrait-on dire, l’errans ne pourra obtenir la nullité du contrat que s’il démontre que cette qualité était bien « pour lui » substantielle, que s’il apporte la preuve qu’il a consenti en contemplation de cette qualité que la chose ne possédait pas, en réalité. La protection de la victime d’une telle erreur s’en trouve fatalement fragilisée. En l’espèce, alors qu’il avait la conviction que la table d’art dont il avait fait l’acquisition avait conservé son authenticité, puisqu’elle n’avait officiellement subi que quelques restaurations, la révélation postérieure d’une transformation affectant nécessairement cette authenticité ne suffit pas à établir l’erreur et à provoquer la nullité de la vente. Il eût fallu, pour qu’elle devienne une qualité substantielle, que l’intégrité matérielle de cette table soit entrée dans le champ contractuel, en clair que l’acquéreur ait précisé dans l’acte qu’elle était déterminante de son consentement.
Civ. 1re, 20 oct. 2011, pourvoi n°10-25.980
Références
■ Y. Lequette, Fr. Terré, P. Simler, Droit civil, Les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, n°215 s.
■ Erreur
[Droit civil]
« Appréciation inexacte portant sur l’existence ou les qualités d’un fait, ou sur l’existence ou l’interprétation d’une règle de droit.
Alors que l’erreur de fait peut, si elle est grave, entraîner la nullité de l’acte, l’erreur de droit n’est généralement pas prise en considération. »
[Droit civil]
« Caractéristique d’une chose objet d’un contrat, qui a été prise en considération par les parties contractantes, de telle sorte qu’en l’absence de cet élément, l’accord de volonté n’aurait pu se réaliser.
L’erreur sur une qualité substantielle est sanctionnée par la nullité du contrat. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Article 1110 du Code civil
« L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »
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