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Droit de la responsabilité civile
Exception pour risque de développement : conformité à la Constitution
Exclure l’exonération pour risque de développement en cas de dommages causés par des éléments du corps humain ou produits issus de celui-ci institue une différence de traitement entre les producteurs de produits défectueux justifiée par la spécificité de la nature et des risques présentés par ces éléments ou produits du corps humain.
Cons. constit. 10 mars 2023, n°2023-1036 QPC
Au cœur de la question prioritaire de constitutionnalité posée au Conseil constitutionnel dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, l'exception pour risque de développement consacrée par l'ancien article 1386-11, 4° du Code civil (art. 1245-10, 4° nouv.) en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, c'est-à-dire de ceux qui n'offrent pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
En application du texte précité, le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit à moins qu'il ne prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, ne pouvait pas lui permettre de déceler l'existence du défaut. Cette cause exonératoire est communément désignée comme « l'exception pour risque de développement » : le producteur ne sera pas responsable du fait de son produit défectueux s'il établit qu'au moment de la mise en circulation du produit en cause, l'état des connaissances scientifiques objectivement disponibles sur le plan international, au niveau le plus avancé, ne permettait objectivement pas de déceler l'existence de ce défaut (CJCE 29 mai 1997, Commission c/ Royaume Uni, C-300/95). Cette exception, prévue à l’effet de préserver la recherche et l'innovation (pt 12), ne peut toutefois bénéficier à tous les producteurs.
En effet, ceux qui commercialisent des éléments du corps humain, ainsi que les produits qui en sont issus, en sont expressément exclus. La loi dispose à cet effet que le producteur ne peut être exonéré en vertu du risque de développement lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par un produit issu de celui-ci (C. civ., art. 1386-12 anc. ; 1245-11 nouv.). Il en résulte une différence de traitement dans l’engagement de la responsabilité du producteur selon que le dommage a été causé par un tel élément ou produit, ou par tout autre produit défectueux.
D'où la QPC posée au Conseil constitutionnel : cette différenciation ne porte-t-elle pas atteinte au principe d'égalité devant la loi (DDHC, art. 6), le régime différant suivant que le produit est issu ou non du corps humain ?
Plus précisément, la QPC ayant été posée par des victimes de produits issus du corps humain, rejoints par l'Assurance Maladie, les requérants reprochaient à ces dispositions de n’empêcher un producteur d’invoquer la cause d’exonération de responsabilité pour risque de développement que dans le cas où le dommage a été causé par un élément du corps humain ou un produit issu de celui, arguant en conséquence d' « une différence de traitement injustifiée entre les victimes d’un tel dommage et les victimes de dommages causés par d’autres produits de santé, seules ces dernières pouvant se voir opposer cette cause d’exonération et être ainsi privées d’indemnisation ».
Si le Conseil constitutionnel ne nie pas la différence de traitement (pt 11), elle ne lui apparaît cependant pas injustifiée. Selon les Sages, « eu égard à la nature et aux risques spécifiques que présentent les éléments du corps humain et produits issus de celui-ci, le législateur a pu prévoir que, en cas de dommages causés par ces derniers, le producteur ne peut pas se prévaloir de la cause d’exonération pour risque de développement ». Il s'en infère que « la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi ». Partant, l'article 1386-12 du Code civil (C. civ., art. 1245-11 nouv.) est déclaré conforme à la Constitution. Les producteurs d’éléments et de produits issus du corps humain ne peuvent donc définitivement pas prétendre à l'exception pour risque de développement.
Références :
■ CJCE 29 mai. 1997, Commission c/ Royaume Uni, aff. C-300/95 : D. 1998. 488, note A. Penneau ; RTD civ. 1998. 524, obs. J. Raynard ; RTD com. 1998. 735, obs. M. Luby.
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